Jeudi, la présidence tchadienne a reçu les associations de victimes. Les parties se sont mises d’accord pour le versement par Ndjamena d’une enveloppe de 10 milliards de francs CFA, alors que les différentes cours de justice avaient ordonné des indemnités au moins dix fois plus importantes à verser à travers un fonds fiduciaire passant par l’Union africaine.
Adoumbaye Dam Pierre est le président de l’association des victimes des crimes du régime d’Hissène Habré. Pour lui, ces premières indemnisations soulageront les victimes, même s’il espère le versement de la totalité des dédommagements prévus. « Hier, encore, on a perdu deux victimes et les victimes vivent dans la précarité la plus absolue, rappelle-t-il joint par Sébastien Nemeth de la rédaction Afrique. Il y en a qui ont tout perdu pendant leur détention ; il y en a qui ont perdu leur mari et les enfants n’arrivent pas à aller à l’école. Imaginez qu’aujourd’hui, ça apporte quand même un peu de soulagement, même si ce n’est pas total, parce qu’il reste encore beaucoup d’argent, mais ce peu-là pourrait les aider pour leur santé, peut-être payer la scolarité des enfants. Les veufs et les orphelins vivent dans la désolation et l’amertume. Nous, association de victimes, nous envisageons de nous rendre à Addis-Abeba, parce que l’État avait pris des mesures pour pouvoir octroyer le local qui devait abriter le fonds fiduciaire, ça fait plus de trois ans aujourd’hui, jusqu’à aujourd’hui, nous ne sommes pas revenus. On ne perd pas espoir… »
Quid de la dépouille de Hissène Habré
« Nous sommes tous croyants. Dieu a toujours prôné le pardon », a déclaré Maïbé Komandje Gabin après sa rencontre avec le chef de l’État tchadien jeudi. Le président de l’association de victimes AVCRP a estimé qu’il fallait réhabiliter Hissène Habré en tant que Tchadien. Djidda Oumar Mahamat va plus loin. Selon le secrétaire général du réseau des ADH, il doit être « enterré dignement, comme les autres chefs d’État », car pour lui « quelqu’un qui est mort est déjà pardonné »…
Mais un tel geste reste sensible. Pour Adoumbaye Dam Pierre, cette question ne pourra être posée avant la fin des dédommagements. « Les victimes doivent être d’abord apaisées, pour aller progressivement vers la réconciliation », dit le président de l’AVCRHH. Mais pour lui, certaines lignes rouges ne peuvent être franchies. Notamment une inhumation avec les honneurs. « Mon propre père a été tué par Hissène Habré et je ne sais même pas où il a été enterré. Il ne faut pas remuer le couteau dans la plaie. Aller trop vite mettra de l’huile sur le feu et les victimes descendront dans la rue », dit-il.
Un activiste parle de « magouille » pour acheter les associations et amadouer les partisans de Hissène Habré pour des raisons électorales. « On voit un intérêt du pouvoir à se rapprocher de son camp. Son fils a pu rentrer au pays l’an dernier. Mais le rapprochement ne pouvait se faire avant les dédommagements », analyse un observateur.
Tchad: l’indemnisation des victimes de Hissène Habré a commencé (rfi.fr)