L’ancien président a fait sa rentrée publique devant des étudiants à Chicago. Près de 100 jours après son départ de la Maison Blanche, il a évité toute référence à son successeur.
Après avoir écumé les mers du sud, des Caraïbes à la Polynésie, sur les yachts de milliardaires amis (le PDG de Virgin Richard Branson, le producteur hollywoodien David Geffen), Barack Obama a fait sa rentrée lundi 24 avril à Chicago, sa ville d’adoption. A moins d’une semaine du 29 avril, qui marque les 100 premiers jours de la présidence Trump, l’ancien président s’est gardé de toute référence précise à l’actualité ou petite phrase susceptible d’être interprétée comme dirigée contre son successeur. « Alors, qu’est-ce qui s’est passé depuis que je suis parti ? », a-t-il plaisanté.
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L’événement se déroulait à l’université de Chicago, où il a été professeur de droit constitutionnel. Il était organisé sous la forme d’une table ronde, devant une audience étudiante. L’ancien président, qui jouait le rôle du modérateur, a longuement questionné ses interlocuteurs sur leurs aspirations (trois filles, trois garçons, deux Afro-américains, un jeune Latino, un autre d’origine indienne, une diversité devenue rare dans les événements officiels), avant d’expliquer : « Après mon départ, j’ai passé pas mal de temps à réfléchir à ce qui était la chose la plus importante pour mon nouveau job. » Il a alors livré sa réponse : « Aider la prochaine génération à reprendre le flambeau et à essayer à son tour de changer le monde. »
Barack Obama, 55 ans, n’entend manifestement pas être le chef de file de l’opposition. Alors que le Parti démocrate continue d’être secoué par la base entrée en « résistance », et qu’il est désavoué par une partie de l’opinion (67 % des Américains le disent « déconnecté de la réalité » selon le dernier sondage ABC/Washington Post), il ne tient pas non plus à être l’arbitre des divergences entre centristes et progressistes.
Son rôle, a-t-il expliqué, sera plutôt de s’attaquer aux problèmes de fond de la démocratie américaine : le « gerrymandering », ou redécoupage électoral organisé par les partis eux-mêmes ; l’argent dans la vie politique et la polarisation accentuée par les médias. Dysfonctionnements qui empêchent les Etats-Unis d’avancer sur des problèmes par ailleurs « pas insolubles » comme la lutte contre le changement climatique ou l’immigration.
Un retour progressif à la vie publique
La – modeste – apparition de M. Obama à Chicago est la première étape d’un retour à la vie publique. Le 7 mai, il va recevoir la distinction « Profile in courage » de la fondation John F Kennedy à Boston. Elle lui est décernée pour la réforme de la santé, le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba et la signature de l’Accord de Paris sur le climat, des domaines menacés par les projets de l’administration Trump.
Le 9 mai, il sera à Milan (Italie) où il interviendra devant la conférence sur l’innovation alimentaire, consacrée à l’utilisation de la technologie dans l’agriculture (Global food innovation summit). Le 25 mai, il sera à la porte de Brandebourg à Berlin en compagnie de la chancelière Angela Merkel, pour une discussion dans le cadre de la célébration du 500e anniversaire de la Réforme protestante. Au même moment, Donald Trump sera à Bruxelles pour un sommet de l’OTAN.
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Après avoir quitté la Maison Blanche, Obama est resté à Washington, pour permettre à sa fille cadette Sasha de finir ses études secondaires. Il loue des bureaux, non loin de la Maison Blanche, où il emploie un staff d’une vingtaine de personnes, occupées à trier le courrier et les centaines d’invitations qui lui parviennent du monde entier. A Chicago, il s’affaire au chantier de sa fondation pour l’engagement citoyen et de sa bibliothèque présidentielle.
De son côté, Michelle Obama a prévu de participer le 12 mai à Washington à une conférence contre l’obésité organisée par l’association Partnership for a healthier America. Le couple Obama est aussi enregistré auprès de l’agence Harry Walker qui organise des interventions payées devant des audiences privées. Tous les deux sont sous contrat avec l’éditeur Random House. Ils auraient reçu pour leurs mémoires une avance s’élevant à plus de 60 millions de dollars.
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Devant les étudiants de Chicago, Barack Obama est apparu plus cool que jamais, prenant son temps pour choisir ses mots, parsemant ses réflexions historiques et sociologiques de plaisanteries inoffensives. Comment essayer d’éviter l’emballement des réseaux sociaux ? « Ne pas commenter immédiatement. Essayer de comprendre au lieu de répondre », a suggéré une étudiante. « Ça vaut aussi pour le mariage », a-t-il interjeté.
Conseil du professeur-mentor aux jeunes de la génération « selfie » ? Se demander « non pas ce qu’ils voudraient être » (personnalité politique, milliardaire), ce qui ne peut que conduire à désillusion, mais ce qu’ils « voudraient faire » : améliorer le système d’éducation, lutter contre le changement climatique, ce qui ne peut être que bénéfique, même si les efforts ne sont pas complètement couronnés de succès.
Dans le New Yorker, le satiriste Andrew Borowitz, a résumé l’événement : « Dans son intervention à Chicago, Barack Obama a déversé un torrent continu de phrases complètes » et « grammaticalement correctes ». Ce qui a été perçu comme « une attaque brutale » contre son successeur Donald Trump.
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