Chine : Le dirigeant devrait être reconduit pour un troisième mandat inédit à la tête du Parti communiste chinois (PCC), lors de son XXe congrès qui débute ce dimanche 16 octobre. Signe d’un pouvoir personnel consolidé à l’aide d’une campagne anti-corruption qui n’aura épargné presque aucun de ses adversaires politiques.
De l’aveu de nombreux observateurs, Xi Jinping est le dirigeant chinois le plus puissant depuis Mao Zedong, le fondateur de la République populaire de Chine. Avec un troisième mandat à la tête du Parti-État, le président Xi s’apprête à renforcer encore plus ce postulat, lui qui a déjà marqué les esprits en intégrant, l’an dernier, sa propre pensée dans la Constitution chinoise, comme le « Grand Timonier » avant lui.
Pourtant, courant septembre, des rumeurs d’un possible coup d’État militaire bruissaient sur Twitter. La confusion – qui a duré quelques heures tout au plus – est intervenue alors que le président chinois brillait par son absence. Cette « disparition » correspondait en réalité à la période de quarantaine de dix jours que toute personne doit observer à son retour en Chine, tout Xi Jinping que vous êtes.
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Mi-septembre, pour la première fois depuis plus de deux ans et l’apparition de l’épidémie de coronavirus sur le sol chinois, le dirigeant communiste a mis les pieds hors de son pays, à l’occasion d’une visite en Asie centrale. Une première qui a interpellé, à quelques semaines seulement du XXe congrès du PCC, qui doit matérialiser l’étendue de son pouvoir sur le pays. Mais c’est aussi un signe de sa confiance en son pouvoir, malgré les critiques qui ont pu affluer ces dernières semaines.
Mécontentement d’une population frustrée
Alors que le reste du monde a renoué avec la vie normale en acceptant de cohabiter avec le Covid-19, la Chine vit toujours en vase clos et réagit au quart de tour à chaque nouvelle flambée épidémique. Des restrictions qui ont provoqué l’agacement et le mécontentement d’une population frustrée par les confinements arbitraires et les privations de liberté. Mais le « zéro Covid », sacro-sainte politique estampillée du sceau de Xi Jinping, reste encore et toujours la norme en Chine. « On observe une opposition fondamentale au « zéro Covid », surtout après le confinement de Shanghai. Mais les mesures liées à cette politique sont toujours appliquées aussi rapidement. Xi Jinping a réussi à codifier la pensée du parti. Il est désormais très dangereux de critiquer ce genre de décisions [liées au « zéro Covid », NDLR], car cela revient non seulement à critiquer Xi Jinping, mais également à critiquer la ligne du parti », explique Christopher K. Johnson de l’Asia Society Policy Institute.
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Cependant, les reproches sont réels. Ils émanent parfois du plus haut sommet de l’État, comme lorsque le futur ex-Premier ministre Li Keqiang, sceptique quant à la poursuite de la politique du « zéro Covid », appelle à la relance économique de la Chine en août dernier. Le dirigeant communiste, qui partira à la retraite après le congrès, avait milité pour « prolonger la réforme et l’ouverture », au pied de la statue de Deng Xiaoping érigée dans la ville symbolique de Shenzhen. Le petit timonier avait choisi ce qui était alors un minuscule village de pêche pour être le laboratoire de la réforme et de l’ouverture de la Chine, des mesures prises à la fin des années 1970 qui ont mené Pékin au statut de deuxième puissance mondiale.
Comme à chaque fois que son pouvoir est discuté, le président chinois a ressorti du placard son éternelle campagne anti-corruption qu’il a lancée en fanfare dès son arrivée au pouvoir en 2012. Une purge d’une ampleur sans précédent qui ciblait notamment les adversaires politiques du dirigeant chinois. Au total, quelque 1,5 million de politiciens, toute importance confondue, auront fait les frais de cette cabale. « On verra de moins en moins de dirigeants de premier rang tomber, car le président chinois a déjà consolidé son pouvoir », estime le sinologue Adam Ni, auteur de la newsletter Neican. Pourtant, à quelques semaines du XXe congrès du parti unique, deux anciens hauts dirigeants ont été reconnus coupables de faits de corruption. Surtout, ils ont été accusés d’avoir manqué de loyauté envers Xi Jinping, crime de lèse-majesté dans la Chine contemporaine. L’ancien vice-ministre de la Sécurité publique, Sun Lijun, est accusé d’avoir monté une « clique » contre Xi Jinping et d’avoir manqué « de véritable foi ou d’idéaux », « d’entretenir des ambitions politiques extrêmement exagérées » et de « causer un danger extrême au Parti », selon les médias d’État.
Gang politique
Pour Fu Zhenghua, la chute est encore plus impressionnante, lui qui fut l’un des acteurs clés de cette lutte anti-corruption. L’ancien ministre de la Justice et chef de la police de Pékin a été accusé de faire partie d’un « gang politique » déloyal vis-à-vis du parti. L’ancienne étoile montante du régime communiste et adulée de la propagande officielle, avait activement participé à la disgrâce de l’ancien membre du comité permanent du PCC, Zhou Yongkang, surnommé le « Tsar de la Sécurité publique ». La police est un des secteurs les plus touchés par la campagne de purge du président Xi. Ce dernier affirmait en 2020 que les forces de l’ordre, les procureurs et les juges devaient être « absolument loyaux, absolument purs et absolument fiables ». Fu Zhenghua est le quatrième ex-chef adjoint de la sécurité à tomber dans les filets de la toute-puissante Commission centrale de contrôle de la discipline, celle-là même qui permet à Xi Jinping de régner en maître absolu sur le parti. « On ne peut pas observer une quelconque résistance tant qu’il n’y en a pas. Le pouvoir de Xi Jinping lui a donné une gigantesque scène qui force toute opposition à se terrer dans le silence », expose Christopher K. Johnson.
S’il fallait douter de la mainmise de l’homme fort de Pékin sur le parti, Xi Jinping a profité de sa première réapparition publique pour envoyer un message fort. De retour de son voyage en Asie centrale, Xi a visité, en septembre dernier, une exposition intitulée « Aller de l’avant dans la nouvelle ère », qui rend hommage aux accomplissements du pays sous son propre règne. Le dirigeant s’est affiché avec l’ensemble de l’état-major du parti unique. « La présence publique de tous les membres du comité permanent du PCC est une preuve du consensus qui règne autour de Xi Jinping et qu’il a l’approbation du comité », analyse Sung Wen-Ti, expert de la politique chinoise à l’université nationale d’Australie. Un signal envoyé à tous les observateurs qui jugeraient le pouvoir du dirigeant chinois fragile.