Devant 6 000 personnes, il a chanté les louanges de cette ville « façonnée par 2 000 ans d’histoire, d’immigration, d’Europe » et s’en est surtout pris au FN, défini comme « son premier opposant ».
C’est à Marseille qu’Emmanuel Macron avait effectué son premier déplacement de candidat aux présidentielles en octobre 2016. C’est à Marseille, sa « ville de cœur » comme il l’appelle désormais, qu’il a décidé de lancer son sprint final, ce samedi 1er avril, vers le premier tour de l’élection. « Vous n’étiez pas beaucoup alors… Regardez-nous maintenant », a dit le candidat d’En marche ! devant près de 6 000 sympathisants, agitant drapeaux français et européens et scandant « Macron président » à chaque interruption.
Mais l’ancien ministre de l’économie a, avant tout, demandé à ses soutiens, venus au Parc Chanot malgré une pluie battante et un mini-blocus des taxis, une mobilisation sans faille jusqu’au scrutin.
« Trois semaines, ce n’est rien. C’est demain. Je veux que nous soyons le vote du cœur, de l’enthousiasme, de l’espérance. Loin du parti de la haine, du mépris, et de toutes celles et ceux qui nous font tellement honte », a-t-il martelé, promettant d’être « le candidat du renouvellement » pour la France mais aussi celui de l’égalité sociale vis-à-vis des quartiers populaires, via la culture et l’éducation, et le porteur d’une nouvelle politique méditerranéenne et africaine.
« C’est depuis Marseille que je voulais lancer la dernière phase de notre campagne. Parce que rien n’est gagné et que nous avons le pouvoir de changer notre pays. »
« Enfant du 26 mai 93 »
Drôle d’horaire pour un meeting. Habitué à prendre la parole en fin de journée dans les grandes villes françaises, le candidat En marche ! a sciemment déplacé son premier grand rendez-vous marseillais en début d’après-midi. Il ne voulait pas entrer en conflit avec le match OM-Dijon, disputé deux heures plus tard au stade Vélodrome voisin et auquel il devait assister en tribune présidentielle.
Amateur de football, supporter autoproclamé de l’Olympique de Marseille, « enfant du 26 mai 93 », date de la victoire en Ligue des champions, M. Macron a filé la métaphore locale tout au long de son meeting.
Le député Christophe Castaner, son principal soutien régional, qui ouvrait le feu, est même monté en scène avec une écharpe du Paris-Saint-Germain, précisant que c’était la seule chose « que l’on pouvait siffler à un meeting d’Emmanuel Macron ».
Mais, à Marseille, où le Front national (FN) compte des dizaines d’élus dont un sénateur, dans ce port historiquement tourné vers l’Afrique, ville de communautés et de violentes disparités sociales, Emmanuel Macron a également décliné un discours politique très adapté à l’environnement.
Ses principales piques ont visé le FN, défini comme « son premier opposant ». A plusieurs reprises, il a estimé que « le repli et la haine » prônés par le parti de Marine Le Pen « conduiraient à la guerre civile ». « Nous sommes les vrais patriotes. Nous aimons la France forte dans l’Europe. Une Europe plus forte, transformée », a-t-il insisté, ciblant le FN et ses velléités de « Frexit ». « Ne les sifflez jamais, combattez-les. Sortons-les ! Ils jouent sur les peurs. Ce sont eux les héritiers du parti de la haine », a martelé le candidat.
Point d’orgue de son discours d’une heure, Emmanuel Macron a fait se dresser ces sympathisants en saluant une à une les communautés marseillaises d’une ville « façonnée par 2000 ans d’histoire, d’immigration, d’Europe ».
« Je vois des Arméniens, des Comoriens, des Italiens, Algériens, Marocains, Tunisiens, Maliens, Sénégalais… Mais je vois quoi ? Je vois des Marseillais… Je vois des Français. Regardez-les bien, messieurs et mesdames du Front national, c’est ça, être fier d’être Français. »
Attendu à l’entrée de son meeting par des représentants d’associations de rapatriés, coupé du vote des pieds-noirs locaux depuis sa comparaison de la colonisation française en Algérie avec un « crime contre l’humanité », Emmanuel Macron a abordé le chapitre des relations avec l’Afrique en se tournant vers l’avenir :
« Ce que nous allons faire dans le quinquennat, c’est surtout sortir d’un passé qui ne veut pas passer. Sortir des luttes fratricides qui affaiblissent la France, le Maghreb, l’Afrique. Sortir de la Françafrique. »
Sans donner de précision sur les méthodes à employer, M. Macron a évoqué la nécessité de permettre « un éveil, économique, culturel, énergétique de l’Afrique », tout en prônant une « politique de responsabilité partagée », notamment en matière d’immigration illégale.
Coup politique contre Fillon
Lancé dans son sprint final et bien décidé à apparaître comme le seul vote utile face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron a également piqué ses autres rivaux. « Ils m’attaquent en disant que je suis l’héritier et le traître, s’est-il faussement plaint. Il faut choisir. Je ne peux pas être les deux. Je ne suis l’héritier de rien, si ce n’est de votre confiance, de votre envie. »
Contre François Fillon, qui la veille, l’avait ciblé lors de son meeting à Toulon, M. Macron a profité des circonstances pour réussir un joli coup politique. En ouverture de sa journée marseillaise, il s’est rendu dans le bureau du président Les Républicains de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi, houspillé la veille par les sympathisants de M. Fillon pour un soutien jugé flageolant.
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Une rencontre inattendue, « où ont été échangées des banalités », explique un proche de M. Macron, mais habilement exploitée à la tribune par Emmanuel Macron. « Il y a peu de moments où le nom de ce parti a été aussi immérité par celui qui en porte les couleurs, a-t-il expliqué. [François Fillon] se calfeutre avec son clan. Il connaît l’indignité de par sa faute, il veut nous y plonger par ses attaques infâmes. Hier, il a fait siffler un représentant de la famille gaulliste. C’est pour cela que ce matin, j’ai décidé de rendre visite à Christian Estrosi. Nous avons des divergences, mais c’est un républicain. »
Devant un parterre où l’on pouvait reconnaître certains élus locaux en quête d’investiture aux législatives, comme Christophe Masse (Parti socialiste), soutien de Manuel Valls, ou Maurice Di Nocéra (Union des démocrates et indépendants, UDI), M. Macron n’a pas oublié de rappeler les règles qu’il appliquera après la présidentielle :
« Les ralliements, n’y voyez qu’un signe. Que nous sommes en train d’avancer, que ce que nous croyons s’impose à eux, que leurs primaires sont un échec et que la recomposition de la vie politique est là. En acte. Je ne vais pas trier les soutiens. Mais je serai d’une exigence absolue pour gouverner et légiférer. »