Somalie : Au moins cent personnes, dont des enfants, ont été tuées dans un double attentat à la voiture piégée, samedi 29 octobre, sur une artère très fréquentée du centre de la capitale Mogadiscio. Il y a également plusieurs centaines de blessés et les hôpitaux sont à la peine.
Comment prendre en charge et soigner cet afflux de blessés ? Dr Abdul Khadeer Adhen, propriétaire de la seule compagnie d’ambulance privée de Somalie, a été joint au téléphone par Céline Pellarin, de la rédaction Afrique. « Les hôpitaux de la capitale sont saturés, la situation est hors de contrôle ! Il y a trop de blessés à soigner, trop de corps de personnes décédées à prendre en charge. »
Et les soignants manquent de matériel dans des établissement hospitaliers bondés. « Je pense que malheureusement il va y avoir plus de décès parmi les victimes, les blessures causées par les explosions sont très graves. Et on peut craindre que plusieurs blessés finissent par succomber dans les hôpitaux dans les prochains jours. »
Ses équipes sont sur le terrain, mais les conditions sont difficiles. « Oui, nous pouvons travailler, mais hier l’une de nos ambulances a été touchée par les explosions. Le chauffeur et l’un des soignants qui circulaient à bord du véhicule ont été blessés. Et l’ambulance est complètement détruite. »
Ce dimanche matin, plusieurs habitants de Mogadiscio fouillaient encore les décombres, à la recherche de leurs proches portés disparus, soulevant les débris au milieu des bâtiments en ruines. D’autres ont commencé à nettoyer le site car la double explosion a causé de sérieux dégâts aux alentours, brisant notamment les fenêtres des édifices voisins.
La lutte anti-terroriste et la réponse des shebabs
Le président Hassan Sheikh Mohamoud s’est rendu sur place ce dimanche. Cent personnes ont trouvé la mort et 300 ont été blessées, a-t-il déclaré mais le nombre de victimes continue à augmenter. Il a dénoncé une attaque « cruelle et lâche » et a invité la population à se rendre dans les hôpitaux pour donner son sang. Le président somalien a aussi demandé à la Communauté internationale d’envoyer des renforts en médecins et équipements médicaux.
L’attaque a eu lieu au même carrefour très fréquenté où un camion avait explosé le 14 octobre 2017, tuant 512 personnes et en blessant plus de 290. C’est à ce jour l’attentat le plus meurtrier commis en Somalie.
« C’est au même endroit et ce sont les mêmes innocents » qui sont frappés, a déploré M. Mohamoud. « Ce n’est pas juste. Si Dieu veut, ils n’auront plus la capacité de perpétrer un nouvel (attentat, comme celui de Zobe) », a-t-il fustigé, en référence aux jihadistes du groupe shebab.
Illaahay idin kii, Oktoober kale ma dhicidoonto. Dalka dagaal buu ku jiraa,oo saacadan aan idin la hadlayo dagaal baa socda. Geesiyaasha Ciidamada Qalabka Sida ayaa daba jooga Khawaarijta. pic.twitter.com/a5XT4lbv97
— Hassan Sheikh Mohamud (@HassanSMohamud) October 30, 2022
Hassan Sheikh Mohamoud a affirmé que cette attaque n’allait pas décourager le gouvernement dans sa lutte contre les combattants djihadistes. En août, il avait promis une « guerre totale » pour éliminer les shebabs, cherchant aussi à les couper de leurs ressources financières. Les forces de sécurité et des milices claniques locales ont, depuis, lancé des opérations militaires dans le centre du pays qui ont permis, selon les autorités, de reprendre du terrain aux combattants islamistes. Mais, comme le montre ce nouvel attentat, ces derniers ont redoublé d’activité ces derniers mois.
Ce type d’attentat – qui n’a pas été immédiatement revendiqué – est généralement attribué par les autorités somaliennes aux militants jihadistes shebabs qui mènent régulièrement des attaques dans la capitale et les grandes villes de Somalie.
Les shebabs ont redoublé d’activité ces derniers mois. Un chef du mouvement jihadiste a été tué dans une opération militaire début octobre. Le groupe somalien affilé à al-Qaïda fait face, depuis l’élection du président Hassan Cheikh Mohamoud en septembre, à une stratégie plus agressive.
Les précédents attentats :
2022
Du 19 au 20 août, une attaque d’envergure contre l’hôtel Hayat à Mogadiscio fait au moins 21 morts et 117 blessés lors d’un assaut d’une trentaine d’heures mené par les shebabs.
2019
Le 28 décembre, un attentat à la voiture piégée fait au moins 81 morts dont deux ressortissants turcs, et plus d’une centaine de blessés dans un quartier animé de Mogadiscio. Au moins 16 des victimes étaient des étudiants de l’université de Mogadiscio circulant à bord d’un bus lorsque la voiture piégée a explosé au niveau d’un poste de sécurité. L’attentat est revendiqué par les shebabs, visant selon eux « un convoi de mercenaires turcs et les miliciens apostats qui les escortaient ».
2018
– 9 novembre: au moins 41 personnes sont tuées dans l’explosion de deux voitures piégées placées par les shebabs et d’un kamikaze près de l’hôtel Sahafi, établissement fréquenté par des responsables politiques.
– 23 février: au moins 38 personnes meurent dans deux attentats à la voiture piégée visant le palais présidentiel et un hôtel de la capitale, revendiqués par les shebabs.
2017
– 28 octobre: un commando de cinq hommes armés fait irruption dans l’hôtel Nasa Hablod, après avoir fait exploser deux véhicules piégés à proximité. L’attentat, revendiqué par les shebabs, fait 27 morts. L’attaque coûte leur poste aux chefs de la police et des renseignements.
– 14 octobre: un attentat au camion piégé dans le district de Hodan, quartier commerçant très animé, fait 512 morts. Un des jihadistes condamnés pour cet attentat est exécuté un an plus tard. C’est au même carrefour que s’est produit le double attentat de samedi, qui a fait une centaine de morts.
– 19 février: 39 personnes sont tuées par un kamikaze qui fait exploser une voiture piégée à un carrefour fréquenté. L’attaque, non revendiquée, intervient le jour où les shebabs menacent de lancer une « guerre sans merci » contre le nouveau président.
– 25 janvier: au moins 28 personnes sont tuées dans un double attentat à la voiture piégée contre l’hôtel Dayah, suivi d’une attaque, revendiqués par les shebabs.
2016
– 26 novembre: une trentaine de personnes sont tuées dans l’explosion d’une voiture piégée près d’un marché. L’attentat n’est pas revendiqué mais les soupçons se portent sur les shebabs.
2015
– 20 février: un double attentat suicide contre le Central Hotel, revendiqué par les shebabs, fait au moins 25 morts. Parmi les victimes, deux parlementaires, le maire adjoint de Mogadiscio, le secrétaire privé du Premier ministre et le chef de cabinet du vice-Premier ministre.
2013
– 14 avril: une attaque-suicide spectaculaire contre le principal tribunal de la capitale et un attentat à la voiture piégée font au moins 34 morts civils. Le raid est revendiqué par les shebabs.
2011
– 4 octobre: un attentat suicide au camion piégé visant un complexe ministériel fait au moins 82 morts et 120 blessés. C’est le premier attentat revendiqué par les shebabs depuis leur retrait en août de Mogadiscio.
Les shebabs ont également revendiqué plusieurs attaques meurtrières dans les pays voisins, notamment au Kenya, dont l’attaque du centre commercial Westgate à Nairobi (67 morts en 2013) et l’assaut de l’université de Garissa (148 morts en 2015).