TotalEnergies : La firme française TotalEnergies était devant la justice française ce mercredi 7 décembre suite à une action en justice lancée en 2019 par un groupement de six ONG françaises et ougandaises contre le projet pétrolier de Total en Ouganda et en Tanzanie. Après différents renvois procéduraux, les avocats des deux parties ont pu plaider. Résumé d’audience avec Charlotte Cosset.
Au tribunal judiciaire de Paris ce mercredi, c’est la partie plaignante qui a pris la parole en premier. C’est la première fois qu’une entreprise est assignée sous le coup de la loi du devoir de vigilance adoptée en mars 2017.
Les Amis de la Terre, Survie et quatre ONG ougandaises ont donc tenté de démontrer en quoi TotalEnergies n’a pas satisfait à ses devoirs de vigilance en Ouganda et en Tanzanie. Pour cela, les avocats ont détaillé les insuffisances, selon eux, du plan de vigilance de la firme pétrolière. Mais ils ont également mis en avant l’urgence et la gravité des périls estimés sur le terrain, comme les atteintes aux droits de l’homme et les dommages imminents qui pourraient être causés à l’environnement.
« L’affaire est emblématique, n’ayons pas peur des mots », a déclaré une des avocates de la partie plaignante. Il s’agit, selon elle, « de mettre fin à l’impunité des multinationales sur leurs activités à l’étranger ».
« On garde espoir car nos preuves et notre dossier sont très solides. On espère que le juge ordonnera enfin à Total de prendre des mesures concrètes pour faire cesser ces violations des droits humains et ces risques de dommages irréversibles pour l’environnement », a déclaré Juliette Renaud, responsable de campagne des Amis de la Terre.
« Nous ne sommes pas à notre place »
La défense de Total a, elle, dénoncé cette « obstination » à vouloir en faire un cas emblématique et critiqué une « vision maximaliste » des ONG. Les avocats de la major du pétrole n’ont pas plaidé sur le fond du dossier, au contraire des plaignants. Ils ont préféré s’en tenir à un argumentaire formaliste, détaillant les points selon lesquels ce cas ne serait pas recevable dans une procédure concernant le devoir de vigilance.
Pour la major, les revendications sur les problématiques de compensations du foncier et d’aide alimentaire, par exemple, n’en relève pas. Ils ont également plaidé l’autonomie de la filiale ougandaise par rapport à Paris. « Nous ne sommes pas à notre place », a conclu la défense, précisant que Total est prêt à entrer en médiation, conciliation.
« Des aspects juridiques qui ne tiennent pas la route »
Une position qualifiée de « tragique » par l’eurodéputé Pierre Larrouturou qui regrette que « les avocats de Total ont refusé de parler du fond et sont restés sur des aspects juridiques qui ne tiennent pas la route ».
« Total Ouganda est une filiale à 100% de TotalEnergies. C’est Patrick Pouyané lui-même qui est allé signer à Kampala la décision d’investissement. Et s’ils font des bénéfices, ils reviendront à 100% à TotalEnergies. C’est tragique de voir comment les avocats de Total ont fui le débat. Ils ne veulent pas parler du problème du climat ni de la biodiversité », a-t-il ajouté. Sollicité à la sortie de l’audience TotalEnergies n’a pas souhaité réagir.
Le procès a été mis en délibéré au 28 février prochain. Et certains, comme Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle et rapporteur de la loi sur le devoir de vigilance, attendent beaucoup de ce procès car « la loi est toujours créé par les premiers procès ».