Des chefs d’état-major ouest-africains vont se réunir samedi au Ghana, deux jours après le feu vert donné par leurs dirigeants à l’usage de la force pour rétablir le président Mohamed Bazoum renversé par un coup d’Etat au Niger, dont le sort et les conditions de détention inquiètent.
Les chefs d’état-major de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) discuteront samedi à Accra, et feront part aux dirigeants de la Cedeao « des meilleures options » quant à leur décision d’activer et de déployer la « force en attente », selon des sources militaires régionales.
Réunis en sommet jeudi en sommet à Abuja, les dirigeants de la Cedeao ont en effet décidé de déployer une « force en attente » pour rétablir M. Bazoum, mais aucun calendrier ni modalités n’ont été dévoilés quant à l’usage possible de la force armée.
Le président ivoirien Alassane Ouattara a promis jeudi d’envoyer entre 850 et 1.100 soldats comme contribution à la force qui, selon lui, devrait pouvoir intervenir « dans les plus brefs délais ».
Des troupes nigérianes et béninoises doivent également la composer, a-t-il dit. Vendredi, le régime militaire de Niamey n’avait pas encore réagi à cette décision.
Dans les rues de la capitale, les gens vaquent normalement à leurs occupations et aucun signe d’anxiété n’est perceptible, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Plus de deux semaines après le coup d’Etat qui l’a renversé le 26 juillet, les craintes
grandissaient quant aux conditions de détention et au sort réservé au président Mohamed Bazoum, prisonnier avec sa famille depuis.
L’Union européenne a exprimé sa « profonde inquiétude » face à « la détérioration des conditions de détention » de M. Bazoum, retenu prisonnier avec sa femme et son fils.
« Intervention risquée »
Le président Bazoum et sa famille « seraient, selon les dernières informations, privés de nourriture, d’électricité et de soins depuis plusieurs jours (…). Rien ne permet de justifier un tel traitement », a dénoncé le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a lui aussi exprimé vendredi « ses vives préoccupations » sur « la détérioration des conditions de détention » de M. Bazoum.
Selon l’ONG Human Rights Watch qui s’est entretenue avec M. Bazoum, ce dernier a décrit le traitement de sa famille comme « inhumain et cruel », disant ne pas avoir d’électricité depuis le 2 août, ni aucun contact humain depuis une semaine.
Et la perspective d’une intervention militaire de la Cedeao fait craindre pour sa sécurité: selon un de ses proches, les putschistes ont brandi « la menace » de s’en prendre à lui si une telle opération était lancée.
« L’intervention va être risquée, il en est conscient, il considère qu’il faut un retour à l’ordre constitutionnel, avec ou sans lui », car « l’État de droit est plus important que sa personne », a assuré à l’AFP un de ses conseillers lui ayant parlé récemment.
La Cedeao a toutefois réaffirmé jeudi son espoir d’une résolution par la voie diplomatique.
A l’issue du sommet d’Abuja, le président du Nigeria Bola Tinubu, qui assure la présidence tournante de la Cedeao, a dit espérer « parvenir à une résolution pacifique », ajoutant qu’un recours à la force en « dernier ressort » n’était pas exclu.
Pour le Norwegian Refugee Council (NRC), « l’escalade militaire ne doit pas pousser le Niger et la région dans une crise humanitaire plus profonde » et « il est encore temps d’éviter une confrontation militaire et de trouver une solution pacifique ».
Intransigeance
Les décisions de la Cedeao ont reçu le « plein soutien » de la France, ainsi que des Etats-Unis qui soutiennent « le leadership et le travail de la Cedeao » pour le « retour à l’ordre constitutionnel ».
Ces deux pays avaient fait du Niger un pivot de leur dispositif dans la lutte contre les jihadistes armés qui sèment la mort dans un Sahel déstabilisé.
La menace d’un recours à la force avait été brandie une première fois le 30 juillet lors d’un précédent sommet de la Cedeao: un ultimatum de sept jours avait été lancé aux militaires de
Niamey pour rétablir le président Bazoum, sous peine d’intervention armée, non suivi d’effet.
Depuis, les nouveaux maîtres du Niger se sont montrés intransigeants en ayant refusé mardi d’accueillir une délégation conjointe de la Cedeao, de l’Union africaine (UA) et de l’ONU.
Les généraux au pouvoir à Niamey considèrent la Cedeao comme une organisation « à la solde » de la France, ancienne puissance coloniale et alliée indéfectible du président Bazoum. Ils en ont fait leur cible principale depuis qu’ils ont pris le pouvoir.
Juste avant le sommet d’Abuja, les auteurs du coup d’Etat ont également annoncé la formation d’un nouveau gouvernement dirigé par un Premier ministre civil, dans lequel les militaires occupent les postes clés, en particulier ceux de la Défense et de l’Intérieur.
Mais tous les pays d’Afrique de l’Ouest ne sont pas hostiles au nouveau pouvoir nigérien: le Mali et le Burkina Faso voisins, eux aussi dirigés par des militaires, ont affiché leur solidarité avec Niamey.
Ils ont même affirmé que si le pays était attaqué par la Cedeao, ce serait « une déclaration de guerre » pour eux.