Tokyo : on suit avec attention les préparatifs des Jeux olympiques de Paris, au point qu’une question à leur propos revient en boucle : « Ces Jeux, eux, seront-ils exemplaires : sans gaspillage, ni argent sale, ni dérapage budgétaire ? ». Et beaucoup de Japonais se disent que, le cas échéant, l’archipel va perdre la face. Car c’est peu dire qu’en la matière, les Jeux de Tokyo, l’an dernier, font figure de contre-exemple.
Les contribuables japonais n’ont pas fini de payer pour les Jeux de Tokyo 2020. Cinq des six infrastructures sportives construites à grand frais pour l’événement affichent un déficit annuel d’exploitation d’1 milliard de yens : près de 7 millions d’euros.
Ces JO ont été les Jeux d’été les plus chers de l’histoire olympique : à l’époque, ils ont coûté 13 milliards d’euros. « 10 milliards », minimise le comité organisateur en se basant sur le cours actuel du yen, qui, depuis l’an dernier, a perdu 30% de sa valeur sur le marché des changes. La presse nippone voit dans cette manœuvre budgétaire « une entourloupe peu glorieuse ».
Tokyo 2020, l’exemple à ne pas suivre
Surtout, les JO de Tokyo ont été « les jeux de la corruption ». C’est ce qu’a écrit le grand quotidien financier Nikkeï quand, fin juillet, un énorme scandale a été mis au jour concernant ces Jeux. Cette affaire, depuis, ne quitte plus la Une des Journaux télévisés : « Coup de théâtre alors que le Japon fête en ce moment le premier anniversaire des JO de Tokyo. Un membre éminent du comité organisateur de ces Jeux, Haruyuki Takahashi, a été interpellé et placé en détention provisoire. Il est soupçonné d’avoir reçu des pots-de-vin de plusieurs entreprises en échange de leur désignation comme sponsors officiels de l’événement ».
Puis : « Tsunekazu Takeda a démissionné tout à l’heure de la direction de Park 24 : une des nombreuses sociétés mises en cause dans le scandale qui éclabousse les Jeux de Tokyo. Il y a trois ans, déjà, des allégations de corruption l’avaient contraint de renoncer à la présidence du Comité olympique japonais ». Et : « Le président de la grande agence de publicité ADK, qui est sous les verrous, vient d’être lâché… par sa propre entreprise ! Un de ses adjoints a confirmé aux enquêteurs avoir, à sa demande, versé 20 millions de yens de commissions occultes afin qu’ADK devienne sponsor des Jeux ».
« Les dessous-de-table des Jeux de Tokyo : voilà que l’affaire prend une dimension politique ! Ce matin, l’ex-Premier ministre Yoshiro Mori lui-même, resté très influent dans la majorité, a été auditionné en tant que témoin », a-t-on encore entendu.
Les Japonais effarés par les affaires de corruption
Au moins 200 millions de yens de pots-de-vin (plus d’1 million d’euros) ont été versés en marge des Jeux de Tokyo. Ce qui indigne les Japonais. « Ces jeux nous ont coûté les yeux de la tête et, en plus, visiblement, des gens en ont profité pour s’en mettre plein les poches. C’est vraiment la double peine », dit celui-ci.
« Les athlètes ont tout donné pour ces Jeux… dont l’image est souillée à jamais par ce scandale. C’est terrible ». Mais aussi : « On découvre tout cela un an après. À l’époque, personne n’a rien vu. À moins que tout le monde ait fermé les yeux ».
Pour les Jeux d’hiver de 2030, c’est non !
Chat échaudé craint l’eau froide : désormais, à peine un sondé sur deux soutient la candidature du Japon à l’organisation des Jeux d’hiver de 2030.
Ces deux Tokyoïtes, eux, y sont opposés : « De grâce, arrêtons les frais. On ne va pas tout de même pas se lancer à nouveau dans une aventure olympique alors qu’elle aussi, comme les Jeux de Tokyo, pourrait tourner au fiasco ! », dit l’un. « Qu’on tranche la question via un référendum ! Les autorités s’y refusent car elles se rendent bien compte que, pour les gens, la priorité, ce n’est pas le sport, mais le pouvoir d’achat, l’emploi et les salaires », s’emporte un autre.
Le président du Comité international olympique, Thomas Bach, a annulé la visite qu’il avait prévue au Japon à la mi-octobre. Vu les dérives, à présent avérées, des Jeux de Tokyo mais aussi vu la grogne à propos de cette candidature pour les Jeux d’hiver de 2030. Une candidature qui fait l’objet de campagnes de promotion auxquelles des athlètes japonais qui avaient brillé à Pékin ou à PyeongChang refusent de participer. Ils ne souhaitent pas que leur nom ou leur image soient associés à une telle échéance.