Ecoles sénégalaises : Manque d’eau courante, toilettes inappropriées, infrastructures vétustes… eaux de pluies stagnantes, les écoles sénégalaises affichent un état déplorable. A cela s’ajoute le fait que des établissements scolaires attendent toujours d’avoir des enseignants pour compléter l’effectif de leur personnel, quelques jours après la rentrée scolaire effective depuis le 6 octobre dernier. De Dakar à Saint-Louis en passant par Sédhiou jusqu’à Kaolack, Mbour… le constat est unanime. De nombreux maux minent le secteur de l’éducation. De telles difficultés perdurent et les acteurs de l’éducation ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. A Dakar, par exemple, au lycée Seydina Issa Rouhou Lahi des Parcelles Assainies, les enseignants ont suspendu les cours cette semaine à cause d’un manque d’eau. Avant-hier, face à la presse, le G20 (syndicats d’enseignants) a fait savoir que plus de 280 établissements scolaires sont toujours sous les eaux et certains toujours occupés par des sinistrés. Ces maux qui gangrènent l’école sénégalaise, freinent en effet son évolution. Même si le gouvernement fait des efforts pour résoudre le problème, le chemin reste encore long. Des menaces pèsent donc sur l’année académique en cours.
SAINT-LOUIS
Le décor de plusieurs écoles laisse à désirer dans la région
La rentrée scolaire de cette année est encore une fois perturbée par la fermeture de plusieurs écoles qui menacent ruines. Nombre d’établissements scolaires de la ville tricentenaire présentent toujours un visage très hideux. Une situation qui ne favorise pas de bonnes conditions d’études des élèves. Ce qui accentue la problématique de la déperdition scolaire dans la région.
A l’exception des écoles de l’Île de Saint-Louis et de quelques rares établissements situés dans le faubourg de Sor, le reste des infrastructures scolaires est toujours dans de piteux états. A Pikine, l’un des quartiers les plus peuplés de la ville de Saint-Louis et qui abrite de nombreuses écoles, les actions d’investissements humains notés sont à mettre sur le compte de jeunes volontaires du quartier. Mais les problèmes de la salubrité des cours de récréation et des toilettes, de l’eau courante, de la désinfection des établissements restent toujours entiers. Dans beaucoup d’écoles du quartier, des actions sont toujours attendues pour permettre aux élèves d’étudier dans d’excellentes conditions.
L’environnement peu reluisant de l’école élémentaire Soukeyna Konaré a obligé les parents d’élèves de ladite école à lancer dernièrement un cri de cœur à la veille de la rentrée des classes. A en croire le président de l’association, l’établissement a besoin de solutions durables pour faire face aux inondations annuelles et l’insalubrité permanente. «Que les autorités locales arrêtent de jouer avec les populations. L’éducation est une compétence transférée, donc l’école est à la charge de la mairie. Nous exigeons une solution définitive pour l’évacuation des eaux de pluies stagnantes dans la cour de l’école et dans les salles de classe. Lors d’une visite l’année dernière, le maire avait pris des engagements avec le coordinateur de PROMOVILLES pour régler définitivement le problème. Malheureusement, rien n’a été fait de même que la construction de nouvelles classes promises avec le projet PACASEN pour novembre 2021. Dans de telles conditions, comment veulent-elles que le ‘’Oubi Tey, Jang Tey’’ ne soit pas un slogan vide», dénonce un habitant du quartier.
L’ANCIENNETE DES ECOLES MENACE LES OCCUPANTS
Pour la rentrée scolaire 2022-2023, la commune de Saint-Louis est aussi confrontée à d’autres difficultés dont la plus récurrente demeure la forte dégradation des infrastructures scolaires surtout dans l’élémentaire où la majeure partie des établissements a été construite à l’époque coloniale. Pour l’Association régionale des parents d’élèves, la vétusté des infrastructures scolaires de Saint-Louis est une réelle menace pour les milliers d’élèves qui les fréquentent. Si l’école Justin Ndiaye de Pikine a été entièrement réhabilitée et les élèves et enseignants sécurisés, tel n’est pas encore le cas pour certains établissements parmi lesquels on peut citer encore les écoles Khayar Mbengue, Ndiawar Sarr de l’Ile, fermées pour des raisons de sécurité.
