L’ONG Internet sans frontières a considéré vendredi de “grave” la suppression du principe de neutralité du Net, votée la veille par le régulateur des télécoms américains. Julie Owono, directrice exécutive de ce réseau d’ONG, revient pour Jeune Afrique sur les conséquences éventuelles de cette décision en Afrique.
La réaction ne s’est pas fait attendre. « Internet sans frontières craint l’impact de ce vote sur les pays émergents qui s’inspirent du modèle américain pour assurer leur cyber développement », publiait vendredi 15 décembre ce réseau d’ONG, qui milite pour la liberté sur Internet, vingt-heures après la suppression du principe de neutralité du Net, votée le jeudi 14 décembre par la Commission fédérale des communications aux États-Unis (FCC).
Dénonçant un « recul pour l’Internet libre et accessible à tous sans discrimination », Internet sans frontières relève que la décision américaine « contraste avec de nombreux pays, dont les États de l’Union européenne (UE), ou encore l’Inde, qui ont choisi de protéger ce principe fondamental ». Théorisée il y a une vingtaine d’années, la neutralité du Net voudrait que toutes les informations circulent sans discrimination sur Internet. Peu importe le contenu ou la quantité de données, l’idée étant de soutenir la révolution Internet en permettant à n’importe qui, où qu’il soit, d’accéder à n’importe quelle information.
Jeune Afrique : Quelles seraient les conséquences en Afrique de la fin de la neutralité du Net, telle que décidée par la Commission fédérale des communications des États-Unis ?
Julie Owono : Cela signifierait que des opérateurs ou des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) peuvent désormais prétendre que trop d’informations circulent sur le réseau et que leurs infrastructures ne sont pas assez robustes pour les accueillir. En conséquence, il leur faudra des moyens supplémentaires pour pouvoir gérer le trafic et des internautes devront payer plus pour pouvoir accéder à certains contenus.
La décision de la FCC crée une discrimination de fait et un Internet à deux vitesses. […] Il faudra cinq dollars de plus, par exemple, pour visionner des vidéos sur YouTube »
Des opérateurs pourront, par exemple, demander aux abonnés de Netflix [l’entreprise américaine qui propose des films et des séries en flux continu sur Internet, ndlr], de payer plus pour visionner des vidéos qui congestionnent trop le trafic de données, selon les fournisseurs d’accès. D’autres petites et moyennes entreprises (PME) pourront également être obligées de payer des suppléments aux opérateurs et fournisseurs d’Internet pour être sûres que leurs contenus atteignent les internautes avec la même rapidité que d’autres contenus.
En clair, la décision de la FCC crée une discrimination de fait et un Internet à deux vitesses : avec, d’une part, ceux qui ont les moyens et pourront potentiellement accéder à tous les contenus et, de l’autre, ceux qui n’ont pas assez de ressources et qui n’auront accès qu’à un