C’est une enquête sur un empire en République démocratique du Congo. Ce jeudi matin, l’agence Bloomberg a fait des révélations sur Zoé Kabila, député et frère du chef de l’Etat, mais ce n’était finalement qu’un prélude. Un rapport du groupe d’étude sur le Congo et du Pulitzer Center publié dans la foulée va plus loin. Il s’intéresse à 13 membres de la famille Kabila et deux très proches associés. Et ce clan Kabila a la main sur au moins 80 sociétés dans des secteurs divers et variés. Ce qui représente des centaines de millions de revenus depuis 2003 et la fin de la guerre.
Ce rapport, c’est finalement l’histoire du clan Kabila. Il fait écho à une petite phrase prononcée en 2006 par la mère de l’actuel président, Joseph Kabila, sur les années d’avant-guerre, avant 1996 et l’AFDL, quand Laurent-Désiré Kabila, le patriarche, vivait avec sa famille en exil en Tanzanie, sous la protection du régime tanzanien. Maman Sifa disait de ces années : « Nous n’avions rien, je cultivais un petit champ et je vendais mes légumes au marché comme n’importe quelle femme pauvre africaine ».
Vingt ans plus tard, selon les données compilées dans cette enquête, 13 membres de la famille, le président et ses enfants inclus, y compris les mineurs, sont à la tête ou ont des parts dans au moins 80 sociétés. Cela représente des centaines de millions de dollars de revenus depuis 2003 et des dizaines de millions en biens matériels.
Une enquête qui risque de faire du bruit en République démocratique du Congo, alors qu’actuellement les caisses de l’Etat sont vides et que les élections qui sont censées entraîner le départ du président Kabila, chef du clan, sont repoussées, notamment au motif qu’il n’y a pas assez d’argent pour les financer. Officiellement, Joseph Kabila, sa sœur Jaynet et son frère Zoé, ayant tous des fonctions officielles, ont dû déclarer tous ces revenus et leurs sources.
Tous les intérêts se croisent
Dans ce rapport, on se rend compte que le clan Kabila possède l’équivalent de dix fois l’île de Manhattan (à New York) de terrains en République démocratique du Congo. Cela représente plus de 73 000 hectares quand la taille moyenne d’une ferme au Congo est de 1,5 hectare.
La ferme Espoir, qui appartient au président Kabila et à ses deux enfants, couvre à elle seule plus de 8 000 hectares. Maman Olive, sa femme, a une fondation, mais aussi des sociétés comme Osifal qui fait un peu de tout : mines, pétrole, construction. Et dans le rapport, on apprend aussi que l’ONU a versé à cette société, officiellement sans le savoir, la coquette somme de 270 000 dollars de loyer en 2015.
La sœur du chef de l’Etat, Jaynet, a des parts dans la société Vodacom Congo et à travers Acacia, une des sociétés de la famille, détient 43 permis d’exploitation de diamants. Elle est aussi associée minoritaire dans une autre société, Kwango, qui en a 53. Et tous ces permis mis bout à bout représentent une zone de quelque 720 km à la frontière avec l’Angola. A cela s’ajoutent les révélations de Bloomberg avec le cas de Zoé Kabila qui un temps raflait 10% du marché de la construction en plein boom au Congo.
Tous les intérêts des frères, des sœurs et des enfants du président se croisent. On fait des affaires en famille chez les Kabila et on s’intéresse à tout, depuis les compagnies aériennes, les permis de conduire, les restaurants jusqu’au minier et les terres.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il s’agit surtout d’un énorme travail de compilation de sources publiques et accessibles à tous dans ce rapport. Il y a beaucoup de sociétés, parfois des alias, mais l’essentiel de ces relations d’affaires, on peut les découvrir dans les colonnes du Journal officiel ou constater dans les registres du ministère du Commerce que beaucoup des contrats obtenus par la famille le sont dans le cadre d’un cas de force majeure, guerre ou catastrophe naturelle. Ce qui leur permet de se soustraire aux obligations légales, comme de payer des taxes.