Le président américain est resté inflexible face aux autres dirigeants présents vendredi et samedi à Taormine en Sicile, notamment sur le climat et le protectionnisme.
Les apparences sont sauves, mais à peine. C’est une déclaration a minima qui a conclu, samedi 27 mai, les deux jours du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des sept pays les plus riches (Etats-Unis, Allemagne, France, Royaume-Uni, Canada, Italie, Japon) à Taormine, en Italie. Elle traduit la réalité d’une réunion où, sur la plupart des sujets, à commencer par le climat et le protectionnisme, Donald Trump était en opposition ouverte avec ses partenaires.
« La discussion a été franche, peut-être plus franche que lors des précédents sommets », a reconnu devant la presse le chef du gouvernement italien, Paolo Gentiloni, dont le pays préside actuellement le G7.
Les talents des diplomates italiens et de la présidence du Conseil pour concilier l’inconciliable ont permis d’éviter une rupture ouverte, qui aurait encore un peu plus isolé le président américain en le radicalisant encore sur ses positions « d’Amérique d’abord ».
Mais en dépit des pressions répétées des Européens – Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni et Union européenne (UE) –, du Canada et du Japon, Donald Trump n’a pas cédé, notamment à propos de l’accord de Paris sur le climat. « Je rendrai ma décision finale sur l’accord de Paris la semaine prochaine », a-t-il annoncé sur son compte Twitter.
La chancelière allemande Angela Merkel a évoqué des échanges « très difficiles » et « très décevants » sur cette question. « Nous avons ici une situation à six contre un, ce qui signifie qu’il n’y a encore aucun signe quant à savoir si les Etats-Unis resteront ou non dans l’accord de Paris » sur le climat, a-t-elle précisé, rappelant l’importance majeure de cet engagement de la communauté internationale pour combattre le dérèglement climatique.
Le président français Emmanuel Macron, tout aussi ferme sur cet enjeu, n’en veut pas moins se montrer un peu plus optimiste. « Donald Trump est un pragmatique et j’ai bon espoir qu’il a écouté les arguments de ses interlocuteurs et qu’il prenne en compte les intérêts de son pays en maintenant les engagements de Washington dans l’accord de Paris », a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse, tout en reconnaissant que les discussions avaient été vives.
« Tout n’était pas aligné et il y a eu des débats qu’il ne faut pas pour autant surjouer », a-t-il ajouté. « Il faut voir d’où l’on vient. Il y a encore quelques semaines, les Etats-Unis annonçaient vouloir quitter l’accord. »
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Six pages contre trente-deux en 2016
Dans les sommets du G7, lieu de rencontre informel entre les chefs d’Etat et de gouvernement, la déclaration finale est en général bouclée une dizaine de jours à l’avance par les « sherpas». Là, tout était encore ouvert et c’est au cours de la nuit de vendredi à samedi, non sans des discussions laborieuses, que le texte a été achevé.
C’est un plus petit dénominateur commun. A peine six pages contre trente-deux lors du sommet de 2016 au Japon. Les mots sont pesés au trébuchet sur les points de divergences qui sont actés explicitement.
« Les Etats-Unis d’Amérique sont en train de réévaluer leur politique sur le changement climatique et sur l’accord de Paris et ne sont donc pas en mesure de rejoindre le consensus sur ce sujet », peut-on lire dans la déclaration finale. « Prenant acte de ce processus, les chefs d’Etat et de gouvernement du Canada, de France, d’Allemagne, d’Italie, du Japon et du Royaume-Uni ainsi que la Commission européenne réaffirment leur engagement à rapidement mettre en œuvre l’accord. » Ce constat de désunion est une première après des dizaines de communiqués du G7 affirmant la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le climat en outre n’était pas le seul sujet de contentieux. Le commerce international et le protectionnisme voulu par la nouvelle administration américaine ont fait aussi l’objet de longues tractations dans la nuit. « Au final, nous sommes parvenus à convaincre les Américains d’inclure dans le communiqué final la lutte contre le protectionnisme et cela constitue une avancée », a commenté un diplomate européen s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Le texte rappelle le respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la vigilance nécessaire vis à vis de ceux des pays – qui n’étaient pas présent à ce sommet – qui ne les respectent pas. Une claire allusion aux émergents asiatiques.
