Au cours de l’histoire, les Marocains ont érigé différents drapeaux et emblèmes pour se distinguer des autres puissances et nations. D’un drapeau blanc, l’emblème national est passé au rouge, qui était même la couleur fétiche de plusieurs dynasties marocaines.
Avant le fond rouge uni frappé d’une étoile verte, les Marocains ont eu plusieurs drapeaux qui les identifiaient. Des emblèmes qui diffèrent de celui que nous connaissons depuis 1915. Au fil des siècles, plusieurs fanions ont été conçus au rythme des différentes dynasties qui se sont succédées. Ainsi, des Idrissides aux Alaouites, chaque dynastie espérait que son drapeau puisse représenter son héritage, sa force et ses ambitions, à l’image des forteresses construites, des capitales bâties et des armées mobilisées.
Cependant, identifier ces indicateurs, les repérer et essayer de comprendre leurs conceptions n’est pas une mince affaire. Peu de livres et de ressources historiques ont réussi à donner une idée élaborée des drapeaux que les Marocains ont conçus ou qu’ils ont levés lors des combats, des voyages ou des rencontres à l’étranger.
Un drapeau simple et blanc pour les Idrissides
Plusieurs témoignages suggèrent toutefois que les premiers drapeaux utilisés par le Maroc étaient tout simplement des fanions blancs, simples et non décorés, adoptés d’abord par la dynastie idrisside ayant gouverné le pays de 788 à 974. Durant cette période, les Marocains ne portaient que des «drapeaux blancs en soie» pendant les batailles et les guerres, rapporte la plateforme World Atlas. Cela changera rapidement après la chute de la première dynastie islamique au Maroc.
L’utilisation des drapeaux au Maroc comme «symbole de l’Etat» remonte à la dynastie des Almoravides (1062-1125), rappelle la plateforme Flags of the World (FOTW), dans un article intitulé «Drapeaux historiques du Maroc». «Les Almoravides ont institutionnalisé la pratique» consistant à porter des drapeaux blancs portant «des inscriptions coraniques écrites», ajoute-t-on. Selon la même source, les Almoravides «ont donné un drapeau à chaque unité de 100 soldats» et les chefs «ont toujours porté un drapeau avec comme inscription : « Il n’y a de dieu qu’Allah, et Mohamed est son prophète »».
Une touche de couleur et un motif à carreaux
Alors que les Almoravides n’ont pas fait preuve de la plus grande créativité pour concevoir un drapeau de leur dynastie, leurs successeurs ont opté pour un drapeau plus intéressant. Le califat des Almohades, qui a fondé son empire au XIIe siècle, a été le premier à adopter un fond rouge, donnant une touche de couleur au drapeau du royaume chérifien.
Et ce ne fut pas leur seule innovation, car ils ont ajouté un échiquier, placé au milieu du fond rouge. Dans son livre «The Secret History of Iran» (Editions Lulu.Com, 2013), l’historien Hamad Subani décrit ce dessin comme un «motif maçonnique».
L’historien a tenté d’expliquer la raison de ce modèle surprenant, par le fait que «les Almohades ont accédé à l’Espagne chrétienne» et ont également «parrainé le philosophe crypto-ismaïlien Averroès (Ibn Rushd) et le philosophe juif Maimonide (…), qui participaient tous deux au projet d’influence de la théologie islamique par la philosophie grecque dans l’Espagne maure».
Mais l’utilisation de drapeaux, pour d’autres historiens, ne se résumait pas seulement en un emblème avec un échiquier. Car, pour les Almohades, les drapeaux ont également été utilisés pour différencier les tribus et les communes du Maroc.
Dans son livre «The Almoravids and the Meanings of Jihad» (Edition ABC-CLIO, 2010), Ronald A. Messier rappelle que le chef almohade Al-Mahdi «Ibn Toumert avait placé chaque contingent tribal de ses troupes sous le commandement d’hommes qui lui étaient dévoués». «Chaque unité était placée sous un drapeau de couleur différente», a-t-il ajouté.
«Al Mahdi (Ibn Toumert) a placé un drapeau blanc dans la main de Abd al-Mumin et l’a placé à la tête du Bani Gadmiwa. Il a remis à Abu Ibrahim un drapeau jaune et l’a placé aux commandes du Bani Hargha. À Ibn Malwiya, il a remis un drapeau rouge et l’a placé au commandement du Bani Ganfisa.»
Le drapeau du royaume et l’étoile d’Andalousie
En 1244, les souverains mérinides renversent le califat almohade et contrôlent le Maroc. Ils adoptent aussi un drapeau qui affiche leur victoire, en veillant à effacer les symboles de l’ancienne dynastie. Les images montrent que leur emblème et leur drapeau avaient un fond rouge mais pas d’échiquier. Au lieu de cela, l’emblème des Mérinides présentait une étoile dorée à huit angles, soit un octogramme, appelée aussi «l’étoile de l’Andalousie».
Le drapeau frappé d’un octogramme est considéré comme mérinide, confirme FOTW. «Pendant la campagne de « pacification » (menée par la France coloniale, ndlr), les drapeaux de guerre capturés aux tribus marocaines étaient basés sur l’emblème des Mérinides. Des drapeaux rouges avec deux carrés jaunes entrelacés formant une étoile», écrit la plateforme.
Tandis que certaines sources suggèrent que la dynastie saadienne (1554-1659) utilisait un drapeau blanc comme les Almoravides, d’autres indiquent que le sultanat a adopté le même emblème que celui introduit par les Mérinides, avec le fond rouge et l’étoile de l’Andalousie.
Malgré les différentes conceptions, le rouge est resté partie essentielle du drapeau marocain. Alors que plusieurs dynasties ont décidé de créer leurs propres drapeaux, les premiers sultans alaouites ont opté pour un drapeau rouge uni, et sans motifs. Selon la FOTW, les Alaouites «ont été les premiers à introduire le drapeau rouge».
«Il était levé tous les matins et abaissé tous les soirs dans les forteresses de Rabat et de Salé», poursuit-on. L’étoile verte à cinq branches sur le drapeau a été «introduite en 1915, après que le Maroc a été placé sous protectorat français, afin de distinguer le drapeau de la nation des autres», a conclu la même source.
Au final, les Marocains tenteront pendant des siècles de se distinguer par leur emblème avant que le rouge finisse par devenir leur couleur privilégiée.
Histoire : Comment le drapeau marocain a viré du blanc au rouge frappé d’une étoile verte (msn.com)