Initialement outils de communication et mines de (dés)informations, les réseaux sociaux représentent aujourd’hui, pour de nombreux gouvernements, un écueil à l’autorité. Plusieurs pays ont donc fait le choix de bloquer définitivement ces «licornes» de leur territoire.
En réaction aux violences urbaines qui ont enflammé l’Hexagone fin juin, le président Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de bloquer l’accès aux réseaux sociaux si de nouvelles insurrections civiles venaient à se produire. Ces menaces font suite à l’utilisation de Snapchat, TikTok et Telegram par les émeutiers, pour filmer leurs actes violents, leurs pillages, ou, dans une mesure qui reste difficile à quantifier, organiser des rassemblements illégaux.
Les pays à avoir déjà censuré leurs réseaux sont légions, et ils sont aussi, majoritairement, autoritaires. Sur les 196 pays étudiés par la société Surfshark depuis 2015, 62 pays auraient bloqué au moins une fois l’accès aux réseaux sociaux ou aux applications de messagerie.
Dans la plupart des cas, ces restrictions sont temporaires et visent à limiter ou contrôler les flux d’informations lors de troubles et d’évènements politiques (élections, manifestations, guerres, conflits, coups d’État, etc.). C’est le cas récent du Sénégal, où a été décidé la suspension de certaines applications digitales en réponse aux protestations contre la condamnation du leader de l’opposition Ousmane Sonko. Les licornes américaines (valorisées à plus d’un milliard de dollars, environ 900.000.000 d’euros) Facebook, Twitter, Instagram et WhatsApp, et la russe Telegram, ont ainsi été bloquées pendant plusieurs semaines.
Toutefois, certains pays ont fait le choix radical de bannir définitivement les réseaux sociaux, ou en tout cas ceux issus des grandes entreprises de tech américaines.
1-CORÉE DU NORD
De la radio à la télévision d’État, la Corée du Nord contrôle chacun de ses médias. Dans ce pays où l’écrasante majorité de la population n’a aucune connexion Wi-Fi et ignore jusqu’au concept même d’«Internet», la censure des réseaux sociaux y est à peine un enjeu subsidiaire. Seul quelques hauts fonctionnaires, une poignée de scientifiques et une élite étudiante restreinte ont un accès Internet, accès extrêmement limité par ailleurs, puisque tous les sites sud-coréens et la plupart des sites occidentaux sont bloqués. Il faut néanmoins relever que, depuis 2013, les touristes sont autorisés à accéder aux réseaux mobiles 3G, bien qu’une vidéo de 30 secondes mette environ trois heures à charger.
2-CHINE
La Chine est notoirement connue pour son régime de censure qu’elle étend jusqu’à Internet. A l’automne 2003, le ministère de la Sécurité publique de la RPC a déployé ainsi un pare-feu gigantesque pour contrôler la navigation de ses citoyens et le flux d’informations en ligne. Ce «Grand Pare-feu» chinois, ou «Grand Firewall», intervient au niveau des serveurs DNS pour empêcher ses utilisateurs d’accéder à certains sites. La liste est longue des plates-formes interdites par le gouvernement, mais comprend grosso modo tous les services de streaming et les médias sociaux occidentaux.
Si la Chine se détache de l’Internet conventionnel, elle propose en aval des alternatives locales. Ainsi, le pays dispose de son propre réseau social national, Weibo, sur lequel les utilisateurs peuvent se connecter sous le regard attentif du gouvernement. Bien qu’issue d’une entreprise chinoise, la version occidentale du réseau social TikTok n’est par ailleurs pas disponible sur le territoire. C’est Douyin, son application sœur, qui y est utilisée, en proposant les mêmes fonctions mais avec une censure renforcée.
3-TURKMÉNISTAN
Le gouvernement turkmène contrôle étroitement l’utilisation des médias de masse et des réseaux sociaux, et toute critique à l’encontre du président ou du gouvernement est expressément interdite. La plupart des citoyens n’ont accès qu’à un intranet local, nommé le Turkmenet, et qui ne donne pas accès aux réseaux sociaux extérieurs tels que Facebook ou Twitter. Le pays disposerait en revanche de son propre système de réseau social, bien qu’il soit difficile d’en confirmer l’existence.
4-RUSSIE
Dès 2019, le pays entreprend de construire des systèmes pour isoler entièrement l’Internet russe du reste de la toile, y compris des réseaux mobiles, une initiative qualifiée de «rideau de fer en ligne» par certains. La même année, la Russie présente un projet de loi visant à infliger une amende aux internautes et aux sites critiquant ouvertement le gouvernement.
Depuis son invasion de l’Ukraine en février 2022, la Russie opère une escalade en censure de ses réseaux sociaux. Twitter, Facebook et Instagram rejoignent ainsi le Panthéon des milliers d’autres sites internet déjà bloqués pour extrémisme. Le gouvernement russe a par ailleurs commencé à collaborer avec des responsables de la sécurité du «Grand Pare-feu» chinois afin de réglementer son cadre de filtrage des sites internet.