Quel programme pour l’Afrique ? (1/5) Les cinq principaux candidats à la présidentielle française répondent au « Monde Afrique ». A commencer par le candidat du parti des Républicains.
Immigration, aide au développement, bilan africain de François Hollande, bases militaires françaises sur le continent… Avant le premier tour de l’élection présidentielle française, le 23 avril, Le Monde Afrique a posé les mêmes huit questions aux cinq principaux candidats.
Souhaitez-vous aller plus loin dans la reconnaissance des crimes commis par la France pendant la guerre d’Algérie et, plus généralement durant la période coloniale ?
Envisager les relations de la France avec l’Afrique et le Maghreb à travers les seules pages sombres du passé est une erreur. Cela ne peut qu’alimenter ressentiments et instrumentalisations politiques. Ne prenons pas la place des historiens. Parler de « crime contre l’humanité » pour qualifier la colonisation en Algérie est une faute morale et un contresens historique. Oui, il y a eu des drames, des injustices, mais on peut regarder notre passé avec lucidité et équilibre. Inutile d’insulter des générations qui ont vécu dans leur chair l’histoire passionnée et douloureuse qui lia la France et l’Algérie.
Nous sommes suffisamment liés avec les pays du Maghreb et d’Afrique pour gérer le passé avec amitié. Nous l’avons fait avec l’Allemagne. La jeunesse d’Alger comme la jeunesse française n’a plus de compte à régler avec les années de guerre. Il faut construire l’avenir.
Je constate un déclin de nos relations avec le Maghreb. En cinq ans, nous avons perdu notre place de premier partenaire économique. Or, nous avons avec la rive sud de la Méditerranée des intérêts communs. Nous partageons la même détermination pour lutter contre le totalitarisme islamique qui gagne partout. Soutenir la stabilité et le développement, renforcer nos relations politiques et économiques sont les objectifs qui guideront mon action.
Quelle est votre solution pour lutter contre l’immigration massive en Europe ? Etes-vous favorable à l’installation de camps de migrants au Maghreb ?
L’Europe fait face à une pression migratoire considérable. En 2015, plus d’un million de migrants sont entrés en Europe par la route des Balkans. Des milliers d’entre eux meurent chaque année en Méditerranée, trompés par des trafiquants qui leur font miroiter des vies de cocagne.
« Le Parlement adoptera un quota limitant le nombre d’étrangers admis en France »
Nous devons mettre fin à cette tragédie et reprendre les choses en main, avec les Etats de transit et les Etats d’origine. Le Parlement adoptera chaque année un quota limitant le nombre d’étrangers qui seront admis en France, en fonction de nos besoins économiques et de nos capacités d’intégration.
La politique que je propose est celle d’une responsabilité partagée. Il est dans l’intérêt de l’Afrique de préserver ses forces vives. Il est dans l’intérêt de l’Europe de reprendre le contrôle de ses frontières, d’assurer l’intégration des populations en situation régulière et de faire respecter l’Etat de droit, en raccompagnant chez eux les déboutés du droit d’asile ou les étrangers en situation irrégulière. Je veux conditionner l’aide au développement à la coopération des Etats d’origine au retour de leurs ressortissants.
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L’Afrique est régulièrement décrite comme un continent d’avenir. Le pensez-vous ? Pourquoi ? Comment la France peut-elle en tirer son parti ?
Oui, c’est un continent plein d’avenir. Ses atouts sont incontestables : ressources naturelles, démographie, croissance, essor éducatif, présence d’une classe moyenne ambitieuse… Ce doit être plus que jamais un partenaire incontournable et privilégié de la France.
La France y est engagée diplomatiquement, économiquement ou encore militairement. Le lien humain est aussi très fort, tant par le rôle des communautés françaises sur le continent africain que des diasporas africaines vivant en France.
Les entreprises françaises ont, depuis longtemps, compris que l’Afrique est une terre de croissance. Certes, elles ont perdu des parts de marché, en partie parce que le continent entre pleinement dans la mondialisation. J’accompagnerai nos entrepreneurs dans leur déploiement, avec un appui au commerce extérieur simplifié et consolidé. Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’atout culturel de la francophonie.
