Le président américain est en visite officielle dans la capitale de l’Union européenne, où la méfiance reste grande face à un interlocuteur jugé imprévisible et impulsif.Donald Trump devait passer près de 24 heures à Bruxelles, du mercredi 24 au jeudi 25 mai, pour une première visite officielle dans la capitale de l’Union européenne (UE). Entre le mini-sommet de l’OTAN, une rencontre avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, puis avec celui du Conseil européen Donald Tusk, et un déjeuner de travail avec le président français Emmanuel Macron, son programme est très chargé…
Si les relations se sont quelque peu normalisées avec le 45e président des Etats-Unis, les Européens n’ont pas oublié que M. Trump s’était à plusieurs reprises réjoui du « Brexit » ou qu’il avait qualifié Bruxelles de « trou à rats »… Ils se méfient d’ailleurs toujours d’un homme considéré comme imprévisible et impulsif. Quant aux sujets de désaccord ou d’incompréhension mutuelle, ils restent nombreux.
Défense
La question des dépenses que les Européens consacrent à leur défense est l’un des principaux sujets de divergence avec Washington. Il ne sera toutefois que survolé lors du « mini-sommet » de l’OTAN, jeudi.
Après les remontrances de M. Trump, qui invitait ses alliés à « payer la facture » en échange de la garantie du maintien de la protection américaine, le dossier a fait l’objet de plusieurs réunions. Elles ont (temporairement ?) calmé les esprits et, en juin, les alliés européens au sein de l’Alliance s’engageront sans doute à rédigerdes plans nationaux en vue, si possible, d’arriver à consacrer 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense à l’horizon 2024.
Pour l’instant, Washington fait mine de se satisfaire de cette promesse, sachant que la question est pendante depuis de nombreuses années et notant qu’en un an, les dépenses des Européens se sont accrues de plus de 3,6 %. Une performance inédite.
Ces derniers attendent, eux, une déclaration de M. Trump sur l’article 5 du traité de l’OTAN (assistance mutuelle en cas d’attaque armée), et une confirmation que les Etats-Unis continueront bel et bien à se soucier de la sécurité de leurs alliés, contrairement à ce que le candidat républicain avait laissé entendre durant sa campagne.
Federica Mogherini, la haute représentante de l’UE aux affaires étrangères, a résumé les attentes à ce sujet, mercredi : « J’espère un message de continuité par rapport à ce que nous avait dit [le vice-président américain] Mike Pence lors de sa visite à Bruxelles [mi-février]. »
Diplomatie
Le récent revirement du président Trump sur l’islam et la question saoudienne, avec sa conséquence directe – la mise au ban de l’Iran –, est un autre motif d’agacement à Bruxelles. Le moment est jugé particulièrement malvenu puisque le réformateur Hassan Rohani a été réélu président de la République islamique, le 19 mai, et manifeste des volontés d’ouverture et d’apaisement. La diplomatie européenne, qui s’est fortement impliquée dans l’accord sur le nucléaire iranien – c’est sans doute, d’ailleurs, l’un de ses rares faits d’armes –, ne veut pas voir remise en cause la relation avec Téhéran et l’équilibre, fragile, de cet accord.Preuve quand même que les Européens veulent afficher leur bonne volonté en présence de M. Trump : les vingt-huit pays membres de l’OTAN devaient annoncer qu’ils rejoignent formellement la coalition internationale contre l’organisation Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie. Sur ce point, Paris maintient cependant, selon nos informations, quelques réserves, craignant que l’arrivée de l’OTAN ne fragilise la cohésion de la coalition. Les Etats-Unis, qui dirigent cette coalition, réclament pour leur part depuis plus d’un an que l’OTAN en devienne membre à part entière.
Climat
C’est l’un des principaux messages que les Européens souhaitaient faire passer à leur interlocuteur américain : les Etats-Unis ne doivent pas renoncer à appliquer les accords de Paris sur le climat. Emmanuel Macron devait aborder cet épineux dossier lors de son déjeuner M. Trump. Les présidents Tusk et Juncker étaient censés faire de même.
Mercredi, le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson a cependant prévenu que M. Trump « n’a pas encore pris de décision définitive sur la participation des Etats-Unis à l’accord de Paris sur le climat ; il étudiera le dossier à son retour à Washington ».
Commerce, libre-échange
Sur ces dossiers, les Européens sont moins inquiets qu’en début d’année, quand le président Trump avait dénoncé l’Accord de partenariat transpacifique (TTP), avec une dizaine de pays d’Asie et d’Amérique latine, longuement négocié par son
prédécesseur Barack Obama.
Ils craignaient alors le retour à un protectionnisme dont l’UE, partenaire commercial conséquent des Etats-Unis, aurait forcément souffert. Ils estimaient que le Traité de libre-échange transatlantique (TTIP, ou Tafta), l’accord qu’ils négociaient laborieusement depuis 2013 avec l’administration Obama, était définitivement « mort ». Ils s’inquiétaient enfin du mépris affiché de M. Trump pour les relations « multilatérales », pourtant aux cœur des relations commerciales au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Mais M. Trump n’a pas encore mis à exécution ses menaces d’élever fortement les droits de douane à l’importation des produits venant du Canada ou du Mexique. Et si la Maison Blanche continue à mettre en doute l’intérêt des relations commerciales multilatérales, certains à Bruxelles se mettent à rêver d’une réactivation des discussions autour du TTIP.
« Jean-Claude Juncker avait dit qu’il faudrait deux ans à Trump pour comprendre le fonctionnement de l’UE. Cela ne fait que six mois qu’il est en poste », glissait un diplomate européen, mercredi, quelques heures avant l’arrivée du président américain…
Même si personne à Bruxelles ne s’attend à des annonces fracassantes ou, a contrario, à des déclarations « apocalyptiques » de M. Trump, on se félicite qu’il ait « pris le temps de venir ». « C’est cela le plus important », estime un diplomate