Féministe : Elles sont les figures de proue d’un nouveau type de féministe, très engagée, parfois radicale et en première ligne pour défendre des causes justes, comme la série de féminicides enregistrée récemment au Sénégal. Seneweb, dans une série d’entretiens, va à leur rencontre. Pour ce second épisode, place à Fatou Warkha Samb, journaliste et la vice-coordinatrice du collectif ‘dafa doy’.
Quelle définition donnez-vous au féminisme ?
Le féminisme est d’abord une prise de conscience sur les inégalités socio-culturelles et sur le fait que nous sommes dans un monde où les droits des femmes ne sont pas toujours respectés, dans un monde où la femme n’a pas toutes les possibilités et que toutes ses compétences sont négligées en faveur des hommes. Nous sommes dans un monde où la femme est vue comme le second de l’homme, comme le deuxième sexe, vue comme une personne qui n’est pas assez «mature», pas assez «capable» de voler de ses propres ailes. C’est d’abord faire cette prise de conscience là et s’engager pour éradiquer ces inégalités. C’est cela pour moi le féminisme à savoir une prise de conscience individuelle et un engagement collectif pour essayer de changer les choses, de briser les plafonds de verre .Nous devons montrer qu’en tant que femme nous sommes aussi capables que les hommes. Nous devons avoir les mêmes droits. Nous devons occuper la place qui nous revient de droit, être considérées avec tous les mérites possibles, respecter nos droits et être prise en compte avec toutes nos spécificités.
«Nous nous sommes rendus compte qu’il est nécessaire d’intégrer des mouvements (… )»
Vous parlez tantôt d’une prise de conscience. A quel moment avez-vous senti que vous devez vous engager dans ce mouvement ?
Cette prise de conscience a été faite très tôt et depuis j’ai commencé à organiser des associations par ci par là, à faire des causeries, à sensibiliser concernant la santé sexuelle des ados, sensibiliser contre les Infections Sexuellement Transmissibles depuis 2009. Cela fait plus d’une dizaine d’années que nous sommes dans le milieu et que de plus en plus nous nous sommes rendus compte qu’il est nécessaire d’intégrer des mouvements, d’agir ensemble, d’être ensemble, d’aller rejoindre des personnes avec qui nous partageons les mêmes idéologies.
Concernant ces idéologies défendues par le féminisme, certains n’hésitent pas à vous taxer de féminisme radical. Que répondez-vous face à cela ?
Il n’y a pas de féminisme radical ou non radical. Le féminisme est un acte radical. On ne peut pas être féministe et ne pas être radical. C’est limite un pléonasme. Quand on est féministe, on milite pour une déconstruction de ce système, on milite pour éradiquer le patriarcat. On s’attaque directement au système qui défavorise les femmes et ce radicalisme n’est dirigé vers personne. Nous militons contre le système établi depuis le début et qui défavorise les femmes. Ce système n’est pas visible car il est fait de sorte qu’on le sent à travers des actes, de remarques sexistes, des violences verbales, des harcèlements et on ne se rend pas compte qu’on est en train de violer le droit des autres. Nous nous attaquons à ce système.
«Les gens pensent que nous sommes radicales, que nous luttons contre les hommes, que nous voulons prendre leur place. Nous sommes très loin de cela»
Nous essayons d’essayer d’attirer l’attention sur tous ces actes qui peuvent sembler anodins pour dire que cela n’est pas bien. C’est à travers cette attitude que les gens pensent que nous sommes radicales, que nous luttons contre les hommes, que nous voulons prendre leur place. Nous sommes très loin de cela. Ce n’est pas un homme en tant que personne qui nous intéresse mais en tant que position, la place qu’il occupe dans le système, le fait qu’il soit privilégié au détriment des femmes. Notre engagement est au-delà des individualités.
“Nous nous attaquons au système”
Nous nous attaquons au système. C’est pour cela que certains disent qu’il y a des féministes qui sont radicales et d’autres ne le sont pas de par leurs méthodes. Il y en a qui vont choisir d’être crues, directes et d’autres vont être peut-être plus diplomates. Cependant nous avons toutes le même objectif mais ce sont juste les démarches qui diffèrent. C’est les gens qui ne s’intéressent pas et qui veulent nous critiquer qui nous donnent des étiquettes de féministes radicales, gentilles etc. Il n’y a pas de féministe radicale ni de féministe gentille. Nous sommes toutes pareilles et nous défendons les mêmes causes. Nous avons toutes les mêmes visions à savoir lutter contre le système patriarcal. Ce sont les démarches qui diffèrent mais pas les attitudes. Dans cette lutte, il y a des priorités pour chacune et elles mènent leur combat par rapport à ces priorités. Mais ce qui est sûr et que nous avons en commun est le désir de changement.
Qu’est-ce qui peut selon vous être un frein à ce changement ?
Je dirai que nos réalités socio-culturelles qui font que certaines femmes ont accepté le rôle d’être une femme, de se soumettre, d’être à la disposition de l’homme. C’est une réalité et de sorte que certaines de nos mamans, de nos grands-mères pensent que la bonne démarche serait de se conformer en adéquation avec nos valeurs. C’est cette réalité qui peut être un frein pour nous qui pensons différemment.
Quels outils utilisez-vous pour contourner cela ?
Nous avons les réseaux sociaux qui jouent un rôle très important car ils nous permettent de toucher le maximum de monde et de discuter avec nos sœurs du monde entier. Ils nous font aussi découvrir que nous avons toutes les mêmes réalités. Nous nous rendons compte que nous avons les mêmes responsabilités parce que le système est partout le même. Nous avons le même objectif et les réseaux sociaux nous permettent d’amplifier nos voix. C’est un levier pour nous.