A côté des écoles élémentaires, on signale des collèges et des lycées qui sont dans des états de délabrement trop avancés. C’est le cas du CEM Amadou Dugay Clédor Ndiaye et le lycée Charles De Gaulles, pour ne citer que ceux-là. D’ailleurs, pour prendre les devants, certaines écoles ont été fermées par le préfet du département de Saint-Louis, pour des raisons sécuritaires. C’est le cas du CEM Amadou Dugay Clédor et de l’école élémentaire Ndiawar Sarr, dans le quartier Sud de l’Ile. En revanche, dans la Langue de Barbarie, l’avancée de la mer a causé également la fermeture partielle ou totale de certains établissements. C’est le cas des écoles Cheikh Touré et Abdoulaye Mbengue Khaly à Guet-Ndar, au niveau de la Langue de Barbarie.
Yves TENDENG
KAOLACK
Un déficit de plus de 200 enseignants à combler
Malgré les efforts consentis çà et là par les autorités académiques et administratives et les nombreux acquis pour une bonne rentrée académique 2022-2023, le retour des classes continue encore de piétiner à Kaolack. Car pour cette rentrée, un déficit de 212 enseignants a été enregistré lors de la dernière réunion du Comité régional de Développement (Crd).
Selon l’Inspecteur académique de Kaolack, ces départs concernent spécifiquement le primaire, le moyen et le secondaire. Il s’agit, en effet, des affectations ou redéploiement qui n’ont pas été remplacées, aussi des personnes parties à la retraite et qui ont, elles aussi, connu le même sort.
Une situation assez alarmante et sur laquelle l’Inspection académique (Ia) de Kaolack s’est penchée depuis la veille de la rentrée. Déjà, les satisfactions commencent à jaillir au niveau de plusieurs établissements et les autorités compétentes ne comptent pas baisser les bras, pour obtenir gain de cause.
Lors de la même rencontre, un effectif de 23 établissements a également été recensé pour leur inaccessibilité. Autrement dit, des écoles occupées par des marres d’eau stagnantes ou des forêts de broussailles telle qu’elles ne permettent guère l’accès ni aux élèves, ni à leurs enseignants.
Même si, à la veille de la rentrée, la plupart de ces établissements ont été récupérés, la pluie qui s’est abattue sur Kaolack dans la nuit du mardi au mercredi a laissé beaucoup d’espoirs. Surtout au niveau des écoles implantées dans des zones marécageuses, à l’image de l’école Tante Dieng du quartier Passoirs Ndorong.
Dans ces établissements, le déplacement d’un point vers un autre est certes difficile, mais les pensionnaires s’efforcent à ne pas rechigner, avec comme alternative de poser un peu partout des passerelles de fortune. Autrement dit des briques posées les unes après les autres pour se déplacer du portail de l’école vers une classe ou d’une classe à l’autre.
Toutefois, les autorités académiques, dès l’arrivée de ces intempéries, sont déjà entrées en actions. Et ceci, nous raconte-t-on, en déployant les équipes de pompage afin que ces établissements soient tous prêts à accueillir leur public habituel avant les semaines à venir.
Abdoulaye FALL
SEDHIOU
Abris provisoires en stand-by, déficit de personnel comblé à compte-goutte
Dans la région de Sédhiou, les cours ont bien démarré depuis le jour de la rentrée et ce, nonobstant des contraintes multiformes. Elles ont essentiellement pour noms : abris provisoires en attente d’installation le temps que l’hivernage s’estompe, le déficit de personnel enseignants. Malgré les efforts en cours de l’Inspecteur d’académie de Sédhiou, Papa Gorgui Ndiaye, pour juguler ces difficultés, le besoin reste bien actuel et pressant dans la région.
Les cours ont effectivement démarré dans l’essentiel des établissements scolaires de la région de Sédhiou et ce, malgré les pluies qui continuent d’arroser avec abondance la région. Ces pluies battantes s’opposent à la mise en place des abris provisoires constitués de pailles. Ces classes de fortune composent l’essentiel de certaines écoles de l’élémentaire, du moyen et du secondaire comme à Tanaff, à Marsassoum et ailleurs dans le département de Goudomp, en zone de frontière Sud avec la Guinée-Bissau.
En raison donc de ces pluies, il reste difficile, à bien des égards, de débarrasser la cours de l’école des herbes encore moins d’ériger des classe en abris, au risque de voir les éléments constitutifs (paille) pourrir sous l’effet de l’eau. En revanche, aucune inondation d’école n’est à déplorer dans la région de Sédhiou, malgré des salles de classe qui suintent par endroit.
Pour ce qui est du service administratif, le personnel est en place. Mais le déficit persiste toujours, avec notamment les 112 professeurs affectés ailleurs et dont le remplacement se fait à compte-goutte, selon une source proche de l’académie de Sédhiou.
