Les cinémas dakarois sont imprimés dans la mémoire de Cheikh Ndiaye, comme des cartes postales. Quand il était enfant, dans les années 1980, on comptait près de 80 salles au Sénégal. « Ça me rappelle mon enfance. Par exemple, mon premier film, je l’ai vu avec ma grand-mère qui m’avait amené. J’ai été marqué à la fois par l’architecture des lieux et ce qu’on trouvait à l’intérieur. Et ce qui était génial aussi, c’est que comme des gamins, on était tout le temps devant les cinémas à rejouer les films. »
Les grandes toiles nostalgiques aux couleurs passées de Cheikh Ndiaye représentent des détails de villes en mutation, dont ces cinémas d’antan qu’il veut figer en peinture. La Havane, Abidjan, Dakar, certains ont complètement disparu, d’autres ont été remplacés par des magasins ou des entrepôts, comme le Corona. « Le motif est intéressant, on pourrait presque faire des relevés météorologiques des dix dernières années ou des cinquante dernières années sur ces bâtiments, donc il y a quelque chose de très plastique. »
L’exposition a été baptisée « Cours du soir », un nom inspiré par le cinéaste et écrivain Sembène Ousmane. L’artiste voyait les cinémas comme des lieux d’enseignement populaires.
« ‘‘Cours du soir’’, c’est aussi ‘‘cours d’histoire’’ d’une certaine manière. Et je pense que le cinéma a joué ce rôle-là, comme une sorte de sas entre la tradition et l’entrée de l’Afrique dans une certaine forme de modernité. »
Mais pour le critique Baba Diop, l’ère des salles de cinéma n’est pas révolue
Le critique de cinéma Baba Diop est optimiste quant au développement de nouvelles salles.
« … Après presque vingt ans d’absence de salles – pas seulement au Sénégal mais dans la sous-région, jusqu’au Cameroun… c’est vrai qu’il y avait perte d’habitude d’aller au cinéma. Dans ces grandes salles, situées loin (en) banlieue, l’accès n’est pas facile, n’empêche que moi, je vois des jeunes qui viennent de plus en plus. Lors des premières, il y a beaucoup de jeunes qui viennent… ce sont les ciné-clubs, les jeunes se sont organisés, aussi bien en banlieue, avec ciné-banlieue, ciné-Ucad [Université Cheikh Anta Diop de Dakar, NDLR]. Les jeunes ont réorganisé leurs possibilités d’accès… C’est un public qui aime le cinéma. S’il y a des salles ouvertes en banlieue… à la Médina, il y a déjà une salle qui a été restaurée. Moi, j’ai bon espoir que ça va repartir, parce que les gens se rendent compte qu’un film vu sur un grand écran, un film vu sur un portable, un film vu sur l’ordinateur, ce n’est pas le même film que l’on voit. »