Quels liens personnels entretenez-vous avec l’Afrique ou certains de ses dirigeants ?
Je me suis rendu à de très nombreuses reprises en Afrique, comme parlementaire puis comme ministre et comme premier ministre. En décembre, j’étais au Mali et au Niger pour soutenir nos forces. J’ai, de fait, noué des relations avec un grand nombre de dirigeants. Nous nous connaissons bien. Pouvoir parler et être écouté de tous est un atout indispensable pour aider à la paix et défendre les intérêts français.
Quel regard portez-vous sur la politique africaine de François Hollande ? Que feriez-vous différemment si vous étiez élu ?
Il y a deux aspects à la politique qu’a menée François Hollande. Un aspect militaire, avec les interventions Serval et Sangaris, des interventions importantes et utiles que j’ai soutenues ; leur succès a tenu pour beaucoup au professionnalisme de nos armées. Et un aspect diplomatique, avec des positions non abouties, des atermoiements, voire des revirements qui ont fait beaucoup de mal à la lisibilité de la politique française sur le continent. Il faut remettre au cœur de notre dialogue avec les chefs d’Etat africains de la clarté et de la constance.
Les bases militaires françaises sur le continent : un anachronisme ou une nécessité ?
Je recentrerai notre politique étrangère sur quelques priorités, au rang desquelles la défense de nos intérêts et la lutte contre le terrorisme. Ces deux piliers sous-tendent la prolongation nos actions militaires, notamment au Sahel.
« Nous devons renforcer notre soutien aux armées africaines »
Mais nous devons aussi renforcer notre action de formation et de soutien aux armées africaines, afin qu’elles soient encore mieux préparées dans la résolution de leurs propres conflits. Ces tâches demandent du temps. Elles nécessiteront le maintien de nos bases sur le continent.
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Paris doit-il davantage faire entendre sa voix lorsque des processus électoraux, à Brazzaville, Libreville ou N’Djamena sont contestés ? Jusqu’à conditionner son aide aux avancées démocratiques ?
Je serai fidèle à l’engagement de notre pays dans la défense du respect du droit international, des droits de l’homme et des principes universels de liberté et de dignité de la personne humaine. Le rôle de la diplomatie doit être de parler à tout le monde, en étant ferme et réaliste. Mon but sera de construire une relation de confiance avec nos amis africains francophones d’abord, mais aussi anglophones et lusophones.
Vous engagerez-vous à porter l’aide au développement à 0,7 % du PIB au cours de votre quinquennat ?
La France est un acteur majeur de l’aide au développement [APD]. Pas seulement avec la politique de développement, mais aussi en défendant les démocraties et en soutenant les entreprises françaises, qui sont des acteurs majeurs de l’essor de l’Afrique.
Je valoriserai mieux notre contribution, souvent diluée dans des programmes multilatéraux coûteux. Je mettrai les instruments de l’APD au service de notre diplomatie et renforcerai leur cohérence avec nos politiques étrangère, sécuritaire et migratoire. L’aide sera, je l’ai dit, conditionnée à la coopération des pays d’origine en matière de lutte contre l’immigration. Nous concentrerons nos priorités sur quelques secteurs identifiés avec nos partenaires, où les ONG et entreprises françaises ont une expérience reconnue.
Candidats à la présidentielle, quel est votre programme pour l’Afrique ?
Immigration, aide au développement, bilan africain de François Hollande, bases militaires françaises sur le continent… Avant le premier tour de l’élection présidentielle française, le 23 avril, Le Monde Afrique a posé les mêmes huit questions aux cinq principaux candidats. Tous disposaient du même espace pour exprimer leur point de vue et leurs propositions. Du dimanche 9 au jeudi 13 avril, nous publions leurs réponses, par ordre alphabétique : d’abord François Fillon, puis Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et enfin Jean-Luc Mélenchon.