L’équipe de Donald Trump mal préparée
Les diplomates du pays hôte comme ceux de Berlin n’ont pas caché leur malaise face au mélange d’arrogance et surtout d’impréparation sur nombre de dossiers de l’équipe entourant le président américain.
Ce dernier a refusé toute conférence de presse. Des responsables américains ont néanmoins assuré que Donald Trump avait apprécié les échanges « vigoureux » avec ses homologues et indiqué qu’il avait appris beaucoup de choses sur le changement climatique, qu’il qualifiait encore l’an passé d’invention.
« Le G7 reste un espace pertinent de partage des responsabilités et de valeurs », a souligné Emmanuel Macron. Ce dernier a insisté sur l’intérêt de tels sommets regroupant les dirigeants des principales puissances économiques démocratiques dans une période marquée par « la fragilisation du multilatéralisme avec des régimes tentés de ne plus respecter ces règles ».
La déclaration sur le terrorisme, approuvée dés vendredi soir, instaure ainsi, même si elle n’est pas coercitive, une pression sans précédent sur les grands acteurs du Web pour qu’ils s’engagent à détecter, signaler et supprimer les appels au djihad.
Répondre au défi migratoire
Les membres du G7 ont rencontré, samedi, les dirigeants de cinq pays africains, invités par l’Italie (Ethiopie, Kenya, Niger, Nigéria, Tunisie) notamment pour rappeler que le développement est la meilleur manière de répondre au défi migratoire, sujet qui fut finalement le grand absent du sommet.
Le président du Conseil italien Paolo Gentiloni espérait placer cette question de la « mobilité humaine » en tête de l’agenda du sommet organisé en Sicile, une île qui a vu débarquer des centaines de milliers de migrants au cours des quatre dernières années, en grande partie originaires de pays d’Afrique sub-saharienne souffrant de la guerre et de la pauvreté.
Rome espérait à l’origine l’adoption d’un texte saluant les aspects positifs des migrations et appelant les pays industrialisés à renforcer les canaux d’immigration légale pour éviter aux réfugiés de risquer leur vie en tentant la traversée de la mer Méditerranée sur des bateaux de fortune. L’idée a été enterrée avant même le début du sommet à cause du refus des Etats-Unis et dans une moindre mesure des Britanniques qui insistaient avant tout sur l’aspect sécuritaire. Le sujet est évoqué juste en quelques lignes.
Emmanuel Macron, dans sa conférence de presse, n’en est pas moins revenu sur la question, insistant sur la nécessité d’une réponse européenne globale et soulignant combien elle recoupe à la fois celle du réchauffement climatique et du développement.
Manifestation symbolique
Alors que les sept chefs d’Etat et de gouvernement concluaient leurs deux jours de réunion dans la ville de Taormine, perchée sur son piton rocheux dominant la mer et coupée du monde, un gros millier de militants issus de la gauche radicale s’étaient donné rendez-vous en milieu d’après-midi pour une manifestation très symbolique sur un parking bordant une sortie d’autoroute à cinq kilomètres de là.
« Ce qu’on veut, surtout, c’est leur rappeler qu’on existe », assure Rodolfo Barbera, militant communiste et résident de Taormine. « Mais ils ont tout fait pour nous empêcher de venir. » Les derniers cars de manifestants, venus de Messine, ont été retardés par plusieurs contrôles de police. Consigne avait été donnée par le maire de fermer tous les commerces, sous peine d’amende. « Nous avions le choix entre faire une grande manifestation loin du G7 ou être moins nombreux, mais sur les lieux du sommet. On a préféré venir ici », lance Claudio Tamanini, venu des environs de Palerme, où il produit des tomates et des olives.
De nombreux mouvements comme les opposants au tunnel Lyon-Turin (No TAV) ou les Vénitiens de No Grandi Navi n’étaient représentés que par une banderole et une poignée de militants.
Dans la foule, au milieu des drapeaux rouges, surnageait une pancarte « Carlo vive » qui rappelle la mort, le 20 juillet 2001 à Gènes, de Carlo Giuliani, tué par un policier lors d’affrontements en marge d’une manifestation anti-G8. Seize ans après sa mort, son souvenir plane encore sur les sommets organisés en Italie. Sans doute est-ce pour cela que les autorités locales avaient entouré d’un puissant dispositif de sécurité une manifestation qui s’est révélée plutôt bon enfant et pacifique.