Le Sénégal est un pays très particulier. Alors qu’une nouvelle polémique est née, depuis quelques jours, autour du crime odieux commis par l’armée française au camp de Thiaroye, il y a 80 ans, certains compatriotes, en petits « Molière », veulent nous imposer un débat qui conforte l’ancienne colonie dans sa volonté de continuer à nous coloniser par d’autres moyens. En effet, un journaliste de Dakaractu a récemment été pris pour cible sur les réseaux sociaux après avoir maladroitement employé le terme « risée » dans une question adressée à la meilleure élève du Sénégal à l’issue du Concours général. Ce lapsus, ou en tout cas, cette « bourde » pour certains, a rapidement déclenché une vague de critiques et de moqueries en ligne, soulignant la sensibilité du public aux erreurs linguistiques dans les médias. Le lynchage virtuel dont a été victime notre jeune confrère met en lumière la pression constante à laquelle les journalistes sont soumis, mais aussi l’importance de la rigueur dans l’utilisation du langage.
Mais il faut le dire, ce tollé, qui a même pris la vedette aux excellents lauréats célébrés par la nation, atteste du degré de complexe des Sénégalais par rapport à la langue française. C’est un phénomène profondément enraciné dans l’histoire coloniale de notre pays et malheureusement « bien entretenu » par notre premier président poète Léopold Sedar Senghor. En tant qu’ancienne colonie française, le Sénégal a hérité du français comme langue officielle, ce qui a façonné les dynamiques sociales, éducatives et culturelles de la nation. Cependant, cette langue, perçue par beaucoup comme un symbole de modernité et de réussite sociale, est aussi source d’un complexe identitaire pour une partie de la population.
Dans les milieux académiques et professionnels, la maîtrise de cette langue est souvent vue comme un gage de compétence et d’élitisme. Par conséquent, ceux qui ne maîtrisent pas parfaitement la langue peuvent se sentir marginalisés ou inférieurs, créant ainsi un sentiment d’insécurité linguistique. Ce complexe est d’autant plus exacerbé par le fait que le français n’est pas notre langue maternelle.
C’est pourquoi le communiqué de la rédaction de Dakaractu, -aussi catastrophique que la phrase de son reporter-, n’avait pas sans raison d’être. Car, si chaque média sénégalais se mettait à pondre un communiqué pour s’expliquer sur une « faute de Français » et non professionnelle d’un de ses agents, tous les jours, on risque de se retrouver avec des centaines de notes par jour. Parce que, ce n’est pas un secret de polichinelle, des fautes de Français, tous les jours, on en fait. C’est tout à fait normal.
Le véritable « combat » pour les journalistes devrait plutôt être mené contre les nombreuses fautes professionnelles au lieu de s’attarder sur des écarts grammaticaux ou de vocabulaire.
L’essentiel pour un journaliste est de se faire comprendre, peu importe la langue utilisée. Le cœur du métier réside dans la transmission claire et précise de l’information. Une bonne communication ne se mesure pas uniquement par la maîtrise parfaite d’une langue, mais par la capacité à toucher et à informer son public de manière efficace. Que ce soit en français, en wolof ou dans toute autre langue, l’objectif ultime est de véhiculer des idées, des faits et des opinions de manière accessible à tous.
Cela ne signifie pas que la qualité de la langue doit être négligée. La précision des termes et la rigueur sont importantes pour éviter les malentendus, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la clarté et de l’accessibilité. Le rôle du journaliste est donc de trouver cet équilibre : utiliser un langage approprié, tout en s’assurant que l’information reste intelligible et pertinente pour son public.
Il faut, tout de même, admettre, que les dernières générations de journalistes ont de plus en plus tendance à négliger la préparation des entretiens, ce qui constitue un élément primordial pour tout reporter.
« La meilleure improvisation pour un journaliste, c’est l’improvisation préparée ». Cette célèbre expression, enseignée dans toutes les écoles de journalisme, souligne l’importance d’une préparation minutieuse dans le métier. Même dans les situations où le journaliste doit réagir spontanément ou couvrir des événements en direct, la qualité de son travail dépend en grande partie de la préparation en amont.
Il ne semble pas opportun de rappeler qu’une bonne improvisation ne naît pas du hasard. Elle est le fruit d’une compréhension profonde des sujets abordés, de recherches rigoureuses, et d’une familiarité avec les contextes et les enjeux. En étant bien préparé, un journaliste est en mesure d’anticiper les questions, de structurer sa pensée rapidement, et de s’adapter aux imprévus avec assurance. Elle consiste alors à accumuler des connaissances, à maîtriser les outils et les techniques de communication, et à s’exercer à gérer des situations inattendues. Cela permet de transformer ce qui pourrait être une réponse hasardeuse en une intervention réfléchie et percutante. Pour un journaliste, être prêt à improviser, c’est avoir les ressources nécessaires pour être à l’aise et efficace en toutes circonstances.
Pour dire que ce complexe vis-à-vis de la langue française et de la France reste une réalité complexe. Heureusement, il y a, aujourd’hui, des exceptions. Beaucoup de compatriotes ont fini d’embrasser leur plurilinguisme comme une richesse, et il y a un mouvement croissant pour valoriser les langues locales.
« Risée »…, du grain à moudre pour un peuple complexé ! (seneweb.com)