« Le premier sentiment est qu’on n’a pas été écouté », dit un des leaders du collectif des « 500 frères contre la délinquance », résumant l’état d’esprit des représentants du collectif pour la Guyane.
Des membres du collectif des « 500 Frères », le 1er avril à Cayenne.
La nuit promet d’être longue à Cayenne. Après plusieurs heures d’interruption, samedi 1er avril, pendant lesquelles les différents pôles du collectif Pou Lagwiyann dékolé (« Pour que la Guyane décolle », en créole) ont examiné les propositions annoncées le matin par le gouvernement puis se sont réunis ensemble pour arrêter une position commune, la délégation est revenue à la préfecture vers 18 h 30 pour reprendre les négociations.
Si l’on peut parler de négociations car, pour le collectif, les choses sont claires : le compte n’y est pas. Et non seulement le compte n’y est pas mais, à ses yeux, le gouvernement n’a pas pris la mesure des retards accumulés par la Guyane depuis des décennies, des dettes de l’Etat français à son égard, des besoins urgents à satisfaire et de la force du mouvement qui soulève et unit la population guyanaise à l’occasion de cette mobilisation historique.
La réaction est amère de la part de Mikaël Mancée, un des leaders des « 500 frères » :
« Le premier sentiment est qu’on n’a pas été écouté. Beaucoup de choses étaient en réalité déjà actées. Sur les grandes annonces que l’on attendait, cité judiciaire, création de commissariats, surveillance 24 heures sur 24 des fleuves, il n’y a rien. »
Même impression de la part d’Olivier Goudet, porte-parole du mouvement Trop violàns :
« La question du désenclavement des territoires est totalement absente. Nous attendions des mesures concrètes, nous ne les avons pas entendues. Concernant la sécurité, les réponses ne sont pas satisfaisantes. »
Refus clair et net
Au final, c’est donc un refus clair et net qu’ont opposé les représentants du collectif au plan d’urgence présenté par le ministre de l’intérieur, Matthias Fekl, et la ministre des outre-mer, Ericka Bareigts, validé par Matignon. A tour de rôle, les délégués des différents pôles et secteurs d’activité ont réaffirmé l’ensemble de leurs revendications – un cahier de 428 revendications au total, qui embrassent parfois des décennies d’histoire, extrêmement détaillées et brassant de multiples registres.
Très rapidement, on a vu s’instaurer un véritable fossé d’incompréhension entre, d’un côté, un mouvement qui, aussi pacifique soit-il, se sent porteur d’une ambition historique et un gouvernement dont les jours sont comptés, qui a pris conscience de la force du mouvement, entend y apporter autant que possible des réponses concrètes et précises mais qui ne peut aller au-delà du possible. Impossible de rattraper en trois semaines trente ans de retard. Et que vaudraient des engagements qui n’auraient aucune chance d’être tenus ?
Le dialogue qui a commencé à s’instaurer entre la ministre des outre-mer – le ministre de l’intérieur a dû rentrer dès samedi à Paris compte tenu des autres obligations auxquelles il a à faire face – et les représentants du mouvement est donc des plus précaires. Mme Bareigts ne désespère pas d’un rapprochement des positions. Elle a proposé aux différents pôles du collectif (économique, santé, éducation, énergie, sécurité, foncier, peuples autochtones…) de continuer à discuter concrètement par ateliers.
Réunion interministérielle lundi
Le collectif, lui, est déterminé à aller jusqu’au bout du possible et, d’abord, jusqu’au bout de la nuit. Pendant que les délégués faisaient part de leurs revendications à la ministre, la population, dont plusieurs centaines de personnes sont présentes sur la place de la préfecture depuis le matin, a continué à s’assembler. Lorsque ses représentants ont pris la parole depuis le balcon de la préfecture pour rendre compte de l’avancée de la situation, vers 20 h 30 locales, deux mille à trois mille manifestants étaient présents. Un même cri a jailli : « Nou pa bougé la, nou domi la » (« On ne bouge pas de là, on dort là »). Et ils sont équipé pour.
Mme Bareigts doit en principe être lundi à Paris pour une réunion interministérielle à Matignon autour du premier ministre, Bernard Cazeneuve, autour de la situation en Guyance et des décisions que le gouvernement s’engage à prendre, qui devront être validées mercredi en conseil des ministres. La nuit va être longue à Cayenne.
Education, santé, sécurité : les mesures d’urgence du gouvernement pour la Guyane
//www.ultimedia.com/deliver/generic/iframe/mdtk/01637594/src/8zkss8/zone/1/showtitle/1/
lemonde.fr