Le président des États-Unis Joe Biden vient de retirer quatre pays africains de l’Agoa : la Centrafrique, le Gabon, le Niger et l’Ouganda. Est-ce que ces pays profitaient vraiment de l’Agoa ? Ou est-ce que cette sanction est surtout symbolique ?
Joy Basu : Les conséquences sont bien réelles. Car, pour ces pays, c’est une grande opportunité de bénéficier de l’Agoa et certains d’entre eux en ont profité de manière significative. Mais la symbolique est aussi très importante, pour les valeurs de l’Agoa, qui est à la fois un programme de développement économique, mais dont l’aspect droits de l’homme et droits politiques, est très contraignant.
Entre 2021 et 2023, ce sont huit pays africains qui ont été retirés de l’Agoa. En coupant les liens commerciaux, est-ce que vous ne craignez pas de laisser le champ libre à d’autres partenaires étrangers ?
En effet, et je voudrais dire qu’aucun pays n’a été exclu à la légère. Les débats sont importants et profonds à Washington avant qu’un pays ne soit exclu. Parce que nous voulons voir ce programme utilisé dans toute l’Afrique subsaharienne pour réellement bénéficier aux populations. Cela étant dit, cela doit être fait d’une manière fondée sur des valeurs. Et donc, oui, d’autres pays peuvent prendre notre place. Mais nous voulons vraiment renforcer les pays et soutenir ceux qui font progresser les droits de l’homme et l’état de droit.
L’Agoa est concentrée sur l’Afrique anglophone. Est-ce qu’il y a une volonté de rééquilibrage vers l’Afrique francophone ?
La barrière de la langue est réelle pour les entreprises américaines. Nous voulons donc trouver des moyens d’aider à surmonter ce problème. Il s’agit donc de s’assurer qu’une plus grande partie des tâches administratives et des étapes à suivre pour devenir éligibles pour les entreprises soient traduites en français et dans les langues locales, mais aussi vice-versa. C’est l’une de nos priorités en Afrique francophone, mais aussi sur l’ensemble du continent.
L’Agoa doit prendre fin en 2025. Si ce n’est pas renouvelé, allez-vous parler de son renouvellement lors du forum ce week-end ?
Ce forum offre l’opportunité d’avoir une discussion sur comment améliorer l’impact d’Agoa, dans la façon dont ses règles sont écrites, et sur l’avenir que les membres du congrès américain veulent lui accorder après 2025. Je voudrais redire que l’administration Biden soutient la prolongation de l’Agoa après 2025. Mais ce sont les membres du congrès qui votent les lois.
20e Sommet de l’Agoa: des sanctions et des interrogations
Le sommet réunissant les pays africains bénéficiaires de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) a débuté le 2 novembre à Johannesburg, en Afrique du Sud. Cette loi américaine exonère certains pays africains de payer de droits de douanes pour exporter leurs produits sur le sol américain, rappelle Liza Fabbian. Mais ces faveurs commerciales s’accompagnent d’exigences en matière de démocratie ou de respect des droits humains.
À la veille du sommet, Joe Biden a ainsi fait part de son intention de priver le Gabon, le Niger, la Centrafrique et l’Ouganda de ces facilités commerciales. La politique n’est en effet jamais loin quand on parle business, entre le géant américain et l’Afrique.
Parmi les pays retirés de la liste des bénéficiaires de l’Agoa, le Niger et le Gabon, où des coups d’État ont eu lieu ces derniers mois, ont été épinglés pour leur manque de pluralisme politique et de respect de l’État de droit. Mais les États-Unis avaient déjà mis fin à leur coopération économique avec ces deux pays.
En Centrafrique, cette décision qui sanctionne « des violations flagrantes des droits humains et des droits des travailleurs » n’aura que peu de conséquences économiques.
Le coup est plus difficile à encaisser pour l’Ouganda qui avait « bâti une stratégie économique autour de (ses) exportations ». Un proche du président Yoweri Museveni a estimé que le pays a été « puni » pour avoir promulgué une loi réprimant durement l’homosexualité.
Même l’Afrique du Sud, pays hôte de ce sommet, a été mis un temps sur la sellette pour ses relations diplomatiques avec la Russie.
Ces tensions reflètent en partie les défis de l’Agoa, dont le cadre arrivera à expiration en septembre 2025 et qui affiche un bilan parfois mitigé. L’administration Biden assure « soutenir sa prolongation » et dit vouloir « améliorer son impact ».