Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’organisation, a annoncé que l’Alliance atlantique allait satisfaire à une demande de longue date de Washington et Londres.
C’est une concession d’une série de pays, dont la France, à l’administration Trump : les dirigeants européens promettent aux Etats-Unis de « se mobiliser » contre le terrorisme et de faire en sorte que l’OTAN, qui accueille jeudi 25 mai le président américain et ses homologues pour un mini-sommet, s’implique davantage dans cette mission. Au bout d’un an d’une négociation ardue, l’Alliance atlantique a donc décidé, mercredi, de devenir membre à part entière de la coalition internationale contre l’organisation Etat islamique (EI).
Les Européens sont déjà tous engagés à titre individuel au sein de cette coalition emmenée par Washington. Paris et d’autres capitales manifestaient cependant des réticences, craignant qu’un affichage trop clair de l’OTAN n’éloigne certains Etats arabes de la coalition et suscite l’hostilité des opinions publiques au Moyen-Orient. Toutefois, « il ne s’agissait pas de gâcher la fête », ironise un diplomate, dans une allusion aux pressions du Pentagone pour obtenir cette décision avant la réunion de Bruxelles et l’inauguration du nouveau siège de l’OTAN, à l’entrée duquel trônera un vestige des Twin Towers de New York. Cela devait être dévoilée jeudi après-midi par le président américain (en même temps qu’un morceau du mur de Berlin) et symboliser la « lutte commune » contre le terrorisme.
« Quand vous voyez cela, vous réalisez à quel point il est important de gagner cette bataille. Et nous gagnerons cette bataille », a déclaré, à son arrivée à Bruxelles, mercredi, M. Trump au sujet de l’attentat commis à la Manchester Arena, en Angleterre. Cet événement, revendiqué par l’EI, a contribué à vaincre les dernières réticences des Européens, qui ne pouvaient pas donner l’impression de le minimiser.
La décision de rejoindre la coalition, réclamée de longue date par les Etats-Unis, « enverra un fort message politique d’unité dans la lutte contre le terrorisme », a assuré le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg. Mais « cela ne signifie pas que l’OTAN s’engagera dans des opérations de combat », a-t-il ajouté.
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Le réengagement américain auprès des Européens attendu
En échange, les Européens attendaient une déclaration de Donald Trump propre à les rassurer. Ils espéraient que le président dirait pour la première fois publiquement qu’il souscrit totalement à l’article 5 du traité de Washington. Ce texte prévoit que tous les alliés apportent une aide, y compris militaire si nécessaire, à l’un des leurs s’il est attaqué. Les pays baltes et d’Europe orientale craignent un désengagement de Washington depuis que le président a évoqué le caractère « obsolète » de l’OTAN.
« Le président Trump est le seul président américain qui n’ait pas explicitement endossé l’article 5 », écrit Thomas Wright, de la Brookings Institution de Washington. « Le fait que le conseiller de Trump pour les affaires étrangères, Stephen Miller – qui avait repris la rhétorique de campagne du président sur le fait que l’OTAN est “obsolète” –, devait écrire son discours pour la réunion n’est pas rassurant pour ceux qui aimeraient penser que la politique étrangère de Trump est devenue “normale” », commente pour sa part Steven Keil, du German Marshall Fund.
M. Trump allait-il prononcer les mots attendus ? C’était, finalement, la seule inconnue de cette « réunion » – le mot « sommet » ayant été banni. Son entourage évoquait plutôt le discours « dur » qu’il allait tenir aux Européens quant à leur manque d’investissement dans leur propre défense et dans l’OTAN.
Selon la rumeur, le président allait profiter du dîner à huis clos avec ses partenaires pour les sermonner et leur rappeler l’objectif d’atteindre, pour chacun d’entre eux, l’objectif de 2 % de leur richesse nationale consacré à leurs forces armées.
