La concurrence est rude et même faussée tant les différents acteurs ne jouent pas à armes égales. Les mélanges de lait écrémé et de matières grasses végétales dites MGV continuent d’affluer sur le marché ouest-africain. Peu taxés, venant d’Irlande majoritairement, des Pays-Bas, ou de France, ils représentent plus de la moitié des importations de produits laitiers.
Stéven Le Faou est consultant au bureau d’étude Jokoo — spécialiste de l’interdépendance commerciale entre l’Afrique et l’Europe : « En Europe, la première contrainte est que l’on consomme tout basiquement plus de matière grasse que de matière protéique du lait, on a des excédents. Notre crainte aujourd’hui, c’est que ces poudres MGV soient le moyen de recycler ces excédents. Beaucoup de filières sont guidées par le coût, et ça aboutit à ce type de produit qui peuvent assembler les ingrédients les moins chers pour arriver à un équivalent du lait entier, qui est la moitié du prix du lait entier. »
Une différence floue avec le lait local
Au Burkina, le litre de lait reconstitué à partir de cette poudre coûte environ 300 francs CFA. Deux fois moins qu’un litre de lait local. D’autant plus pénalisant que l’étiquetage reste flou et défaillant, explique Ibrahim Diallo, président de l’Union nationale des minilaiteries et producteurs de lait local dans le pays : « Cette concurrence a tiré la production locale vers le bas. Nous partageons le même marché. Il y a même des industries au Burkina qui utilisent cette poudre de lait, qui sont assimilées à des industries qui font du lait local. Le consommateur ne fait pas la différence en le produit lait en poudre MGV et le lait local. »
Le marché du lait en pleine restructuration
Les États s’engagent à travers l’Offensive Lait menée par la Cédéao depuis 2017. La Côte d’Ivoire souhaite qu’un quart des besoins en lait soit assuré par la production locale d’ici à 2030.
Favoriser la production de lait local
Des investissements majeurs sont également menés au Nigeria. Selon Benoit Rouyer, économiste français au Centre national interprofessionnel de l’économie laitière. Le monde entier a un intérêt à ce que le développement des filières laitières africaines réussisse : « On va avoir besoin de tout le monde pour nourrir le monde dans les années à venir. En fait, les projections de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques), c’est une croissance de la consommation de 1,8 % par an de lait. Ce lait-là, on ne va pas le produire, notamment en Europe, parce qu’on a des facteurs limitants avec les ressources humaines qui ne sont pas là, donc il est important que la production laitière se développe dans un certain nombre de zones traditionnellement importatrices comme l’Afrique de l’Ouest. »
Le lait africain doit gagner en compétitivité. Cela peut passer par une baisse des couts de production, de collecte du lait local et par une hausse des taxes à l’importation des poudres de lait rengraissé. « Aux politiques de réguler », appellent les différents acteurs.