Madagascar, coup de semonce pour la filière litchi, à 10 jours de l’ouverture de la campagne de récolte, Transparency International et sa section malgache viennent de saisir la justice, de manière simultanée en France et à Madagascar, après trois ans d’enquête.
L’ONG Transparency International suspecte fortement des sociétés et des individus œuvrant dans le commerce du litchi d’avoir recours à la corruption transnationale, au blanchiment d’argent et à la fraude fiscale, affaiblissant ainsi une filière déjà exsangue, et ce, au détriment de dizaines de milliers de cultivateurs et travailleurs saisonniers. Transparency International Initiative Madagascar a remis au pôle anticorruption d’Antananarivo jeudi une série de documents, des preuves détaillées, fruits d’une longue investigation, pour inciter les autorités à ouvrir une enquête sur de possibles faits criminels dans la filière.
« On a découvert une sorte de réseau transnational du litchi qui implique notamment Madagascar, la France – qui est surtout le pays de destination dans l’Union européenne, en passant par Maurice – où une société Litchi Trading Company, LTC est basée », explique Ketakandriana Rafitoson, la directrice exécutive de l’association.
Bénéficiaires réels et profits inconnus du public
Et c’est le Groupement des exportateurs de litchis (GEL), une association privée qui regroupe actuellement vingt-six exportateurs malgaches et à qui le gouvernement confie depuis 2011 la responsabilité de gérer les campagnes d’exportation de litchis, qui a créé cette société opaque LTC en 2017. Ses bénéficiaires réels et ses profits sont par exemple inconnus du public malgré son rôle clé dans la filière.
« Et donc la LTC agit comme l’intermédiaire entre le GEL et les importateurs de litchis basés en France. Elle rachète toute la production du GEL et revend à deux sociétés françaises qui ont été sélectionnées directement par le GEL, sans appel d’offre », précise Ketakandriana Rafitoson.
Un signalement fait aussi à Paris
Aujourd’hui, ce sont ces deux sociétés françaises qui jouissent des droits exclusifs d’importation des litchis malgaches. Une situation étonnante qui a poussé l’ONG à déposer, en même temps, jeudi, un signalement auprès du parquet national financier à Paris. « On suspecte des actes de corruption derrière l’attribution de ces droits exclusifs ».
« Notre enquête nous a permis de comprendre que la partie malgache exigeait de ces importateurs européens des paiements, sous forme de cotisation, explique Frédéric Lesné, conseiller en plaidoyer au sein de l’association malgache de lutte pour la transparence. Or, on ne comprend pas le sens de ces paiements et on craint que ces paiements soient de la corruption. De la même façon, on ne comprend pas la logique de la création de cette LTC, si ce n’est pour effectuer du blanchiment d’argent et de la fraude fiscale. C’est ce qui nous inquiète. »
Des agissements mafieux, s’ils sont avérés, auxquels les autorités feraient bien de s’attaquer si elles souhaitent assainir une filière en perte de vitesse et permettre de meilleures retombées économiques pour Madagascar et pour ses petits producteurs.