Madagascar : À Fort Dauphin, dans le Grand Sud-Est de Madagascar, il aura fallu deux jours de négociations pour arriver à un consensus. Le géant minier QMM (filiale de Rio Tinto), l’État et les manifestants qui avaient réussi à paralyser entièrement la mine d’ilménite, depuis le 1er décembre, en bloquant l’accès au site d’extraction, viennent enfin de trouver un accord de sortie de crise.
Une promesse d’indemnisation par l’État a été faite aux occupants des terres qui s’estimaient lésés suite à l’implantation de la multinationale. Cette dernière, quant à elle, s’est engagée à tripler les montants dédiés aux projets de développement de la zone. Sur place, pourtant, les récits des manifestants sont moins roses que ce que les communiqués laissent paraitre.
Depuis vendredi soir 22h, le barrage de Maroamalona est levé. L’alimentation en électricité de la ville de Fort Dauphin a repris en continu. Les activités de la mine ont même redémarré progressivement depuis ce lundi 19 décembre.
« Afin d’apporter une solution pérenne au conflit existant entre QMM et les manifestants à l’origine du barrage », peut-on lire dans l’accord signé, vendredi 16 décembre, l’État a accepté de verser 2,5 milliards d’ariarys (plus d’un demi-million d’euros) à titre de compensation, « pour préserver les intérêts des quelque 900 occupants traditionnels ».
Cette somme est à décaisser sous trois mois et il faudra la répartir entre les personnes dont les noms seront publiés prochainement.
Signature sous la menace
Seulement, cet accord est dénoncé par plusieurs des manifestants qui ont participé aux négociations avec les autorités. Ils affirment avoir été contraints de signer sous la menace.
« Le ministre de la pêche était en colère. Il a dit : « si vous ne prenez pas cet argent-là, vous irez en prison. L’EMMO Reg [État Major Mixte Opérationnel de la Région, NDLR] va vous dégager du barrage. Donc il faut que vous signez tout de suite cet accord et après, nous irons ensemble au barrage le démanteler. Il nous a dit qu’on faisait du mal à Madagascar et qu’il fallait qu’on s’entende bien avec les grosses entreprises qui offraient des opportunités au pays. » »
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« On a calculé 93 ariarys par m². C’est trop peu ! C’est pour cela qu’on n’est pas convaincus. Pour régler cette affaire, on aurait préféré traiter avec Rio Tinto. Eux, ce qu’ils disent, ils le font. On fait plus confiance à Rio Tinto qu’à l’État malgache. L’État malgache, il nous traite comme des moins que rien. Pourquoi a-t-il conclu cet accord, en 2016, de bail emphytéotique sans discuter avec la population, alors qu’il savait très bien que pour nous, c’était une terre ancestrale ? »
Contacté, le ministre de la Pêche, Paubert Mahatante, dément fermement ces accusations. « Tout le monde sait pertinemment que je suis une personne pacifique qui n’aurait jamais recouru aux violences physiques ou verbales. […] Je n’ai utilisé aucune menace, mais plutôt des argumentaires forts qui conscientisent les manifestants et les convainquent de retourner négocier autour d’une table et non de barrer la route. »
De son côté, QMM se dit satisfait de cet accord, censé clôturer définitivement toute revendication foncière.
Pour rappel, en 2016, la société minière et le gouvernement malagasy avaient signé un contrat de bail emphytéotique, dans lequel la société minière s’engageait à payer annuellement une redevance foncière de 282 millions d’ariarys par an, raison pour laquelle, QMM avait toujours refusé de payer des compensations financières à des habitants qui occuperaient les terrains pour lesquels le géant minier payait déjà un loyer à l’État.