Sixième jour de manifestation à Al Hoceïma au Maroc où plus d’un millier de personnes s’est réuni, mercredi 31 mai, pour réclamer la libération de la quarantaine de personnes arrêtées dans le mouvement de protestation qui secoue la capitale du Rif depuis près d’une semaine. Le rassemblement s’est déroulé sans accrochage avec les forces de l’ordre. Baptisé Hirak, ce mouvement qui secoue le nord du pays depuis la fin de l’année dernière, à la suite du décès d’un pécheur, broyé dans une benne à ordure à Al Hoceïma, connaît un nouvel élan depuis le début du mois de ramadan. Des protestataires qui n’entendent pas renoncer à descendre dans la rue.
Selon Saad, étudiant en langue anglaise, la mobilisation n’est pas prête de s’arrêter. « D’après ce que nous avons vu depuis le début du mois de ramadan, je pense que les gens vont continuer à protester aussi énergiquement qu’ils le font maintenant, parce que le premier jour il n’y avait pas autant de monde, ça augmente chaque jour », estime-t-il, avant d’ajouter « les protestations ne vont pas s’arrêter à moins qu’ils acceptent nos demandes ».
La détermination des protestataires semble inébranlable, comme l’indique ce quadragénaire, agent de la fonction publique à Al Hoceïma. « On va sortir tous les soirs, jusqu’à la libération des détenus politiques. On va rester indéfiniment, toute notre vie, jusqu’à la libération de nos détenus politiques, parce que c’est un combat légal, c’est un combat social, c’est un combat à mener toute notre vie », décrit-il.
Les femmes de plus en plus visibles dans le mouvement
Devant plusieurs milliers de personnes, Nawal Benaissa harangue la foule. Cette mère au foyer de 36 ans fait partie des militants de la première heure. Elle devient aujourd’hui le visage féminin de la contestation.
« La participation des femmes dans le mouvement a toujours été omniprésente, mais après les arrestations des activistes commises par l’Etat, les femmes ont vaincu leur peur, car elles n’avaient plus d’autre choix que de sortir dans la rue pour soutenir leurs enfants, leur mari, leur père pour réclamer leur libération. Les femmes ont vu que leur présence était importante et elles sortiront jusqu’à ce qu’on libère nos détenus et jusqu’à ce qu’on réponde à nos revendications », plaide-t-elle.
Les femmes du Rif sont autant concernées que les hommes par les problèmes de la ville selon Zakia qui estime que « chaque femme a des enfants chômeurs à la maison ». Dans la région, la société est réputée conservatrice. Pourtant cette infirmière assure que les temps ont changé. « Maintenant les femmes travaillent ! Depuis 7 mois on sort toutes, même les vieilles, les femmes, les enfants, tous ! », s’exclame-t-elle. Le rendez-vous est donc donné une nouvelle fois ce jeudi pour un nouveau rassemblement après la rupture du jeûne du ramadan.
■ Les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la contestation
Le rôle et l’influence de ces réseaux dépassent largement le rôle des médias classiques. L’existence de ces médias permet au Hirak d’exister, de continuer et de s’élargir. Le mouvement de contestation doit beaucoup de sa réussite à la force de frappe des réseaux sociaux. D’ailleurs on ne compte plus le nombre de Facebook live, de vidéos Youtube ou d’images des manifestations quotidiennes qui sont diffusées en direct.
Aussitôt diffusées, ces images sont reprises et partagées des centaines de fois par une population de jeunes activistes fortement mobilisés. Ces activistes sont surtout conscients que la bataille qu’ils mènent contre la corruption et pour la dignité se gagne d’abord sur ce terrain, car ce moyen populaire de communication relaie très vite les décisions des comités formés dans chaque ville et village du Rif. Les nouvelles technologies ont relégué les médias classiques, et surtout la télé à un rôle secondaire dans la bataille de l’information.
Si les révoltes dans les pays arabes ont été baptisées « les révolutions Facebook », il en est de même aujourd’hui pour le Hirak du Rif. Pour l’instant, il n y a pas encore de réelle coordination entre les comités, qui disent ne pas avoir d’autre but que la lutte contre la corruption. Si la spontanéité du mouvement fait sa force pour le moment, son absence de structure la rend aussi vulnérable a de possibles récupérations.
rfi.fr