Lorsque Joe Biden, qui avait annoncé qu’il ne se présenterait pas pour un second mandat, avait justifié ce choix dans une allocution solennelle prononcée de son bureau, il avait promis qu’il s’exprimerait prochainement au sujet de la Cour suprême. C’est désormais chose faite : ce lundi, la Maison Blanche a d’abord délivré par écrit et dans les grandes lignes ses ambitions relatives à la plus haute juridiction de son pays. Puis l’intéressé a pris la parole, depuis la bibliothèque présidentielle Lyndon Baines Johnson d’Austin, sur le campus de l’université du Texas.
La Cour suprême a été transformée en arme.
Le démocrate demande un amendement constitutionnel pour annuler la récente décision de la Cour suprême soutenant les revendications de Donald Trump en matière d’immunité présidentielle. Il souhaite également limiter la durée du mandat des juges de la Cour, qui siègent actuellement à vie, à la suite de décisions choc telles que l’abrogation de l’arrêt Roe vs Wade, qui garantissait depuis plusieurs décennies le droit à l’interruption volontaire de grossesse sur l’ensemble du territoire. Joe Biden réclame aussi l’adoption d’un code éthique contraignant, après une série de scandales.
États-Unis: la Cour suprême a-t-elle renforcé l’immunité du président?
« Ce qui se passe actuellement n’est pas normal », a-t-il dit, en référence à la décision de la juridiction de renforcer l’immunité présidentielle, lors d’une décision concernant l’ex-président Donald Trump.
La Maison Blanche assure que Joe Biden et la vice-présidente Kamala Harris, probable candidate du Parti démocrate le 5 novembre, ont « hâte de travailler avec le Congrès sur ces projets ». Mais dans le temps qu’il leur est imparti, ils n’ont pratiquement aucun espoir de passer à travers un Parlement américain profondément divisé pendant leur mandat. Le président exprime plutôt sa frustration, face à une Cour remplie de juges nommés par Donald Trump. Sur les neuf membres de la Cour, six sont conservateurs et la moitié d’entre eux ont été nommés sous le mandat précédent.
Une réforme qui a néanmoins peu de chances d’aboutir
Si cette réforme est ambitieuse, sa mise en œuvre semble vouée à l’échec. D’abord, le mandat de Joe Biden se termine dans 100 jours, cela ne laisse pas beaucoup de temps pour les négociations. D’autant que sur un tel sujet, ces négociations ne seront pas faciles, surtout avec un Congrès très divisé, rapporte notre correspondante à New York, Loubna Anaki.
Lundi 29 juillet, le chef de la majorité républicaine à la Chambre des représentants Mike Johnson a dit que cette proposition de réforme serait immédiatement enterrée.
On peut alors se demander pourquoi Joe Biden fait de telles annonces. Selon les sondages, la majorité des Américains n’a plus confiance en la Cour Suprême. Joe Biden sait que c’est donc le bon moment pour mettre en avant cette idée de réforme avant l’élection présidentielle.
La Cour suprême placée au cœur de la course à la Maison Blanche
Joe Biden souhaiterait voir limité à 18 ans le mandat des juges de la Cour, avec de nouveaux membres nommés tous les deux ans. Sébastien Natroll, journaliste spécialiste de la Cour suprême des États-Unis, commente : « Les démocrates n’ont plus le contrôle de la Cour et cela pose un problème pour l’application de leurs idées politiques. Et un président comme Donald Trump, qui reste quatre ans au pouvoir, peut nommer des juges qui, eux, auront une influence considérable sur la société américaine pendant vingt, voire trente ans, voire un peu plus. »
« Ce n’est pas la première fois que Biden évoque une réforme de la Cour suprême, fait valoir Sébastien Natroll. Il avait, au début de son mandat, réuni une instance justement pour y réfléchir, qui était composée de professionnels du droit et notamment de professeurs de droit. » Néanmoins, poursuit notre confrère, « la tâche est particulièrement compliquée pour lui », et l’objectif réside sans doute ailleurs, alors que les sondages d’opinion montrent une perte croissante de confiance du public envers l’institution la plus prestigieuse des États-Unis.
Le fait d’aborder le sujet, maintenant qu’il n’est plus candidat à sa réélection, c’est un moyen pour lui d’assumer les conséquences si jamais une telle volonté de réforme était mal perçue. Et à l’inverse, cela permettrait à Kamala Harris de rebondir sur le sujet si cela plaît au niveau de l’électorat, et je pense que ce sera le cas.
Ce sera un thème de la campagne et c’est même là le but, estime Sébastien Natroll. « Si Joe Biden n’a pas vraiment de chances de faire aboutir cette réforme, argumente-t-il, cela peut malgré tout mobiliser l’électorat démocrate dans la mesure où ils vont dire : « Si vous voulez que cette réforme aboutisse, il faut nous donner la majorité la plus large possible dans les deux chambres, plus la présidence, évidemment ». » La Cour suprême a rendu, ces dernières années, des arrêts particulièrement déplaisants aux yeux des démocrates. « On pense notamment à la question du droit à l’avortement. »
L’idée de Joe Biden, c’est de promouvoir un amendement constitutionnel qui demanderait les 2/3 de chaque chambre pour être adopté, et ensuite une ratification par le 3/4 des États fédérés, donc c’est une tâche extrêmement compliquée et il est fort probable que les républicains, ne serait-ce que par principe, s’y opposent…
Kamala Harris a déjà apporté son soutien à ce plan de réforme, alors que Donald Trump l’a critiqué en accusant les démocrates de vouloir détruire le système judiciaire.
États-Unis: Joe Biden lance un nouveau défi en proposant une réforme de la Cour suprême (rfi.fr)