Etudiantes : Des étudiantes sont victimes de chantages sexuels dans les universités publiques de Dakar. Aïssata Diakhaté n’a plus remis les pieds à l’Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ), après avoir été harcelée sexuellement par un de ses professeurs.
Étudiante en Licence en 2012, Aïssata Diakhaté voulait devenir sociologue. Son rêve est brisé aujourd’hui. La faute incombe à son professeur pour qui elle avait beaucoup d’admiration. « C’est quelqu’un de charismatique et très pédagogique. Je cherchais ma voie dans son domaine mais il a foutu en l’air ma vie ainsi que mes aspirations », gémit-elle dans L’Obs du jour.
Le cauchemar a commencé en janvier de la même année, narre-t-elle. Après l’examen, Aïssatou reçoit nuitamment un appel. Elle décroche et tombe des nues en reconnaissant la voix de son professeur, au bout du fil. « Il m’a dit que je lui plaisais et qu’il voulait entretenir une relation avec moi. Je ne savais pas quoi dire, j’ai raccroché puis je me suis recouchée. » Ce qu’il ne fallait pas faire. Ce dernier revient à la charge, la jeune fille, qui ne parvient plus à fermer l’œil de la nuit, lui oppose le même refus. « Je lui ai dit que je n’étais pas intéressée et qu’il perdait son temps », lâche-t-elle, catégorique.
Sa vie deviendra un « véritable enfer » car les menaces suivent : « Il m’a dit que si je ne répondais pas à sa requête, j’allais redoubler et que je pouvais mettre un terme à mon rêve de devenir sociologue. Les résultats sont sortis, je n’ai pas validé l’UE. Il a également refusé de m’encadrer. J’ai essayé de résister mais il était trop fort pour moi. J’ai préféré tout bonnement arrêter les cours et rentré chez moi », a-t-elle admis.
Étudiante en Licence de Géographie, Massata Touré a été plus chanceuse qu’Assaïtou Diakhaté. Elle est parvenue à piéger un de ses professeurs après que ce dernier a pris son numéro sur la feuille de présence. « J’étais décontenancée quand il m’a dit qu’il voulait entamer une relation avec moi. Je ne savais pas quelle posture adoptée. Je lui ai dit de me laisser du temps pour réfléchir », a-t-elle expliqué.
Elle en parle à une de ses camarades qui lui propose de tendre un piège au professeur qui serait « coutumier du fait ». « J’ai mis en marche mon enregistreur. Dans l’audio, on pouvait entendre ses requêtes salaces. Je l’ai menacé de les publier s’il ne me laissait pas en paix. Il a accepté malgré lui », indique Massata, fière d’elle.
Pour rappel, le 15 novembre 2021, les femmes du corps professoral de l’UASZ avaient tenu un sit in pour dénoncer des cas de violence, de chantage et de harcèlement sexuel, qui provoqueraient un taux d’abandon scolaire estimé à 56%, selon Fatoumata Hane, professeure d’Anthropologie sociale et culturelle au sein de cette université.
Mais, le recteur de l’UASZ, Mamadou Badji, souligne qu’à ce jour, « aucune étudiante n’est venue se plaindre ni auprès de lui, ni auprès de l’administration ». En face, Fatoumata Hane déplore l’absence d’un dispositif pour la prise en charge de ces questions-là. « Sans ce dispositif, il n’y aura pas d’accompagnement des victimes ni de sanctions contre les professeurs. Ensuite, les étudiantes ont peur d’être prises pour des coupables et non pour des victimes », a-t-elle souligné. Ce, au moment où des cas similaires sont notés à l’Université de Bambey.