Leur proximité a fait fantasmer. Leur rupture fut radicale. Leurs tentatives de retrouvailles donnèrent lieu à une sorte d’attraction-révulsion. Sont-ils capables de se faire violence pour pérenniser l’héritage libéral et ne pas rater le train de l’Histoire ? La balle est dans le camp des Wade, Me Abdoulaye Wade et son fils Karim. Quant à Idrissa Seck, il est, après avoir fait sa mue, à la croisée des chemins.
«Beaucoup de choses se sont passées entre nous et ont détérioré nos relations. Je voudrais qu’on oublie nos différends pour repartir sur de nouvelles bases. Karim Wade est ton jeune frère et je te le confie». C’est ce qu’aurait dit, au détour d’une conversation téléphonique qui continue d’alimenter les conversations dans les chaumières, Me Abdoulaye Wade à Idrissa Seck. «J’ai reçu un appel du Président Wade et nous n’avons pas abordé la tête de liste de notre coalition qui est une question secondaire. Mais, quelle que soit la tête de liste, je pense que le peuple sénégalais choisira cette alternative. (…) Vous comprendrez que je ne peux pas faire état de cette conversation, mais elle a été empreinte d’émotion et tournait autour de discussions sur la situation du pays», répondit le leader de Rewmi. Un homme qui a toujours réclamé, urbi et orbi, être un actionnaire, de surcroît majoritaire, dans le patrimoine que constitue le Parti démocratique sénégalais (Pds).
Et pour cause. Ancien numéro de la formation libérale, ministre d’Etat et Directeur de cabinet du Président Wade, avant de migrer vers la station primatoriale, où lui succédera avec l’onction de Karim Wade, un certain Macky Sall, le président du parti Rewmi est, aujourd’hui, en face d’un dilemme cornélien. Car, sachant, mieux que quiconque, que les Sénégalais, qui ne lui ont toujours pas pardonné ses moult revirements, l’ont à l’œil. Autrement dit, l’actuel président du Conseil départemental de Thiès est surveillé comme du lait sur le feu.
Remise en selle
C’est, sans doute, ce qui est à l’origine de la réticence de son poulain Yankhoba Diattara. Ce dernier, connu pour sa discrétion, ne semble pas, à dire vrai, être emballé par cette idée de «retrouvailles» avec Me Abdoulaye Wade et son fils Karim. Tout cela pour dire que la principale victime des fameux «Chantiers de Thiès» -qui, après avoir pris langue avec Wade fils reclus à Doha, a fait le voyage sur la France pour rencontrer Wade père-, n’a pas droit à une erreur d’appréciation.
Surtout qu’il a fait face à une importante saignée dans ses rangs (Oumar Guèye, Pape Diouf, Me Nafissatou Diop Cissé…) au bénéfice de l’Alliance pour la République (Apr) de Macky Sall. En effet, des couacs dans l’organisation de la vente des cartes avaient conduit à l’arrêt du renouvellement des instances du parti Rewmi avant que le processus ne reprenne cahin-caha au mois d’octobre 2014.
Aussi, pour entrer de plain-pied dans la batailles de 2017 et 2019, Idrissa Seck, qui fixe l’horizon de sa retraite politique en 2022, s’est attelé à rajeunir son entourage. Le poste de numéro 2, resté vacant depuis le retrait de l’ancien président de l’Assemblée nationale Youssou Diagne, a échu au quadra Déthié Fall.
Cap sur l’avenir
A l’heure des projections en direction des Législatives et de la Présidentielle, des voix, parfois même à l’intérieur de Rewmi, ont attribué la chute de l’électorat du candidat Seck (de 14% en 2007 à 8% en 2012) au fait qu’il n’était pas suffisamment allé à la rencontre des électeurs. Il avait passé le plus clair de son temps à l’étranger et a débuté sa campagne à quelques encablures du scrutin.
Une campagne biaisée par les manifestations contre la candidature du Président Wade lors desquelles il était aux avant-postes. Contrairement à Macky Sall qui, lui, continuait à sillonner le pays, mettant ainsi la touche finale à une tournée nationale entamée trois ans plus tôt. D’ailleurs, le président du Conseil départemental de Thiès avait semblé accepter une telle critique en indiquant publiquement à ses sympathisants, qu’il passerait, désormais, moins de temps à Saint-James afin de pouvoir partir, au moment opportun, à la rencontre des Sénégalais. Est-il encore dans de telles dispositions ? L’actualité immédiate commande de répondre par la négative.
Toutefois, la possibilité que le Rewmiste en chef -qualifié par le journaliste et proche du couple présidentiel, Alioune Fall, de «plus grande menace pour Macky Sall»-, ait décidé d’attendre encore un peu, avant de déployer une stratégie de conquête du pouvoir bien mûrie, n’est pas à exclure.
Seulement, le compte à rebours a démarré au soir des élections locales du 29 juin 2014. Et, comme le relevait le socialiste Bamba Fall à l’endroit de son camarade de parti Khalifa Sall, pressenti pour être candidat en 2019, «pour espérer gagner une présidentielle, il va falloir occuper le terrain». En tout cas, Macky Sall l’a bien compris, lui qui a déjà entamé des tournées économiques et autres Conseils des ministres décentralisés à travers le pays. Realpolitik ?
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