Hervé Samb : Né dans les environs de Dakar, le guitariste et désormais chanteur Hervé Samb et ses musiciens réunis au sein du Teranga band reviennent avec Jolof, un album hommage à ce royaume qui préfigura la nation sénégalaise. En digne descendant des musiques du Xalam, Jolof conforte les bases du jazz sabar au pays du mbalax.
« J’ai toujours voulu être guitariste » se souvient Hervé Samb qui, très jeune, avait assisté, perché sur les épaules de son père, à un concert de Luther Allison dans le sud de la France, pays où il a vécu une paire d’années entre un an et trois ans. À l’issue du show, reposé à terre, il savait que la musique serait son chemin.
À 9 ans, avec ses premières économies, il achète une guitare au marché aux Puces de Dakar. À 11 ans, le guitariste rejoint le groupe Force 5. Ensemble, ils partent pour une tournée Jeunes Talents. L’année suivante, classé parmi les trois premiers d’un tremplin, Force 5 gagne l’enregistrement d’un album et tourne ses premières télés. Tout va très vite. À 14 ans, Hervé Samb qui a fondé son quintet aux accents groove et jazz, fait la rencontre de Pierre Van Dormael. Le guitariste belge installé au Sénégal sera son professeur, son mentor au Conservatoire de Dakar.
À 19 ans, nouveau départ vers la France. Très vite, il intègre le milieu musical parisien. À la charnière des siècles, il accompagne lors d’une tournée au long cours ceux qu’on appelle alors le « couple aveugle du Mali » et qui finiront très vite par imposer leur prénom : Amadou et Mariam. Sa carrière s’internationalise.
À New York, il accompagne à la guitare et comme directeur musical sur leurs albums, Oumou Sangaré, Lisa Simone… « Ce sont des années très riches artistiquement. Elles m’ont énormément nourri » glisse-t-il avant d’ajouter : « On m’appelait pour ce que j’étais, pour ce que j’avais en moi, pour mon style et pour l’échange qui allait naître. »
On le verra ainsi au côté de la Camerounaise Charlotte Dipenda, des Américains David Murray, Marcus Miller ou Reggie Washington. « Ces rencontres sont le terreau de ma création » précise celui qui n’a pas les deux pieds dans la même sandale, la même culture. « J’aime être au service d’un artiste, d’une histoire, d’un projet, tout en étant fidèle à ma personnalité. Mes racines sont africaines, mais le blues et le jazz m’accompagnent depuis mes débuts ».
En 2018, quand parait Terranga, le guitariste devenu aussi chanteur, et ses musiciens (Alpha Dieng au chant, Pathe Jassi à la basse, Alioune Seck au sabar et autres percussions, Ndaw Macodou à la batterie) dessinaient les contours du jazz sabar. Les rythmes et les sonorités explosives du sabar, cette percussion sénégalaise – « qui n’existe qu’au Sénégal » ajoute Hervé Samb – jouée avec une baguette lors de grands moments de la vie, ainsi que les inflexions jazz pensées comme une plateforme d’échanges, participent à cette rencontre fraternelle. Une rencontre placée sous le signe de l’hospitalité (Terranga en wolof).
Cette percussion qui parle le wolof pour peu qu’on tende l’oreille invente un jazz sénégalais au-delà des emprunts aux patrimoines des deux musiques. Un pont est tendu, et d’autres (Yéyé Faye) l’empruntent déjà. Des expérimentations des débuts, le groupe a fait siens les rythmes et les intonations du projet.
« Nous avons aujourd’hui, à l’heure de la sortie de Jolof, notre second opus, un vrai son de groupe que nous assumons, revendiquons. Le genre a désormais ses adeptes au Sénégal et même déjà des disciples » précise Hervé Samb qui semble heureux de ce fait, dans un pays où le mbalax, popularisé à l’étranger par Youssou N’Dour, est devenu le genre musical majoritaire au Sénégal, celui qui écrase tous les autres. « C’est aux artistes d’éduquer le public, c’est à nous musiciens de proposer, d’innover quitte à retourner aux sources. »
Jolof, le royaume d’avant le Sénégal
« Le Royaume du Jolof a marqué les bases de l’organisation ethnique, politique et religieuse du pays. Quand on dit ‘Jolof’, on dit Sénégal » explique le musicien qui ajoute que cet album enregistré dans les conditions du live traite de sujets importants pour le pays.
Le titre éponyme qui ouvre l’album invite par exemple les Sénégalais, qu’ils aient réussi à l’étranger ou pas, à rentrer au pays. « Le Sénégal a besoin de ses enfants » lâche depuis Paris, le musicien. Yâkki s’adresse aux plus jeunes pour qu’eux ne tentent pas, au péril de leurs vies, la grande traversée. Sur Gëm Sa Bop, titre plus rock, plus blues, Hervé Samb chante à destination de la jeunesse, mais pas uniquement, la confiance en soi, un thème qui prend tout son sens quand on sait que le guitariste s’est longtemps interdit de chanter et qu’il passe en fin le cap.
Hervé Samb Jolof (Euleuk Vision/Absilone) 2023
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