Éthiopie: Une délégation du gouvernement éthiopien est arrivée ce lundi matin à Mekele, la capitale du Tigré. Cette visite d’officiels de « haut niveau », menée par le président de la Chambre des représentants, Tagesse Chafo, vise à superviser l’application de l’accord de paix entre les autorités rebelles du Tigré et le gouvernement fédéral éthiopien, signé le 2 novembre à Pretoria.
La délégation compte notamment le conseiller du Premier ministre à la sécurité nationale Redwan Hussein ainsi que plusieurs ministres dont ceux de la Justice, des Transports et Communications, de l’Industrie et du Travail. Elle a été accueillie dans la matinée par les autorités régionales dissidentes, notamment leur porte-parole Getachew Reda, selon des photos publiées par des médias tigréens.
C’est la première fois que des représentants d’Addis-Abeba se rendent à Mekele depuis le début du conflit, il y a plus de deux ans. Mais, selon une source au sein du gouvernement tigréen, des négociations informelles ont déjà eu lieu début décembre, à Shire, entre des représentants des deux camps. Une rencontre a aussi eu lieu à Nairobi la semaine dernière, où rebelles et gouvernement ont approuvé la mise en place d’un mécanisme de suivi de l’accord chargé de surveiller, entre autres, le désarmement des forces tigréennes et le retrait des troupes étrangères.
Vers un début de dialogue ?
Pour le gouvernement fédéral, cette visite à Mekele est « une preuve que l’accord de paix est sur la bonne voie et progresse ». C’est « un grand espoir », pour le président de la Chambre des représentants d’Addis-Abeba. Depuis sa signature à Pretoria le 2 novembre, les combats ont cessé. Les rebelles affirment avoir « désengagé » 65% de leurs troupes, ce qu’aucune source indépendante n’a pu vérifier. L’aide humanitaire arrive quant à elle très lentement dans la région.
« Ce qu’il faut noter de très important depuis la signature de l’accord, c’est que le cessez-le-feu tient et qu’il n’y a pas eu d’affrontements de grande ampleur, estime William Davison, spécialiste de l’Éthiopie au sein de l’International Crisis Group. On voit aussi, comme le montre cette visite de la délégation fédérale à Mekele, qu’il y a un engagement continu envers la paix, aussi bien du côté des autorités tigréennes qu’au niveau fédéral. »
Un haut responsable du pouvoir tigréen à Mekele espère que cette rencontre permettra « un début de dialogue sur les questions politiques » avec le pouvoir éthiopien et insiste sur deux demandes : la reprise complète des services coupés au Tigré et le retrait de la région de toutes les forces qui ne font pas partie de l’armée éthiopienne. Les Tigréens continuent en effet de dénoncer la présence des forces érythréenne et Amhara.
Accès à la nourriture et aux médicaments insuffisants
Il y a vingt jours, Mekele a été raccordé au réseau électrique. Mais le retour des télécommunications et des services bancaires reste incomplet, selon le président du gouvernement régional tigréen Debretsion Gebremichael. Ce lundi, des acteurs clés de ces différents secteurs étaient du voyage.
Au Tigré, l’accès à la nourriture et aux médicaments restent insuffisants. Selon l’ONU, deux années de guerre ont rendu plus de 13,5 de personnes dépendantes de l’aide humanitaire. La question de l’accès à l’ensemble du territoire se pose toujours. Tout comme celle du départ des forces venues de l’Érythrée voisine.
Trouver une entente sur l’aspect sécuritaire ?
Le problème le plus important qui persiste pour la mise en application de l’accord est l’entente sur l’aspect sécuritaire, décrypte William Davison, de l’International Crisis Group. « L’Érythrée continue d’être présente au Tigré, tout comme les forces Amhara. Cela joue directement dans le fait qu’il n’y ait pas eu à ce jour de démarches considérables de prises vers un désarmement du Tigré. Et il semble que cela contribue aussi dans l’échec, jusqu’à maintenant, du rétablissement de la présence fédérale dans la région. Ce qui, en retour, contribue aussi possiblement à l’échec du gouvernement fédéral de rétablir totalement les services de base, comme les télécommunications, l’électricité et les services bancaires, dans l’ensemble du Tigré », dit-il.
« Cet échec sur l’aspect sécuritaire semble avoir des répercussions négatives. Ce sont ces problèmes que les parties prenantes doivent résoudre urgemment », conclut William Davison, de l’International Crisis Group.