Dimanche 18 juin en fin d’après-midi, des hommes armés ont pris d’assaut le campement Kangaba, situé dans la banlieue de la capitale, un site notamment prisé des touristes occidentaux. Les forces maliennes ont donné l’assaut vers 19h, heure locale. Le dernier bilan officiel fait état de deux morts civils, quatre blessés, quatre assaillants abattus, cinq autres capturés, et une trentaine d’otages libérés.
Les restes du campement Kangaba, à l’est de Bamako, ont brûlé toute la nuit après avoir été incendiés par deux petits groupes de terroristes, selon le ministre de la Sécurité Salif Traoré. Ce lundi matin, une dizaine de véhicules stationnaient dans la cour du campement. Ils appartiennent aux clients qui ont été obligés d’abandonner leurs véhicules.
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Dans l’après-midi de dimanche, deux petits groupes de terroristes se sont attaqués à ce lieu très prisé des expatriés et des Occidentaux. Selon des témoins, les assaillants seraient arrivés en voiture et à moto par deux endroits distincts. Ils connaissaient la configuration des lieux, ils connaissaient le terrain, toujours selon le général Traoré. Ils auraient d’abord tiré en l’air avant de tirer sur des clients installés autour d’une piscine. D’après une source, ils cherchaient surtout à abattre des Occidentaux. Le campement est un petit village éparpillé sur les colines verdoyantes. C’est ce qui a rendu si difficile le travail des forces spéciales anti-terroriste maliennes. Selon plusieurs témoignages concordants, c’est un militaire occidental, qui se trouvait en permission au campement qui aurait ouvert le feu le premier sur les assaillants, les forçant à se retrancher.
Après avoir tiré sur les clients, les terroristes se sont cachés dans la montagne et sur le site, harcelant pendant des heures les militaires et prenant en otage plus de trente clients.
Au complexe, un autre homme, civil cette fois, a joué un rôle majeur. Il s’appelle Lassana Coulibaly, il est le caissier de la terrasse, qui se trouve sur les hauteurs du campement. Il connaît les lieux et, lorsque qu’il a vu venir les terroristes, il s’est empressé d’amener des clients dans une grotte afin de les y dissimuler.
La zone a été bouclée par les forces spéciales anti-terroristes du Mali. Depuis l’attentat au Radisson Blu, en novembre 2015, le Mali a développé tout un système de Forces de réaction rapide, les Forsat. Elles ont été appuyées par des éléments de la Minusma, la mission des Nations unies et des militaires européens. Les militaires maliens ont donné l’assaut vers 19h, heure locale. L’assaut des soldats s’est terminé après quelques dizaines de minutes.
Ces forces sont intervenues très rapidement, c’est indéniable, mais selon plusieurs témoignages concordants, c’est une intervention à l’intérieur de l’hôtel dès le début de l’assaut qui a permis de mettre les assaillants en déroute.
Selon plusieurs témoignages, il y avait des militaires occidentaux, des Français, mais aussi des soldats européens déployés au Mali, qui se trouvaient en permission au sein de ce campement. Au moins l’un d’entre eux aurait ouvert le feu le premier sur les assaillants. Il les a donc forcés à se retrancher.
Opérations de ratissage
S’en est suivie une longue opération de sécurisation dans un complexe vaste, fait de multiples huttes à ratisser. Des tirs sporadiques ont été entendus une partie de la soirée. Les opérations de ratissage se sont poursuivies toute la nuit. Un pistolet mitrailleur et des cocktails Molotov ont été retrouvés.
Le bilan a plusieurs fois changé. Le dernier, qui émane du général Salif Traoré, fait état de quatre assaillants tués par les forces de sécurité, cinq autres capturés. Et il y a par ailleurs deux victimes, dont une Franco-Gabonaise. Ainsi que quatre blessés, dont au moins un militaire malien et 36 otages secourus.
Jihadistes présumés
« Nous avons été alertés vers 16h comme quoi il y avait des coups de feu, explique le général Salif Traoré. Immédiatement, des forces de sécurité sont arrivées. A leur arrivée, les assaillants se sont retranchés derrière les collines. Et ils ont essayé de tenir le terrain. Au départ, nous avons pensé que c’était des bandits armés mais nous connaissons le mode d’action des bandits armés et ils ne tiennent pas le terrain. Nous pensons donc à une attaque terroriste. C’est pourquoi le procureur antiterroriste est déjà sur place avec ses éléments. »
Selon le ministère de la Sécurité, il s’agirait donc d’une opération menée par des « jihadistes présumés ». Les assaillants auraient crié « Allah akbar ! » (Dieu est grand), d’après plusieurs personnes secourues.
« Quand ils sont rentrés [dans le campement, Ndlr], ils ont ouvert le feu, raconte un témoin. Ils disaient « Allah akbar, Allah akbar » et ils tiraient. Les gens se sont affolés. Il y a beaucoup de Blancs parmi les clients du campement. Certains ont commencé à s’échapper vers la colline. Moi je parle d’attaque [pas de prise d’otages, Ndlr] parce qu’ils n’ont pas cherché à prendre quelqu’un, ils ont commencé à tirer sur les gens. Tous ceux qui bougeaient, ils leur tiraient dessus. »
Il y a neuf jours, l’ambassade américaine au Mali avertissait ses ressortissants sur des menaces d’attaques à Bamako contre des missions diplomatiques occidentales, des lieux de cultes, des sites fréquentés par des Occidentaux. Elle demandait aux Américains d’éviter les lieux peu sécurisés, les églises, les restaurants et les hôtels. Le département d’Etat conseillait de ne pas se rendre au Mali.
Les précédentes attaques en Afrique de l’ouest
Le 7 mars 2015, un homme attaque avec grenade et arme automatique le bar-restaurant La Terrasse, en plein coeur de la capitale, et fait cinq morts. Ce premier attentat meurtrier contre un lieu fréquenté surtout par des Occidentaux, est revendiqué par le groupe Al Mourabitoune, de Mokhtar Belmokhtar.
Cinq mois plus tard, le 7 août, un commando fait une dizaine de morts à l’hôtel Le Byblos, à Sévaré, qui accueille du personnel de la Minusma. Al Mourabitoune mais aussi le Front de libération du Macina, revendiquent l’acte, laissant entrevoir une perméabilité des groupes terroristes.
En novembre 2015, attaque du Radisson Blu de Bamako, 20 morts. Belmoktar, encore lui, scelle alors sa réconciliation avec Aqmi par une revendication conjointe, tandis que le Front de libération du Macina affirme avoir mené le raid avec Ansar Dine.
Début 2016, deux autres pays sont touchés :
- Le Burkina Faso en janvier, où 30 personnes sont abattues à l’hôtel Le Splendid et au restaurant Le Capuccino de Ouagadougou
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La Côte d’Ivoire, où l’attaque contre la station balnéaire de Grand Bassam, en mars, fait 19 morts.
Aqmi revendique ces deux opérations, tout en créditant spécifiquement le groupe de Belmokhtar pour celle du Burkina.
Enfin, le 22 mars 2016, une attaque contre l’hôtel Nord-Sud de Bamako qui abrite la mission militaire européenne est repoussée.