Éthiopie : En Éthiopie, l’application de l’accord de paix entre le gouvernement fédéral et les autorités du Tigré avancent jour après jour. L’aide humanitaire, les services de base, les transports reprennent. Une question, cela dit, reste en suspens : celle du retrait de l’armée érythréenne hors du Tigré. Un retrait que l’Érythrée n’envisage pas sans garanties solides pour sa sécurité.
Le Comité conjoint composé des chefs militaires fédéraux et tigréens s’est réuni pour la première fois dans la ville de Shire, dans le nord-ouest du Tigré, le 1er décembre. Or cela n’aurait pas été possible sans que l’armée érythréenne, qui occupait récemment la ville, ne s’en soit retirée, explique un bon connaisseur de l’armée d’Asmara.
« C’est donc le signe que l’Érythrée n’est pas totalement sourde aux appels à retirer ses troupes hors du Tigré », conformément à l’accord de paix de Pretoria, affirme cette source. Cela dit, selon elle, les Érythréens se seraient seulement rapprochées des territoires frontaliers, en l’état actuel, et n’auraient pas reçu l’ordre d’aller plus loin.
Une opportunité pour Asmara de bien s’implanter en Éthiopie
« Pour le président Issayas Afewerki, l’engagement militaire dans le Tigré est un investissement auquel il ne renoncera pas », explique l’ancien diplomate érythréen Fathi Osman, aujourd’hui journaliste. Car le rapprochement avec l’Éthiopie l’a non seulement sorti de son isolement diplomatique, mais il lui a aussi permis de bien s’implanter militairement en Éthiopie, confirme la source proche des militaires érythréens.
D’une part dans le Tigré, mais aussi dans le renseignement, à la ville amhara de Gondar – où les Érythréens entraînent les forces spéciales – ainsi qu’en termes d’influence politique.
Selon le directeur de Radio Erena Biniam Simon, le président érythréen Issayas Afewerki veut surtout « des garanties que les Tigréens ne le menacent pas ». Car au moment où les troupes tigréennes se rapprochaient dangereusement d’Addis-Abeba, durant l’été 2021, la direction politique des rebelles laissait entendre que la prochaine étape serait de « marcher sur Asmara », la capitale érythréenne.
« Les Tigréens demeurent un épouvantail servant à maintenir » les Érythréens « en état de siège »
Le chef de l’État érythréen entend donc conserver les territoires frontaliers autour de Badmé et Zalambessa, qui étaient occupés par les Tigréens avant la guerre, et ce, en violation de l’accord de paix d’Alger, signé en 2000. Les intentions des autorités de Mekele ne sont toujours pas claires au sujet de ces deux zones frontalières.
« L’Érythrée cherche donc à maintenir cette situation de ni-guerre ni-paix, ajoute Biniam Simon. Ainsi, les Tigréens demeurent pour Issayas Afewerki une assurance-vie et un épouvantail servant à maintenir sa population en état de siège. »
Les deux journalistes sont enfin d’accord sur un autre point. Le but de guerre érythréen initial de « détruire le TPLF » n’a pas été atteint. Mais au moins, l’accord de Pretoria officialise l’affaiblissement militaire significatif du parti tigréen, qui gouvernait aussi l’Éthiopie jusqu’en 2018. Ce qui lui enlève son pouvoir de nuisance sur Asmara : « À défaut d’obtenir ce qu’on voulait, résume Fathi Osman, il faut prendre ce qu’on a obtenu. »