La réunion de Taormine, vendredi et samedi en Sicile, pourrait se terminer sans consensus en raison des divergences avec Washington sur le climat et le libre-échange.
Pour quatre des sept chefs d’Etat et de gouvernement réunis vendredi 26 et samedi 27 mai à Taormine, en Sicile, ce sommet du G7 est une première. C’est vrai pour Emmanuel Macron comme pour Donald Trump, mais aussi pour la Britannique Theresa May et pour Paolo Gentiloni, le président du conseil de l’Italie, pays organisateur de la rencontre.
Entre la réunion bruxelloise de la veille et la sicilienne, nombre de thématiques sont les mêmes. M. Gentiloni a en outre annoncé qu’un message « d’engagement commun et exceptionnel contre le terrorisme » serait prononcé par les dirigeants des sept pays (Etats-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Canada et Japon). Mais un G7 n’en reste pas moins un exercice très différent d’un sommet de l’OTAN ou de l’Union européenne (UE).
Un tel rassemblement tient plus de l’entre-soi informel que d’« un directoire » des affaires du monde, ce que cette instance n’a d’ailleurs jamais vraiment prétendu être. Même quand elle représentait, lors de sa naissance il y a quarante et un ans, les principaux pays industrialisés. On y discute des grands sujets avec d’autant plus de liberté qu’il n’y a pas de décision à prendre. Et, depuis l’exclusion de la Russie en 2014 après l’annexion par cette dernière de la Crimée, les pays réunis sont d’accord sur l’essentiel.
Mais beaucoup reconnaissent aujourd’hui les limites de ce club formé en 1975 par Valéry Giscard d’Estaing, lancé d’abord comme un G5 (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon) pour affronter notamment les conséquences du premier grand choc pétrolier.
Taormine plutôt que Lampedusa
Comment aborder les questions cruciales de la sécurité internationale sans un acteur majeur comme la Russie ? En outre, les pays du G7 ne pèsent qu’un peu plus de 40 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Comment discuter de la relance de l’économie mondiale sans la Chine ou l’Inde ? C’est pour cela que fut créé, pendant la crise financière de 2008, un G20, intégrant aussi les pays émergents.
La mise en scène de tels sommets est essentielle. Cette fois, à Taormine, le décor sera somptueux. Les sept chefs d’Etat et de gouvernement poseront dans les jardins de l’hôtel San Domenico – un lieu qu’affectionnait Wagner –, devant les ruines de l’ancien théâtre grec et à l’ombre de l’Etna. Les autorités italiennes avaient un moment évoqué l’idée d’organiser ce sommet sur l’île de Lampedusa, pour rappeler haut et fort l’urgence du défi migratoire, mais l’idée fut rapidement abandonnée, notamment pour des problèmes logistiques.
La première journée à Taormine sera dominée par les dossiers internationaux et sécuritaires les plus chauds, puis par l’économie. Le lendemain commencera un dialogue élargi, centré notamment sur l’Afrique et le développement, où ont été conviés les leaders de cinq pays du continent (Ethiopie, Kenya, Niger, Nigeria, Tunisie). Dans un G7, l’essentiel de la déclaration finale, préparée à l’avance par les « sherpas », est déjà bouclé plusieurs jours avant le sommet.
Mais la politique de la nouvelle administration américaine bouleverse la donne sur deux questions-clés. La Maison Blanche affiche ouvertement son opposition à l’accord de Paris sur le climat qu’elle menace de ne pas appliquer, elle menace même de se retirer du traité, et elle met en avant ses volontés protectionnistes présentées comme une « lutte contre les pratiques déloyales en matière d’échanges internationaux ».
« Il n’y a pour le moment aucun accord sur un texte, les discussions vont durer toute la nuit de vendredi à samedi », explique-t-on à l’Elysée, où l’on n’exclut pas qu’il y ait « deux textes, ou un texte minimum et vide, voire pas de texte du tout » à l’issue des discussions. « L’un des enjeux très importants de ce G7 est d’essayer d’obtenir l’engagement le plus ambitieux possible de l’ensemble des membres du G7 pour l’action climatique, et notamment des Américains », souligne-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Mais on y rappelle aussi « ne pas souhaiter que les Etats-Unis sortent de cet accord parce qu’une telle sortie pourrait avoir un effet d’entraînement sur d’autres Etats ou acteurs engagés ».
« Il existe des marges de manœuvre »
Le président américain avait affirmé début mai qu’il n’avait pas encore pris sa décision sur l’accord de Paris, confiant à ses conseillers les plus proches, dont sa fille Ivanka, qui accompagne son père en Sicile, le soin de lui présenter plusieurs options. A Paris comme à Berlin ou à Rome, on veut y voir un signe positif. « Il existe des marges de manœuvre et l’on peut pousser dans le bon sens », rappelle-t-on à l’Elysée, tandis qu’à Washington, jeudi, la Maison Blanche a indiqué que l’accord de Paris « serait très handicapant pour la croissance économique américaine ».
La rédaction de la partie économique du document final s’annonce, elle aussi, très laborieuse. Réunis à Bari (Italie) le 12 mai, les ministres des finances du G7 avaient appelé les Etats-Unis à ne pas rompre avec la dynamique enclenchée depuis des dizaines d’années en faveur de l’effacement du protectionnisme ni avec celle de la régulation économique, auxquelles s’oppose Donald Trump. Leur communiqué final avait de fait éludé le problème, affirmant simplement leur désir de « travailler au renforcement de la contribution du commerce dans [leurs] économies ».
La déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement risque d’être tout aussi insipide. La responsabilité de trouver un compromis appartient au pays hôte. « L’approche reste ouverte et on ne fera rien pour donner l’impression que six pays font bloc contre un septième », explique-t-on à la Farnesina, le ministère italien des affaires étrangères, où l’on sait concilier l’inconciliable
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