Le festival Nyansapo, qui se décrit comme un « festival afroféministe militant », prévoit une majorité d’espaces « non-mixtes ».
Anne Hidalgo a fait savoir, dimanche 28 mai sur Twitter, qu’elle demandait l’annulation d’un festival décrit par ses détracteurs comme « interdit aux Blancs » et allait « saisir le préfet de police en ce sens ». Condamnant « avec fermeté » cet événement, la maire de Paris n’a pas exclu d’attaquer en justice ses organisateurs « pour discrimination ».
Le festival Nyansapo, prévu du 28 au 30 juillet, se présente sur son site Internet comme un « festival afroféministe militant » organisé en quatre espaces : un « non-mixte femmes noires [80 % du festival] », un « non-mixte personnes noires », un « non-mixte femmes racisées » et un dernier « ouvert à tous ». Le festival doit se dérouler à la Générale, un local situé dans le 11e arrondissement et qui appartient à la Ville de Paris.
L’annonce de la tenue de ce festival avait rapidement fait réagir Wallerand de Saint-Just, président du groupe Front national (FN) au sein de la région Ile-de-France. Ce dernier avait publié un communiqué vendredi pour dénoncer un « festival interdit aux Blancs dans des locaux publics » et interpeller la maire de paris.
La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) avait elle aussi pris position contre le festival, déplorant que « le combat antiraciste [soit] devenu l’alibi d’un repli identitaire ». Joint par LCI, le président de l’association Alain Jakubowicz a dénoncé un événement « terrifiant et déséspérant » où « des gens qui se sentent victimes de racisme ou de discrimination ne trouvent pas d’autre issue que l’entre-soi ».
Outil des luttes d’émancipation
Dimanche après-midi, à la suite de l’annonce d’Anne Hidalgo de vouloir faire interdire le festival, le hashtag #JeSoutiensMwasi (du nom du collectif qui organise le festival Nyansapo), s’est rapidement placé en tête des sujets les plus tweetés. #JeSoutiensMwasi « parce que que nous avons le droit d’exister politiquement et de militer par nous-mêmes et pour nous-mêmes », ou « parce que le “racisme anti-Blancs” est une invention de l’extrême droite et un outil contre la lutte anti-discriminations », ont par exemple réagi des internautes.
Sur les réseaux sociaux, la polémique a gonflé toute la journée. Apportant son soutien à la maire de Paris, SOS Racisme a jugé « sur le plan politique » ce festival comme une « faute – sinon une abomination – car il se complaît dans la séparation ethnique là où l’antiracisme est un mouvement dont l’objectif est post-racial ».
La Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) a quant à elle dénoncé sur Twitter « l’organisation d’un festival comportant des espaces “en non-mixité” fondés sur la race ». « La lutte contre le racisme est l’affaire de tous et ne saurait justifier tout repli identitaire. »
Cette polémique n’est pas sans rappeler celle de l’été dernier autour d’un camp d’été « décolonial » organisé à Reims et réservé « aux personnes subissant le racisme » – les non-Blancs. Cette initiative faisait suite à d’autres événements « non mixtes », où ceux qui se nomment les « racisés » entendent se retrouver pour discuter et élaborer leurs outils de lutte.
Lire aussi : La non-mixité raciale, outil d’émancipation ou repli communautaire ?
Cette forme de militantisme n’est pas nouvelle. Il s’agit d’un vieil outil des luttes d’émancipation utilisé dans les années 1960 par le mouvement noir pour les droits civiques aux Etats-Unis, puis, dans les années 1970, par les féministes en France. Plus récemment, des réunions réservées aux femmes et aux minorités de genre avaient divisé au sein du mouvement Nuit debout, place de la République à Paris.