A la fin du bitume qui longe le marché “Katr Yaar”, immédiatement à gauche, des flaques d’eau et des trous béants remplis de boues accueillent les usagers. Cette route qui mène à la zone non lotie de “Djikofê” n’est pourtant que la partie visible de l’iceberg.
Comme son nom l’indique en langue Dioula, “Djikofê”, se situe derrière un passage d’eau. A cheval entre Yamtenga et Ragnongo, cette zone non lotie est accessible par quatre entrées principales. Sur ses quatre entrées, un seul pont a été construit en bonne et due forme en 2019. Les trois autres sont des ponts de fortune. Après les pluies des 28 et 29 juillet 2024, les habitants de cette zone périphérique sont inquiets. En plus de la fragilité des ponts, de nombreuses maisons sont trempées comme des biscuits. Il faut dire que chaque année, c’est le même scénario.
Dans la partie sud
Il est difficile de se retrouver ou de donner la limite du quartier “Djikofê”. Mais dans la partie sud de la zone, les pluies du week-end ont laissé leurs traces. Gilbert Nikièma est réparateur d’engins à deux roues tout près du pont qui permet d’accéder aux habitations. « La saison pluvieuse ne s’est pas vite installée mais déjà, ce que nous avons vu avec les dernières pluies nous fait peur. La pluie du dimanche a emporté le vélo d’une dame. C’est une chance que l’eau ne l’ai pas noyée. Ce pont est en mauvais état et déjà une partie s’est écroulée. Même quand il ne pleut pas, l’eau coule et c’est dangereux », s’inquiète l’homme qui a son business installé à moins de 200 m du pont.
Pas loin de l’atelier de mécanique de Gilbert Nikièma, des habitations sont aussi impactées par la pluie. La majorité des cours possèdent des gravats et des moitiés de murs. Mais ces démolitions sont la conséquence des pluies de l’année passée. Pour le moment, ici, peu de maison sont tombées. C’est l’humidité et les fissures qui inquiètent. « Quand la pluie est forte, toute notre cour et l’intérieur de la maison sont inondés. Vu que les constructions sont en banco, l’eau s’infiltre par le mur », explique dame Rihannata Ouédraogo, assise devant sa porte avec son linge qu’elle veut débarrasser de l’odeur de l’humidité. Elle réside ici depuis plus de dix ans avec son mari. Dame Ouédraogo affirme néanmoins que les cas d’inondation se sont réduits par rapport au moment de leur arrivée dans ce quartier.
“Pendant la pluie, on ne voyait plus la limite du pont”
La dégradation du pont tracasse plus d’un dans cette partie de Djikofê. Effectivement, on peut apercevoir qu’une partie du pont est rongée par l’eau. « Avant-hier, le niveau de l’eau était étonnant. Pendant la pluie, on ne voyait plus la limite du pont. Le pire a même failli se produire avec une femme et son bébé au dos », a aussi relaté Rihannata Ouédraogo, confirmant les propos du mécanicien plus haut. Les riverains sont obligés d’empêcher les gros porteurs de passer sur le pont par peur qu’il ne s’écroule. C’est le même sentiment qui anime dame Compaoré qui vend du poisson à côté du pont. « Parfois, des agents de la mairie passent regarder mais sans suite. Il y a un bon pont de l’autre côté du quartier mais c’est loin de chez nous. Ce passage nous permet d’accéder plus vite à nos maisons », insiste-t-elle. Malgré le danger qui rode autour de ce passage d’eau, des enfants s’adonnent à la pêche, sous le regard insoucieux de leurs parents et des passants.
La zone du “bon pont”
Cette partie du quartier semble être la plus peuplée. Deux ponts parallèles permettent d’y accéder. L’un d’entre eux est en bon état et l’autre croule sous le poids de l’érosion. Selon les riverains, c’est pendant la dernière campagne électorale que “le bon pont” a été construit. Cependant, lorsque l’on traverse ce pont, on se frotte à l’étroitesse de la route, étouffée par les petits commerces de part et d’autre. Pour couronner le tout, une marre de boue oblige les usagers à se rabattre sur les côtés au risque d’entrer dans un domicile. Tout est exigu et il est difficile de différencier une route de l’entrée d’une cour. Il est aussi facile de se laisser distraire par l’environnement de bidonville qui y règne. C’est un autre monde. Monsieur Compaoré, qui est venu déjeuner dans un kiosque, déplore les dégâts déjà causés par la pluie. « Dans les non lotis, il n’y a pas de caniveaux donc l’eau passe partout. Pleins de murs se sont écroulés et une partie du mur de ma cour aussi. Au moins trois maisons sont tombées chez mes voisins », a-t-il fait savoir ajoutant que chacun aimerait bien construire pour éviter les inondations mais les moyens manquent. Pour l’homme, le fait que la plupart des maisons soient en banco constituent une problématique majeure.
“Nous sommes obligés de réparer la route avec nos propres ressources”
En cette mâtinée, Ismaïla Kouanda et ses camarades s’affairent sur un des ponts de Djikofê. À l’aide de grosses pierres sauvages et de fils de fer, ils essaient de renforcer chaque extrémité du pont. Il faut dire que l’intensité de la pluie du dimanche les a effrayés. « Nous avons remarqué que l’eau veut détruire le pont, donc nous avons décidé de cotiser pour l’arranger. C’est une initiative des habitants et nous n’avons pas approché la mairie pour quoi que ce soit », indique Ismaïla Kouanda. Néanmoins, ces hommes regroupés autour du pont souhaitent que des infrastructures routières soient construites pour alléger leurs souffrances. « Chaque année, de la période de juillet à septembre, nous sommes obligés de réparer la route avec nos propres ressources ».
Le constat qui se fait sur place est que cette zone périphérique de la ville de Ouagadougou est construite sur un passage naturel de l’eau. Le ruissellement se fraye donc un chemin, sans tenir compte de la présence humaine. Étant donné qu’il n’y a aucun aménagement, vivre dans cette zone est un véritable calvaire pour les habitants. Ces derniers, qui pointent du doigt leur pauvreté, espèrent que les autorités communales viabilisent “Djikofê”.