Au Bangladesh, c’est un vide dans lequel certains se sont engouffrés, avec des violences commises notamment à l’égard de la communauté hindoue. Alors, en l’absence d’autorité étatique, la population s’organise. « Comme la police ne fonctionne pas normalement, ils essaient d’en profiter », explique Omor, la voix enrouée et qui n’a presque pas dormi de la nuit.
Ce manifestant, étudiant à l’université de Dacca, a monté la garde avec ses voisins pour protéger leur maison et leurs proches contre les groupes criminels. « Au début, nous avions entendu des informations sur des cambriolages et des actes de vandalisme sur des cibles religieuses. Mais c’est rapidement devenu un problème pour tous les foyers. Toute la nuit, c’était juste nous et nos voisins en train de nous défendre mutuellement grâce à des patrouilles autour de chez nous afin d’être sûrs que personne ne nous infiltre et fasse des dégâts », ajoute-t-il. Derrière sa voix, on peut entendre les hélicoptères de l’armée dans le ciel de Dacca. Mais ces derniers ne remplacent pas la police au sol, absente.
Dans les rues jonchées de débris à cause du mouvement de protestation, des manifestants essaient d’organiser le quotidien. « Dans l’université de Dacca, les étudiants ont formé des groupes et appelé des gens à travers la ville pour organiser le nettoyage », termine-t-il.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs vidéos montrent des jeunes de 20 ans en train de faire la circulation dans des carrefours de Dacca.
Pour Muhammad Yunus, le programme est chargé
Alors que Muhammad Yunus s’est envolé ce jeudi pour le Bangladesh pour diriger le gouvernement intérimaire, le prix Nobel de la paix a appelé à l’apaisement au milieu des violences contre les forces de l’ordre ou communautaires qui agitent le pays. Et pour le nouveau chef du gouvernement de transition, le programme est chargé, précise Nicolas Rocca, notre envoyé spécial au Bangladesh avec Muhammad Yunus. Attendu comme un sauveur dans un pays sans gouvernement avec une police absente, Muhammad Yunus s’est engagé à rétablir « la loi et l’ordre » au Bangladesh, à son retour dans le pays. Il a affirmé qu’il s’attellerait en premier lieu à rétablir « la loi et l’ordre ». « Nous ne pouvons pas avancer si nous ne réglons pas la situation en matière de loi et d’ordre », a-t-il déclaré devant la presse et ses partisans peu après son arrivée au Bangladesh.
Le général Waker Uz-Zaman, a de son côté annoncé que la situation devrait redevenir à la normale d’ici trois à quatre jours dans le pays alors que le nouveau gouvernement doit prêter serment dès la fin de journée ce jeudi. Cela laisse donc peu de temps pour un bain de foule pour Muhammad Yunus. Sans aucune formation où structure politique derrière lui, le prix Nobel va devoir composer avec les partis historiques, notamment le Parti national du Bangladesh, le BNP, qui a déjà organisé un rassemblement de ces militants ce mercredi.
Les prochaines heures seront décisives pour le futur chef du gouvernement de transition. Quand seront organisées les élections qu’il a appelées de ses vœux ? Souhaite-t-il diriger le pays au-delà de la période de transition ? Autant de questions auxquelles 170 millions de Bangladais espèrent des réponses rapidement, une fois que Muhammad Yunus aura mis le pied dans le pays.