Dimanche 18 juin en fin d’après-midi, des hommes armés ont pris d’assaut le campement Kangaba, dans la banlieue est de la ville, un site notamment prisé des touristes occidentaux. Le dernier bilan disponible fait état de sept morts, dont cinq assaillants, quatre blessés et une trentaine d’otages libérés. Adam Thiam, journaliste, éditorialiste, réagit au micro de RFI.
RFI: quelle est votre réaction après cette attaque à Bamako ?
Adam Thiam : Un peu de surprise, beaucoup de déception et d’amertume. Parce que le campement était un endroit très prisé, à la fois des Occidentaux et des Maliens, mais vraiment un endroit très retiré de Bamako, avec un cadre très accueillant. C’est dommage qu’il ait été attaqué et je suis sûr que ça va prendre du temps avant que le campement retrouve ses clients et sa réputation d’antan.
Est-ce que vous avez été surpris par cette attaque ?
Oui, parce que ça fait quelques mois qu’il y a des alertes sur Bamako. On aurait pensé que ça allait être compliqué d’attaquer des endroits comme le campement.
Non, parce que ce pays traverse des moments extrêmement difficiles. Nous avons eu beaucoup d’attaques ces temps-ci et elles continuent d’ailleurs. Pas plus tard qu’il y a deux jours, des militaires ont été attaqués au Nord. Au Centre, les gens sont attaqués. Le sud, Bamako avait déjà été attaqué par deux fois. Et donc oui, c’est dans l’ordre normal d’un pays qui vit une insécurité assez importante.
Effectivement, on le sait, les attaques sont récurrentes dans le nord et dans le centre ces derniers temps. Est-ce que pour vous le fait que la capitale soit à nouveau visée est un signe que cette menace désormais est partout dans le pays ?
Même avant cette attaque on savait que la menace était presque partout, parce qu’en fait même le Sud avait été attaqué. Vous vous souvenez, il y a une sœur qui a été enlevée au sud du pays… Mais comme Bamako n’avait pas été attaquée depuis l’attaque du Radisson, on se prenait à espérer que la capitale serait épargnée, que les investissements allaient reprendre petit à petit et que le tourisme allait reprendre. Mais voilà…
Face à cette menace, est-ce qu’en tant que Bamakois vous aviez l’impression que de réels efforts de sécurité avaient été faits pour essayer de prévenir de telles attaques ?
Je ne sais pas. C’est-à-dire que s’il y a des efforts de faits ce n’est pas très visible. C’est-à-dire que nous ne sommes pas dans la situation où chaque hôtel reçoit un petit contingent de militaires ou de gardes. Je pense qu’il va falloir prendre la pleine mesure de l’insécurité et faire ce qu’on voit dans beaucoup de capitales : des patrouilles, une espèce de saturation de l’espace qui peut être vraiment dissuasive pour les attaques, en particulier contre des endroits fréquentés, surtout par des Occidentaux.
J’ai vu des hôtels où on voit des forces de sécurité maliennes. Ça ne semblait pas être le cas au campement, ce n’est pas le cas dans beaucoup d’autres hôtels et ça les rend plus vulnérables. Or, même si le bilan n’a rien à voir avec l’hôtel Radisson, le bilan est relativement léger, mais la fréquence des attaques est très, très mauvaise pour la reprise des affaires.
Vous le disiez justement, un bilan de deux morts et en revanche, 36 personnes qui ont pu être libérées, un fusil mitrailleur apparemment retrouvé avec des cocktails Molotov… Que vous inspire ce mode opératoire ?
Je ne suis pas un spécialiste de sécurité. Ce n’est certainement pas l’œuvre de grands caciques du mouvement jihadiste : quatre assaillants, deux morts et puis toutes ces personnes ont pu être libérées. Il est possible que nous ayons affaire à des amateurs.
Quel est le sentiment prégnant à Bamako après cette attaque ? De la surprise, de l’angoisse ? Comment réagissent les Bamakois ?
Ceux que je fréquente me semblaient très étonnés. C’est presque la psychose de l’hôtel Radisson ou de La Terrasse qui revenait. Mais dans un sens, il faut que les Bamakois sachent qu’il y a des parties du pays qui sont constamment attaquées, qui connaissent des attaques récurrentes et bien plus graves. Et de ce point de vue-là, effectivement, ça nous amène à un peu d’humilité, de solidarité pour l’ensemble du pays, en particulier pour les zones qui sont constamment attaquées.