Mali :Les autorités maliennes de transition ont fourni des précisions sur les modalités d’application et de contrôle de l’interdiction faite aux ONG de mener des activités soutenues par l’État français, que ce soit sur le plan financier, mais aussi matériel ou technique. Parmi les règles qui suscitent des réactions inquiètes de la part des acteurs associatifs maliens et étrangers, après l’annonce le 21 novembre dernier, les sources de financement devront être validées par le gouvernement.
Les sources de financement devront être validées par le ministère de l’Administration territoriale désormais : annuellement pour les organisations maliennes, mensuellement pour les organisations étrangères. Celles-ci devront quant à elles présenter chaque mois la situation de leurs comptes en banque avec l’origine des fonds, et fournir un rapport de leurs activités. Les ONG étrangères devront même justifier chacun de leurs achats auprès des représentants locaux de l’État.
« Nous rendions déjà des comptes sur nos activités et nos finances : c’est normal, nous y sommes prêts, commence un humanitaire français, mais là ils complexifient à l’extrême ! »
Lui et d’autres sources humanitaires, maliennes et étrangères, estiment que les nouvelles et très lourdes règles seront difficilement applicables, par les associations elles-mêmes mais aussi par les services administratifs maliens, notamment à l’échelle des localités ou des cercles. Elles estiment qu’il s’agit pour Bamako de se donner les moyens, au moment opportun, de s’attaquer à certaines ONG bien ciblées. Cela parce qu’elles opèrent dans des zones où l’armée ne veut voir personne, par exemple.
« Le risque, détaille cet humanitaire, c’est qu’ils appliquent à la lettre les nouvelles règles quand ils le souhaitent, pour rendre les choses tellement compliquées que la mission doive fermer. Sans avoir à nous expulser, mais en paralysant les activités. »
Plusieurs sources évoquent le précédent centrafricain et la « neutralisation administrative », selon la formule de l’une de ces sources, imposée « sur impulsion de la Russie » aux ONG. « C’est aussi ce qui nous est arrivé en Libye », relève le même humanitaire français.
« La totalité des ONG au Mali » concernées
Ce risque ne concerne pas seulement les associations françaises ou soutenues par la France, puisque c’est « la totalité des ONG présentes au Mali qui doivent suivre ces nouvelles instructions », pointe un chercheur qui suit de près le dossier.
Samedi 17 décembre, on apprenait l’interdiction de l’ONG suisse Appel de Genève, non pas en raison de l’origine de ses financements mais d’« activités illicites ». Fin septembre, un acte d’engagement avait été conclu à Genève entre l’ONG et les ex-rebelles de la Coalition des mouvements pour l’Azawad (CMA), signataires avec le gouvernement malien de l’accord de paix de 2015, pour le respect du droit humanitaire.
Un cadre malien d’une ONG malienne s’inquiète quant à lui davantage pour ses finances, et donc pour la poursuite de certains de ses programmes : « Nous avons sollicité d’autres bailleurs, mais on ignore encore s’ils voudront combler le vide créé par l’interdiction faite à la France. »