Plus de moyens financiers réclamés pour l’OTAN
Avant de décider de déployer plus de moyens contre le terrorisme, il faut que les Européens consacrent plus de moyens tout court pour leur défense, exige M. Trump. « Il n’a aucune patience pour les soutiens de façade. Il est très déterminé sur cette question », a indiqué un conseiller influent s’exprimant sous couvert d’anonymat, à la veille du voyage présidentiel. En jeu : le partage d’un « fardeau » jugé « injuste pour le contribuable américain ». La Maison Blanche a nuancé plus tard cette déclaration, en assurant que M. Trump est, « pour l’instant », « satisfait de ce qu’il voit », notamment au sujet des engagements financiers.
Les visites à Bruxelles, en début d’année, du secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, et du secrétaire à la défense, James Mattis, s’étaient voulues rassurantes. Et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déminé le terrain en rencontrant Donald Trump à Washington, en avril. « Ni lui ni moi ne croyons que ce sera facile, mais nous allons dans la bonne direction », expliquait-il récemment à des journalistes.
La décision prise lors du sommet de 2014 au sujet des 2 % de la richesse nationale à atteindre en 2024 semble avoir été suivie d’effet. Selon l’OTAN, les budgets cumulés ont augmenté de 3,8 % en 2016, soit 10 milliards d’euros de plus. En 2017, entre sept et dix Etats membres devraient atteindre les 2 %. Et l’OTAN dit tenir, pour la première fois depuis longtemps, ses objectifs de planification d’équipements.
« Si le Canada et les Européens faisaient un effort de 2 %, ils dépenseraient 100 milliards de dollars de plus par an pour leur défense, a souligné début mai, devant l’Institut français des relations internationales, Camille Grand, secrétaire général adjoint. Ce serait un vrai facteur de changement des équilibres, l’Allemagne pesant pour un tiers de ces 100 milliards. » L’Allemagne (1,2 %) entend augmenter son budget, mais refuse de s’engager sur les 2 %, en soulignant l’ampleur des moyens qu’elle consacre à l’aide au développement.
Par ailleurs, comme le met en avant Paris, la question est de savoir comment l’OTAN peut mieux utiliser ces ressources supplémentaires. La France bloque tout accroissement des fonds communs pour des missions de contre-terrorisme labellisées OTAN, estimant qu’avec ses opérations militaires extérieures elle investit déjà beaucoup dans ce domaine.
D’autres sujets divisent. Ils ne devaient pas être abordés publiquement jeudi 25 mai. La Libye d’abord. En 2011, dix pays de l’OTAN avaient participé directement à l’opération « Unified Protector » au profit de la rébellion anti-Kadhafi. Mais l’engagement a été marqué par les réticences de l’Allemagne, qui s’était abstenue à l’ONU. Et les conséquences désastreuses de l’intervention sont, depuis, un repoussoir. « La Libye est prise dans le flux des opérations occidentales ratées », remarque M. Grand.
En Afghanistan aussi, la situation se dégrade. Il s’agit toujours de la première opération de l’OTAN, avec 18 000 soldats, dont 13 000 Américains. « On l’oublie, mais la raison de notre présence était la lutte contre le terrorisme », souligne M. Stoltenberg. L’administration américaine se divise sur un renforcement de son propre contingent, et une décision n’est pas attendue dans l’immédiat.
La réunion du 25 mai devait, en tout cas, permettre une première : un échange bilatéral entre le nouveau président français Emmanuel Macron et son homologue américain. « Aujourd’hui, sans la coopération avec les Etats-Unis, en particulier en matière de renseignement, nous ne pourrions pas opérer de manière efficace [au Sahel], comme dans beaucoup d’autres [régions], a souligné le M. Macron, lors de sa visite aux troupes de l’opération « Barkhane », au Mali, le 19 mai. Quand je vois les prises de position récentes du président Trump dans l’engagement à éradiquer le terrorisme islamiste, je ne doute pas qu’il maintiendra ce type de coopération. »
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