Alors que les combattants en Ukraine reçoivent déjà certains avantages – parfois seulement sur le papier ou avec du retard –, Vladimir Poutine entend désormais démontrer qu’il peut installer ceux qu’il juge comme les plus méritants aux commandes du pays.
C’est un signe parmi tant d’autres que Vladimir Poutine tient à valoriser – au-delà du symbolique – la place des vétérans dans la société. Mercredi 2 octobre, tard dans la soirée, les téléspectateurs russes ont pu regarder l’entretien de promotion d’Artiom Joga, nommé représentant du président dans le district fédéral de l’Oural, avec le chef de l’État. Jamais la nomination d’un envoyé spécial du président dans une région n’avait reçu une couverture médiatique aussi importante. L’information a ensuite été reprise plusieurs fois jeudi matin, notamment sur la chaîne de télévision Perviy Kanal qui a ouvert ses journaux télévisés les plus regardés par un reportage de plus de 6 mn sur le sujet.
Jusqu’ici, ce type d’annonces était plutôt évoqué en quelques phrases dans les journaux. Même la nomination d’Alexeï Dioumine, réputé être du premier cercle de Vladimir Poutine, à un poste de conseiller présidentiel en mai dernier, avait été diffusée à la télévision sous la forme d’un court texte et d’un extrait de son discours d’adieu à la région de Toula dont il était jusque-là gouverneur. La première chaîne du pays n’avait consacré que 55 secondes à cette information.
« Le Temps des héros »
Artiom Joga est en effet issu de la première promotion d’un tout nouveau programme de formation destiné aux militaires médaillés sur le champ de bataille. Baptisé « Le Temps des héros », ce programme est placé sous la houlette du chef adjoint de l’administration présidentielle, Sergueï Kirienko. Dans une Russie fuie par la frange de la classe moyenne anti-guerre, libérale et diplômée qui était en mesure de le suivre, et où le pouvoir accélère chaque jour un peu plus la militarisation des esprits, ce programme fédéral annoncé le 29 février dernier doit permettre de faire monter en compétence des personnalités qui ont déjà démontré un critère essentiel aux yeux du pouvoir : la loyauté patriotique.
Quelque 44 000 questionnaires auraient été remplis pour faire partie de la première promotion, et 83 candidats retenus. Tous devaient remplir trois critères : avoir participé aux combats en Ukraine, avoir fait des études supérieures, et avoir de l’expérience « dans la gestion des personnes ». L’inauguration du programme avait notamment été marquée par des discours du chef de la diplomatie Sergueï Lavrov ou de l’ex-président Dimitri Medvedev.
Des avantages aux résultats mitigés
Si la nomination d’Artiom Joga constitue à ce jour la plus prestigieuse, et si Vladimir Poutine en a annoncé d’autres dans la foulée, y compris au Kremlin, il s’agit désormais aussi de montrer que le programme marche. Jusqu’ici en effet, peu de décisions de ce type ont rencontré leur objectif. Les places privilégiées pour les anciens soldats aux élections ont débouché sur de rares investitures et seulement une poignée d’élus. Quant au programme de places préférentielles dans les universités pour les enfants de combattants ou de vétérans, il a beaucoup fait grincer les dents de parents d’élèves et d’enseignants, et à ce stade, aucun de ces coups de pouce n’a semble-t-il pu permettre de glorifier un parcours éducatif brillant.
Aux diplômés de ce programme qui a toutes les attentions du président, le pouvoir promet en tout cas un avenir radieux dans cette Russie contemporaine guerrière. Jeudi matin, le porte-parole du Kremlin allait même jusqu’à déclarer : « À l’avenir, un participant à « l’opération spéciale » pourrait devenir président ».