Arrivé lundi en Birmanie, le pape François doit s’entretenir avec les autorités sur la crise humanitaire qui touche cette communauté musulmane.
Le pape François est arrivé lundi 27 novembre en Birmanie. Depuis le mois d’août, plus de six cent vingt mille Rohingya, une minorité musulmane persécutée, ont fui le pays pour trouver refuge au Bangladesh. Selon l’Organisation des nations unies (ONU), la crise actuelle n’est rien de moins qu’un « exemple classique de nettoyage ethnique ». Le point sur la situation, à la veille d’une visite qui s’annonce délicate.
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Qui sont les Rohingya ?
Musulmans sunnites dans un pays composé à 90 % de bouddhistes, les Rohingya vivent actuellement dans l’Etat d’Arakan (que le gouvernement appelle Rakhine), dans le nord-ouest de la Birmanie.
Pour certains historiens, les Rohingya descendent de commerçants et de soldats arabes, mongols, turcs ou bengalis convertis à l’islam au XVe siècle. Mais le gouvernement birman estime qu’ils sont arrivés au moment de la colonisation britannique, à la fin du XIXe siècle, et qu’ils sont donc des émigrés illégaux venus du Bangladesh voisin. Ainsi, dans le pays, l’origine même de leur nom est controversée.
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Une loi de 1982 instaurée par la dictature militaire a par ailleurs rendu les Rohingya apatrides : ils n’ont pas été reconnus comme faisant partie des cent trente-cinq ethnies répertoriées en Birmanie. Ils sont privés de droits comme par exemple la limite du nombre d’enfants (ce qui entraîne la naissance d’enfants non déclarés et donc sans papiers) et ont été officiellement interdits de vote lors des dernières élections générales de novembre 2015, sans qu’une représentation politique leur soit permise.
Pourquoi cette crise revient-elle au cœur de l’actualité ?
Une nouvelle flambée de violences dans l’Etat d’Arakan, souvent en proie à des troubles, a commencé après l’attaque d’une vingtaine de postes-frontières, le 25 août, par des rebelles de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA), faisant douze morts dans les rangs des policiers. Ce groupe rebelle a émergé récemment, face à l’absence d’avancées sur le dossier de la minorité musulmane. Ces attaques ont déclenché une répression de l’armée et fait plus de quatre cents morts, pour la plupart des Rohingya, selon le chiffre de l’armée. L’ONU évoque plus de mille morts.
Le 10 septembre, les rebelles ont déclaré un cessez-le-feu unilatéral d’un mois, mais le gouvernement birman a répondu qu’il ne négociait pas avec des « terroristes ».
Où en est la situation humanitaire ?
Aujourd’hui quelque neuf cent mille Rohingya de Birmanie sont installés dans des camps, dans le sud du Bangladesh. La réponse des organisations humanitaires a mis du temps à se faire entendre dans la région, comme le raconte le journaliste du Monde Rémy Ourdan, envoyé spécial au Bangladesh en septembre :
« Rarement, pour un tel flot de réfugiés passant de la guerre à un pays en paix, le désert humanitaire n’a été aussi criant. Il faut chercher dans l’histoire récente des conflits, dans les recoins les plus abandonnés de la planète — notamment en Afrique et là où des réfugiés arrivent dans une zone elle-même encore en guerre — pour trouver un tel abandon. »
« Les réfugiés continuent à fuir, beaucoup ont souffert de violences, de viols », a fait savoir vendredi le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). La situation est toujours très compliquée pour les exilés. « La plupart n’ont rien ou très peu pour retourner dans leurs foyers et leurs villages détruits », fait savoir le HCR.
La communauté internationale tente d’y répondre, mais les problèmes, notamment sanitaires et alimentaires, restent encore très importants. La majorité des personnes déplacées est composée d’enfants, les premiers touchés par la malnutrition dont sont victimes les exilés.
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Plusieurs fois, le pape François s’est exprimé sur la situation des Rohingya, sans toutefois jamais mettre directement en cause le pouvoir birman. En août, il avait demandé que les Rohingya puissent obtenir « tous les droits » dont l’Etat birman les prive. « Je vous demande de m’accompagner par la prière, afin que ma présence soit pour ces populations un signe de proximité et d’espérance », a-t-il déclaré dimanche devant trente mille fidèles réunis place Saint-Pierre pour la prière de l’angélus.
Un conflit ancien
Les violences dans l’Etat d’Akaran ne sont toutefois pas nouvelles. En 2012 des violences intercommunautaires avaient déjà éclaté faisant plus de 200 morts, en majorité parmi les musulmans. Plus de cent quarante mille personnes avaient fui cette année-là et cent vingt mille sont toujours déplacées cinq ans après les faits, vivant dans des camps de misère.
L’année qui a suivi, l’ONG Human Right Watch parlait déjà de crime contre l’humanité de la part des autorités birmanes, de membres de groupes arakanais et de moines bouddhistes. L’organisation estimait que les autorités birmanes avaient organisé des destructions de mosquée, des arrestations et des violences et avaient bloqué l’accès de l’aide humanitaire aux déplacés.
Depuis les exactions continuent contre les Rohingya, entraînant la fuite de plus de quatre-vingt-quatorze mille personnes rien qu’entre 2014 et 2015. Ces exilés « finissant souvent entre les mains de trafiquants et de l’esclavage moderne » rappelle la Commission européenne.
Comment réagissent les autorités ?
Dernière avancée en date dans une tentative de règlement de la crise, le Bangladesh et la Birmanie ont signé jeudi 23 novembre un accord sur le rapatriement des Rohingya. Il stipule que « le programme de retours doit débuter dans les deux mois », et les deux Etats ont accepté de collaborer avec le HCR. Mais la question est désormais de savoir si le pouvoir birman aura la volonté politique de mettre en place cet accord.
La semaine précédant cet accord, le chef d’état-major de l’armée birmane, le général Min Aung Hlaing, avait tenu des propos peu encourageants pour la minorité musulmane. Dans un entretien avec le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, il avait assuré que tout accord devrait prendre en compte les intérêts des « habitants ethniquement originaires de l’Arakan, qui sont les vrais citoyens birmans » et pas seulement ceux des « Bengalis ». Le terme de « Bengali » désigne les Rohingyas pour la majorité bouddhiste birmane afin de souligner leur origine étrangère.
La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, dont le silence au début de la crise a été largement critiqué par la communauté internationale, s’est finalement rendue dans la zone du conflit au début de novembre. Sa tâche est notamment compliquée par la montée de bouddhistes extrémistes ces dernières années et par la grande autonomie de l’armée birmane, qui reste toute puissante dans cette zone de conflit