A l’issue d’une réunion de travail à Versailles, Emmanuel Macron a notamment plaidé pour un renforcement du « partenariat avec la Russie » en Syrie.
Le premier entretien entre le nouveau chef d’Etat français et son homologue russe était attendu. Lutte contre le terrorisme, Syrie, droits de l’homme en Tchétchénie et en Russie, intensification des relations bilatérales… lors de leur conférence de presse commune, lundi 29 mai à Versailles, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ont évoqué les différents dossiers sur lesquels ils se sont entretenus.
Le dialogue a été musclé sur la Syrie et les droits de l’homme, le président français avertissant son homologue russe qu’il y avait « une ligne rouge » à ne pas franchir dans le conflit syrien. Le point sur ce qu’il faut en retenir.
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Lutte contre le terrorisme et Syrie
Premier dossier évoqué pour ouvrir la conférence de presse, celui de la Syrie. « Une ligne rouge très claire existe de notre côté, l’utilisation d’armes chimiques, par qui que ce soit », a d’emblée prévenu le chef de l’Etat français. « Toute utilisation d’armes chimiques fera l’objet de représailles et d’une riposte immédiate, en tout cas de la part des Français », a-t-il averti, alors que Moscou soutient ouvertement le régime de Bachar Al-Assad, accusé d’avoir plusieurs fois utilisé des armes chimiques dans le conflit.
M. Macron a toutefois souhaité un « partenariat » renforcé avec Moscou pour lutter contre le terrorisme dans ce pays :
« C’est le fil directeur de notre action en Syrie et ce sur quoi je veux que, au-delà du travail que nous menons dans le cadre de la coalition, nous puissions renforcer notre
partenariat avec la Russie. »
Le nouveau président français s’est prononcé en faveur d’« une transition démocratique » dans ce pays, « mais en préservant un Etat syrien ». Il a ainsi insisté sur le fait que les discussions en vue de cette transition devaient englober« l’ensemble des parties prenantes du conflit syrien, y compris les représentants de Bachar Al-Assad ».
De son côté, le président russe a déclaré :
« Ce qui est plus important est la lutte contre le terrorisme. Le président français a proposé de mettre en place un groupe de travail, que les experts puissent se rendre à Moscou comme à Paris. Pour ce qui est de la problématique syrienne, nous estimons que nous ne pouvons lutter contre la menace terroriste en détruisant l’Etat [syrien]. »
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Dossier ukrainien
Concernant l’Ukraine, le dialogue a été plus ouvert. A la fermeté de M. Poutine pour qui « les sanctions » contre la Russie ne contribuent « aucunement » à régler la crise ukrainienne, le président français a répondu en rappelant qu’il y aurait « une discussion » au format Normandie [en écho à la rencontre entre les présidents Poutine et Porochenko, en 2014 en Normandie], réunissant Russie, Ukraine, France et Allemagne, dans les « prochains jours ou semaines » pour éviter « une escalade » des tensions dans ce pays.
« Sur ce sujet, c’est donc un processus qui doit perdurer, mais sur lequel nous avons l’un et l’autre partagé nos vues et en tout cas, j’ai pour ma part rappelé la volonté que nous puissions aboutir dans le cadre des engagements de Minsk à une désescalade », a-t-il aussi affirmé.
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Droits de l’homme et situation des personnes LGBT
Autre question évoquée, celle des personnes LGBT en Tchétchénie et des ONG en Russie. Le président français a affirmé que son homologue russe lui avait assuré que « des mesures » pour faire la « vérité complète » sur les accusations de répression d’homosexuels en Tchétchénie avaient été prises.
« Le président Poutine m’a (…) indiqué avoir pris plusieurs initiatives sur le sujet des personnes LGBT en Tchétchénie avec des mesures visant à faire la vérité complète sur les activités des autorités locales et régler les sujets les plus sensibles », a-t-il déclaré, affirmant qu’il serait « constamment vigilant » sur la question.
« J’ai très précisément indiqué au président Poutine les attentes de la France », a-t-il aussi assuré à la presse à l’issue de son tête-à-tête, ajoutant avoir « convenu » avec lui « d’avoir un suivi extrêmement régulier ensemble » sur la question.
Le chef de l’Etat français a « rappelé » au président russe « l’importance de sujets qui touchent à nos valeurs et à nos opinions publiques », ainsi que « l’importance pour la France du respect de toutes les personnes, les minorités et sensibilités ».
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Accusation d’ingérence dans la campagne française
Interrogé sur la question de la réception de Marine Le Pen à Moscou et de son soutien tacite à sa campagne, M. Poutine a argué que ça ne voulait « absolument pas dire que Moscou a voulu influencer le résultat de la présidentielle ». « Pourquoi refuser une rencontre avec une personnalité intéressante pour nous ? » a-t-il lancé, soulignant que « Mme Le Pen a depuis toujours travaillé au rapprochement avec la Russie ».
Les soupçons d’ingérence des hackeurs russes dans la campagne présidentielle française n’ont en revanche selon les deux présidents pas été abordés. « On n’en a pas parlé et de mon côté ça n’existe pas comme problème », a affirmé M. Poutine.
En revanche, M. Macron a de son côté assumé l’exclusion des journalistes de Russia Today et Sputnik de sa campagne électorale, accusant ces deux médias russes d’être des « agents d’influence ». « Quand des organes de presse répandent des contre-vérités infamantes, ce ne sont plus des journalistes, ce sont des organes d’influence », a déclaré le président français, insistant : « Russia Today et Sputnik ont été des organes d’influence durant cette campagne qui, à plusieurs reprises, ont produit des contre-vérités. »
lemonde.fr