Il y a encore quinze jours, le front avait tout d’une impasse, reconnaissait, le commandant en chef des forces ukrainiennes, pourtant la ligne de front semble en réalité moins figée qu’il n’y parait. Il y a 48 heures, l’armée de Kiev a affirmé que ses troupes étaient parvenues à s’ancrer de l’autre côté du Dniepr, près de l’embouchure du fleuve, repoussant l’armée russe de trois à huit kilomètres.
Huit kilomètres, ce serait la plus grosse poussée de l’armée ukrainienne depuis des mois. Surtout, les soldats ukrainiens sont donc parvenus à franchir le fleuve et c’est déjà un exploit, note le consultant en risques internationaux, Stéphane Audrand : « Oui, pour l’heure, il y a juste l’installation de petites poches de l’autre côté de la rive, dans cette zone marécageuse de basse terre, le long du fleuve. Et donc ce n’est pas à proprement parler une tête de pont avec une capacité de flux logistique. On a vraiment des forces légères qui sont projetées avec des petites embarcations, souvent de nuit, qui s’installent. Effectivement, c’est une nouveauté dans cette zone marécageuse que les Russes ne contestent plus. Mais ce n’est pas vraiment une tête de pont. »
Un pont nécessaire à une percée
Pour que ce premier ancrage puisse se transformer en une percée, l’armée ukrainienne devra nécessairement s’appuyer sur un pont flottant et ce ne sera pas une mince affaire de jeter au travers du Dniepr un ouvrage supportant le passage d’une infanterie motorisée, précise Stéphane Audrand.
« La première étape pour construire une tête de pont, ce serait de projeter par barges des forces un peu plus lourdes, mais assez rapidement, s’il y a une ambition de faire déboucher quatre ou cinq brigades pour une offensive. Il faut au moins un pont, idéalement deux. Ce ne sont pas des petits ponts articulés sur 900 mètres ou un kilomètre, il faut des ponts flottants, des ponts de bateau et donc la surprise opérative est quasiment impossible à obtenir. Donc pour l’instant, on a effectivement une prise de gage, c’est toujours bien de s’enkyster comme ça sur la rive adverse, ça permet d’avoir des opportunités, mais pour le moment, c’est tout ce qu’on voit. »
Les occidentaux ont bien livré des ponts flottants à l’Ukraine, ils pourraient permettre des opérations de plus grande envergure dans cette zone du front où Kiev a justement concentré des troupes très aguerries capables de mener des opérations complexes. Mais, côté ukrainien, l’avantage pourrait aussi venir de la Raspoutitza, ces abondantes pluies d’automne susceptibles de perturber l’usage massif des petits drones armés russes, véritable frein à la guerre de mouvement. Ces grandes manœuvres basées sur la vitesse, qui avaient si bien réussi à Kiev lors de la bataille de Kharkiv à l’été 2022, c’est ce que l’État-major ukrainien tente depuis de reproduire pour sortir de cette guerre de tranchée.
Guerre en Ukraine: les combats se poursuivent le long du Dniepr avec une avancée de Kiev (rfi.fr)