Moussa DRAME
Rufisque
Eaux pluviales et vétusté des infrastructures rendent difficile le démarrage des cours
La rentrée scolaire a démarré tant bien que mal dans la majorité des établissements de Rufisque. Mais dans certaines écoles, tout n’est pas encore prêt pour un démarrage effectif à cause de la vétusté des locaux, surtout concernant les écoles dans le « vieux Rufisque ».
Avec l’hivernage, beaucoup d’établissements du département se sont retrouvés sous les eaux. Aujourd’hui quelques semaines après la rentrée, certaines écoles ne sont pas encore totalement fonctionnelles, malgré les interventions des communautés qui n’ont pas attendu les autorités municipales pour préparer la rentrée des élèves. Des initiatives qui avaient été saluées du reste par le gouverneur de la région de Dakar lors de sa visite, dans le cadre du « Besup Setal » consacré aux écoles dans le département de Rufisque. « Nous avons constaté que les communautés avec les ASC, les associations de Parents d’élèves, les dahiras, s’étaient déjà mobilisés pour nettoyer les établissements. Nous les félicitons et nous saluons aussi leurs actions », avait souligné l’adjoint administratif au gouverneur de Dakar avant d’annoncer la mobilisation de tous les services de l’Etat, Sapeurs-pompiers et UCG pour préparer l’accueil des potaches.
Des jours après, certaines écoles ne sont pas encore sorties de l’ornière. Le constat a été fait au niveau de l’école élémentaire Baraque de Gouye Mouride, mais aussi au niveau du CEM de Niague et à l’école élémentaire Mamour Diop de Santhiaba dans la commune de Rufisque Nord où le déficit de tables-bancs avait d’aggraver la situation. Aujourd’hui encore, les écoles sont en train de recevoir leur dotation en camions de sable pour apporter une couche plus propre et cacher les dépôts laissés par les eaux après le pompage.
Au-delà de ces problèmes d’accueil pour la rentrée, la plupart des écoles dans les communes de Rufisque souffrent de la vétusté de leurs bâtiments. A Tafsir Niao Faye et Mour Ndiaye Mbengue, tout comme à Matar Seck et Marème Tall Diop, toutes situées dans le vieux Rufisque dans la commune de Rufisque Est, l’état de délabrement des bâtiments est très avancé au point que certains anciens sont en train de mettre sur pieds des associations pour aller à leur chevet et essayer d’anticiper sur les risques et menaces qui planent au-dessus des têtes des enfants. C’est le cas avec l’association SOS Tafsir Niao Faye qui a lancé un appel aux bonnes volontés pour venir à l’aide à un bâtiment qui menace ruine. Même situation à l’école Matar Seck, ex école des garçons et école Marème Diop Tall ex école annexe. Des écoles qui datent de la période coloniale et dont les bâtiments aujourd’hui présentent des lézardes et dans certains des pans des plafonds ont cédé, laissant apparaître des fers rouillés.
Mais le cas le plus patent est celui du CEM Sebi-gare, un bâtiment qui a été rénové et réceptionné dans le cadre du projet d’appui au développement de l’enseignement moyen (ADEM) financé par la coopération française. En effet, trois ans après sa réception, ce bâtiment de plusieurs salles de classes sur deux niveaux, n’offre plus les garanties de sécurité au point qu’élèves, enseignants et parents sont aujourd’hui sous la hantise de voir certaines parties leur tomber dessus.
Il s’y ajoute que les parents d’élèves déplorent la situation autour des établissements qui sont transformés en marchés et en garages de taxis clandos. Cette situation est observable au niveau du Cem Abdoulaye Sadji et de l’école élémentaire Ibra Seck, où les sonorités diverses ont fini d’installer un tohu-bohu rompant d’avec les exigences de calme pour la concentration des élèves pendant les heures de cours.
Woré NDOYE
ZIGUINCHOR
Déficit d’enseignants et pluies, les goulots qui retardent le démarrage des cours
Un déficit de 245 enseignants, c’est le gap que cherchent à combler les autorités académiques de Ziguinchor qui ont encore des soucis à se faire avec l’hivernage qui jouent les prolongations dans la région. Les pluies replongent certaines écoles sous les eaux, au grand dam de leurs élèves qui sont contraints de prolonger encore les vacances. Un coup dur pour le démarrage des enseignements apprentissages dans la région.
