La feuille de route des Vingt-sept pour négocier la sortie du Royaume-Uni de l’EU est une réponse sans concession à la lettre envoyée par Theresa May pour engager le divorce.
Les Européens entrent dans le vif du Brexit. Vendredi 31 mars, dans la matinée, le président du Conseil européen Donald Tusk a fait parvenir aux 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne (sans le Royaume-Uni) un document d’une demi-douzaine de pages énumérant les grands principes censés les guider pour la négociation du divorce d’avec Londres.
Ce document est crucial. Il va servir de « vade-mecum » aux négociateurs européens – Michel Barnier et son équipe de fonctionnaires de la Commission – tout au long de la discussion avec le gouvernement May. Il n’est cependant pas encore définitif : il doit encore être décortiqué, éventuellement amendé et complété par les 27 Etats membres, avant d’être formellement adopté, le 29 avril prochain, lors d’un sommet à Bruxelles.
Le « vade-mecum » final ne devrait pas différer fondamentalement de l’original : il résulte déjà d’intenses consultations entre Bruxelles, Berlin et Paris. « Il y aura des discussions sur les détails, le document sera probablement complété, mais dans les grandes lignes, il n’y a pas de désaccord [le 29 avril] », précise un officiel européen.
S’accorder sur le divorce avant de parler « relation future »
Le document, que Le Monde a pu consulter, insiste sur le fait que les Vingt-Sept veulent procéder à une négociation « par phases ». Pas question de commencer à parler d’un traité de libre-échange avec le Royaume-Uni avant de s’être mis d’accord sur les termes du divorce, contrairement à ce que souhaite le gouvernement de Theresa May, qui réclame de pouvoir discuter de la « relation future » entre Londres et l’Europe continentale le plus vite possible.
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La chancelière Merkel et le président Hollande ont déjà validé officiellement ces derniers jours cette approche « par phases », destinée à obtenir le plus vite possible des garanties sur le sort des plus de 3 millions d’Européens résidant au Royaume-Uni, et sur les obligations dont Londres devrait s’acquitter dans le cadre du budget de l’Union européenne (Bruxelles réclame jusqu’à 60 milliards d’euros).
Le scénario idéal à Bruxelles est qu’un accord sur le divorce, au moins dans ses grandes lignes, intervienne avant la fin de cette année et soit validé par un Conseil européen au plus tard en décembre, pour qu’ensuite, tout le monde puisse commencer à parler de la « relation future ». Cependant, un accord sur cette dernière ne pourra être signé qu’une fois que le Royaume-Uni sera devenu « un pays tiers », c’est-à-dire une fois le divorce prononcé.
Le document précise que les Vingt-Sept sont prêts à accepter des « arrangements transitoires dans l’intérêt de l’Union », pour accompagner la transition entre le divorce et la « relation future ». Attention cependant : ces accords de transition « doivent être clairement définis » et « limités dans le temps ». Si un « accès limité à l’acquis européen [au marché unique] devait être envisagé, cela exigerait le respect des règles en vigueur dans l’Union » – autrement dit, le respect par Londres des décisions de la Cour de justice de l’UE. Un point très sensible, les Brexiters réclamant de pouvoir se soustraire au plus vite aux arrêts de la Cour de Luxembourg.
Garanties contre le dumping
Pour ce qui est de la « relation future », les Vingt-Sept précisent d’ores et déjà qu’ils ne négocieront rien qui ne soit « équitable » entre le Royaume-Uni et l’UE et qu’elle devrait inclure des garanties contre le dumping « fiscal, social et environnemental ». Les Européens craignent que les Britanniques, pour compenser la fin de l’accès au marché unique, ne soient tentés de devenir un vaste paradis fiscal.
Les Vingt-Sept « travailleront durement pour parvenir à un accord, mais ils se prépareront aussi à l’éventualité d’un échec des négociations », précise le document. Enfin, le Conseil européen insiste sur le fait qu’il ne saurait y avoir de négociations bilatérales « entre des pays membres et le Royaume-Uni sur des sujets relatifs » au Brexit. Et que le respect de l’intégrité du marché intérieur européen (une priorité absolue des Européens) doit « exclure des négociations secteurs par secteurs », une demande pourtant formulée par Mme May dans sa lettre « article 50 » du 29 mars.
Pour ce qui est des intérêts prioritaires des Européens, le document insiste sur le sort des citoyens européens. Ils espèrent parvenir à « des garanties réciproques » et « non discriminatoires ». Pour ce qui est de l’Irlande, pays le plus affecté par le futur Brexit, le document appelle à trouver une « solution flexible et imaginative » pour éviter le retour à une « frontière dure » avec l’Irlande du Nord qui mettrait en péril les accords de paix de Belfast.