Saint-Louis : Le Sénégal a récemment découvert des ressources gazières et nourrit l’espoir d’un réel développement. Mais, dans le nord du pays, à Saint-Louis, les pêcheurs déplorent la perte d’une zone riche en poissons.
Logé dans l’Atlantique à une dizaine de kilomètres au large de Saint-Louis, à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, le terminal gazier se perd dans la brume de ce matin d’octobre.
Mais, cette installation ne fait pas le bonheur de Moussa Fall, un pêcheur de 36 ans, qui a vu ses moyens de subsistance se réduire.
« Cette plateforme a eu un grand impact sur notre travail car elle est installée dans une zone très poissonneuse où nous avions l’habitude de faire notre pêche quotidienne. Actuellement, nous avons des dépenses énormes pour aller en mer mais au retour, nous revenons avec des pirogues vides. C’est pourquoi certains pêcheurs sont obligés d’entrer dans la zone de la plateforme pour avoir accès aux ressources halieutiques », explique le pêcheur.
L’exploitation gazière est prévue en 2023. A mesure que cette date approche, les autorités ont accru leur contrôle sur la future plateforme. Un périmètre de sécurité a même été établi et un bateau patrouille pour interpeller tout homme de la mer souhaitant franchir une barrière invisible.
« Tuer la pêche »
Pour le secrétaire général de l’Union nationale autonome des pêcheurs du Sénégal, Moustapha Dieng, la présence de la plateforme gazière ne saurait aller de pair avec la pêche.
“La cohabitation n’est pas possible. On va exploiter le gaz, on va tuer la pêche à Saint-Louis. Parce que Saint-Louis est la capitale de la pêche, le nombre d’embarcations qu’il y a à Saint-Louis, les types de pêche qu’il y a à Saint-Louis, ça n’existe nulle part ailleurs. Mais la zone de pêche est très petite, elle est coincée pratiquement entre l’embouchure et la frontière de la Mauritanie où il y a des gardes-côtes qui ont déjà tué 19 pêcheurs parce qu’ils interdisent l’accès à leurs eaux”, indique-t-il.
Retombées économiques
Au Sénégal, les champs pétroliers et gaziers ne représentent respectivement que 0,07% et 0,5% des réserves mondiales. Mais, pour les autorités, elles sont importantes à l’échelle nationale et le gain économique permettra d’améliorer les conditions de vie des populations, notamment l’accès à l’électricité. Des arguments qui peinent à convaincre Pape Fara Diallo, le président de la coalition nationale « Publiez ce que vous payez ».
« Il y aura aussi des impacts sociaux et quand vous voyez ces communautés qui vivent à côté de là on va exploiter les ressources notamment ici à Nguet Ndar où il y a une communauté de pêcheurs, on a des inquiétudes, on voit le contraste entre les milliards qu’on nous annonce et qui vont provenir de l’exploitation du gaz en off-shore et la pauvreté que vous voyez autour de vous », martèle Fara Diallo.
En plus de l’impact social, les activistes de l’environnement craignent que l’exploitation de ces ressources émettrices de gaz à effet de serre, ne cause des dégâts irréversibles sur l’environnement, alors que l’objectif de contenir le réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle semble déjà hors d’atteinte.