Le président élu Massoud Pezeshkian est officiellement investi président mardi. Son investiture marque la fin d’une période de vacance du pouvoir suivant la mort de l’ultra-conservateur Ebrahim Raïssi, il y a un peu plus de deux mois. Mais le personnage, s’il se présente comme un réformateur qui tente de remobiliser une partie de la population iranienne qui a perdu l’espoir d’un changement venant de l’intérieur du système, peine à convaincre.
Depuis qu’il a été élu, la répression n’a pas faibli. « Depuis la mort du président, on avait un « vide politique », donc on pouvait s’attendre à ce que le pays soit un peu paralysé. Le jour même, le guide suprême est venu faire un discours en disant : « Ne vous en faites pas, rien ne change ». Ce qui signifiait déjà que le pouvoir reste entre ses mains », explique, à RFI, Kian Habibian, Iranien exilé en France et cofondateur de l’association We are Iranian Students.
« Qu’il y ait un président ou pas, les arrestations vont continuer, parce que les ordres viennent d’au-dessus, du guide suprême, des instances religieuses et des gardiens de la Révolution. Avec un président ou non, la répression et les exécutions continuent en Iran. »
Une situation difficile pour Massoud Pezeshkian
Mais des doutes subsistent aussi, car un peu plus de trois semaines après son élection, le nouveau président iranien, le réformateur Massoud Pezeshkian, n’a pas encore fixé les grandes lignes de sa politique. Pour Reza, un commerçant d’une soixantaine d’années, le nouveau président doit d’abord s’occuper des questions économiques, notamment la levée des sanctions, mais aussi assouplir les contraintes vestimentaires des femmes ou réduire les restrictions sur internet.
« Il y a d’abord la question des sanctions américaines. Il doit faire baisser les pressions sur la population. Sur le plan intérieur, il y a la question du voile pour les femmes et la censure de l’internet, ce sont des choses qu’il a promises durant la campagne électorale », explique-t-il à notre correspondant à Téhéran, Siavosh Ghazi.
Mais tout le monde ne partage pas son optimisme. C’est le cas d’Omid, un jeune Iranien d’une quarantaine d’années au chômage. « À mon avis, il n’y a aucune raison d’espérer un changement de la situation, car le docteur Pezeshkian n’a fait aucune promesse durant la campagne et il est un simple exécutant du pouvoir », déplore-t-il.
La situation s’annonce donc difficile pour le nouveau président qui doit composer avec les conservateurs qui contrôlent l’ensemble des organes du pouvoir alors que le contexte régional et international laisse peu d’espoir pour des changements rapide.
Du côté de la diaspora, les représentants de la société civile peinent aussi à y croire. Parmi les associations actives depuis l’étranger, We are Iranian Students tente de défendre les droits des étudiants iraniens, particulièrement touchés par la violente répression du mouvement « Femme, Vie, Liberté » en 2022.
« Pezeshkian ne jure que par une seule chose, c’est la parole du guide suprême. Ce n’est pas le premier réformateur qui est élu en Iran, analyse Kian Habibian. Par exemple, on va nous présenter Rohani, nous dire que des accords sur le nucléaire ont été signés. Mais la population n’en a pas bénéficié. L’argent, il va aux mains du régime des gardiens de la Révolution qui ont une emprise totale sur l’économie. »
Malgré tout, les membres de la société civile à l’intérieur et à l’extérieur de l’Iran restent mobilisés. « L’espoir continue d’exister tant qu’il y a ne serait-ce qu’une femme qui enlève son voile en public, tant qu’il y a un artiste qui va chanter la douleur des gens, la désobéissance civile, la culture. Ce sont des armes extrêmement puissantes contre les dictatures », ajoute le cofondateur de We are Iranian Students.
Un enregistrement est notamment sorti de la prison d’Evin. On y entend les détenues crier que ni les exécutions ni la répression n’ont d’effet sur la mobilisation. Parmi elles, la Prix Nobel de la paix Narges Mohammadi a annoncé qu’elle et ses codétenues rallieraient le mouvement « Non aux exécutions », lancé il y a un mois et demi et mené tous les mardis dans au moins onze 11 prisons du pays. Elles seront, elles aussi, en grève de la faim mardi.