Les pluies qui continuent de tomber sur Ziguinchor et sa région constituent encore les facteurs bloquants d’un démarrage des cours dans certains établissements déjà très éprouvés par les eaux de pluie. Le CEM Malick Fall, le CEM Goumel, les écoles élémentaires Francisco Carvalho, Jean Kandé au quartier Escale, Colobane… sont des exemples typiques d’écoles où les potaches prolongent encore les vacances, à cause des eaux de pluies. Pourtant c’est le même décor qui marque ces établissements scolaires de la commune de Ziguinchor à chaque rentrée des classes. Un spectacle qui perdure depuis maintenant plusieurs années.
Dans les zones rurales, les pluies avec tempête ont fini d’emporter les toitures des classes de certaines écoles très en difficulté. L’hivernage qui joue encore les prolongations plombe ainsi le démarrage des cours dans certaines écoles de la commune qui sont replongées sous les eaux de pluie. Une situation difficile qui vient s’ajouter au déficit criant d’enseignants qui n’est pas pour arranger les choses. Environ 245 enseignants, c’est ce que réclament les autorités académiques de Ziguinchor qui ont évoqué ce déficit lors du Comité régional de développement (Crd) tenu à la veille de la rentrée scolaire. L’Inspecteur d’académie de Ziguinchor, Cheikh Faye, évoquant cette situation, a sollicité une discrimination positive pour Ziguinchor dans l’affectation des sortants des écoles de formation. «Des stratégies seront mises en place pour une meilleure rationalisation du personnel, en attendant l’arrivée de nouvelles recrues», a laissé entendre le patron de l’école.
Et comme si cela ne suffisait pas, la situation du lycée Djignabo, avec ses travaux de réhabilitation qui se poursuivent ne facilite pas les choses. Suffisant pour réduire le nombre de classes physiques qui risque d’impacter négativement sur le déroulement des enseignements-apprentissages. Même si les cours ont démarré normalement dans certains établissements, dans d’autres écoles, ces cours se déroulent timidement.
Ignace NDEYE
MBOUR
Ces entraves à un bon fonctionnement du système éducatif
A Mbour, plusieurs facteurs constituent des entraves à un bon fonctionnement du système éducatif. Il y a, entre autres, des curricula à repenser, des fondamentaux en matière de civisme et citoyenneté, un front social en ébullition permanente, une carte scolaire sous le poids du gigantisme, des abris provisoires et le manque de matériel didactique lié à la cherté des intrants.
Les réalités du milieu scolaire sont expressives des entraves au bon fonctionnement du système éducatif. Des interrogations et enquêtes auprès d’acteurs du système éducatif ont mis en évidence un certain nombre de facteurs expressifs et révélateurs des maux gangrénant le bon devenir de l’école. Certains pédagogues ont suggéré la révision des curricula pour la conception de nouveaux modules et matières capitaux dans la formation initiale des enseignants car le sens civique et la citoyenneté semblent être des éléments ou des compétences reléguées au second plan. Leurs enseignements dans nos écoles ont valeur de bréviaire pour la formation des enfants, des êtres en devenir.
La nécessité s’explique, à en croire des experts de l’éducation ou pédagogues avertis, par des dérives autoritaires du fait des acteurs de l’éducation. Si, d’une part, il est fait état des violences en milieu scolaire sous toutes les formes, les élèves ont franchi le Rubicon en violentant leurs maîtres et en détruisant de manière systématique leurs outils de travail, salles de classe, tables-bancs et matériel didactique. L’actualité récente à travers différentes régions du pays en témoigne.
L’ébullition permanente du système éducatif a fini de compromettre la dynamique d’acquisition de savoir des apprenants par des pertes de temps impactant sur le quantum horaire. Les débrayages et grèves perlées l’illustrent de manière parfaite.
Baba Thiam, l’Inspecteur de l’éducation et de la formation (Ief), chef du service de l’Ief de Mbour, a abordé la question lancinante des abris provisoires. La carte scolaire de plus en plus élargie, avec la création d’écoles et l’augmentation de la population scolaire, ne facilite pas la maîtrise des effectifs. Selon lui, des efforts ont été entrepris pour leur résorption et des indications ont été données aux Collectivités territoriales concernées ou polarisées par son Ief pour des efforts à faire. Pour lui, c’est une réalité n’entravant nullement le bon déroulement des cours.
Une constante demeure tout de même : une salle de classe se doit d’avoir certaines commodités par rapport aux intempéries. L’une des questions à laquelle les parents font référence en matière d’obstacles à un bon accompagnement des élèves. Le renchérissement du coût de la vie et la flambée généralisée de denrées de première nécessité sont venus rendre difficiles l’accès au matériel didactique. Les ouvrages scolaires deviennent de plus en plus chers.