Forum de Dakar : Le Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique s’est achevé le 25 octobre. Un rendez-vous de réflexion, parfois de débats, autour de la thématique de la souveraineté. Il a notamment été question de la réforme du système des Nations unies, de la coopération militaire avec les partenaires étrangers, ou encore des coups d’État à répétition dans la région. Entretien avec la ministre sénégalaise des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall.
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RFI : Quel bilan tirez-vous de cette huitième édition du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique ?
Aïssata Tall Sall : Je pense que ce forum a été un forum réussi par la présence massive d’experts, de décideurs, d’hommes politiques, de diplomates, chacun allant de son idée, de sa proposition. L’essentiel étant que nous puissions tirer les conclusions les plus pertinentes à mettre à la disposition de la communauté internationale.
À l’ouverture du Forum, le président sénégalais Macky Sall a affirmé que « les opérations de maintien de la paix de l’ONU ont montré leurs limites ». Quelles seraient les alternatives réalistes et concrètes à court et moyen terme ?
Une alternative théorique et une alternative pratique. L’alternative théorique, c’est qu’on ne peut pas imaginer des solutions de paix en Afrique sans les Africains. L’autre côté pratique, c’est la mobilisation des ressources nécessaires. Le président Macky Sall a parlé les yeux ouverts sur notre responsabilité d’Africains. Il nous dit que la sécurité, les opérations de paix doivent être intégrées de façon permanente dans nos budgets nationaux.
Alors, nous serons peut-être encore beaucoup plus légitimes à aller demander des efforts supplémentaires par les Nations unies, par la communauté internationale, pour venir en support. Donc, réformer l’intervention des Nations unies nécessite de reformuler la doctrine même de l’intervention des Nations unies. Est-ce qu’il n’est pas plus utile de nous appuyer sur nos forces locales avant même que des forces étrangères viennent avec tout ce que cela peut comporter « d’incompatibilités » ?
Le président Macky Sall a une nouvelle fois souligné la résurgence des coups d’État dans la région. Au Burkina Faso, le nouveau chef d’État Ibrahim Traoré a promis de rendre le pouvoir aux civils en juillet 2024. Est-ce que vous y croyez ?
Bien sûr que j’y crois. Il l’a dit à la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest]. Je pense que c’est un engagement fort de sa part. Donc, jusqu’à preuve du contraire, oui, je crois que le capitaine Traoré tiendra bien cet agenda de la Cédéao.
Autre pays voisin secoué par un coup d’État, la Guinée. La Cédéao et les autorités de transition se sont accordées pour un délai de 24 mois pour un retour à l’ordre constitutionnel, mais à partir de janvier 2023. Est-ce que ce n’est pas une « astuce » pour garder le pouvoir pendant trois ans, ce que réclamait Conakry initialement ?
Je ne le dirais pas comme cela. Mais le plus important, pour la Cédéao, c’est qu’enfin on arrive à un agenda, qu’un cap soit fixé et qu’une limite soit déterminée. Tant que la limite n’est pas déterminée, le compte à rebours ne commencera pas. Donc, déjà fixer une limite, pour moi, est une grande avancée en soi.
Le Mali a sa place, ses idées également ont leur place dans ce Forum de Dakar
Toujours concernant la Cédéao, est-ce que la participation du ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, ici à Dakar, au Forum international pour la paix et la sécurité est un signe de détente entre le Mali et la Cédéao ?
Je pense que oui. Déjà, la Cédéao s’est rendue plusieurs fois au Mali. Donc, c’est normal, nous l’avons invité. J’ai adressé une invitation à mon homologue Abdoulaye Diop pour qu’il vienne, parce que les questions dont on discute sont des questions qui concernent aussi le Mali, qui concernent notre espace. Le Mali a sa place, ses idées également ont leur place dans ce Forum de Dakar dont la vocation tout compte fait est que les gens puissent parler même quand ils ne sont pas d’accord. On a assisté à un échange entre la France et le Mali. S’ils ont pu échanger à Dakar, même si c’est par débats interposés, c’est tant mieux. Le forum sert à cela.
Hors Cédéao, mais le Sénégal étant à la présidence africaine, au Tchad, on a vu la répression des manifestations qui a fait au moins 50 morts, jeudi 20 octobre, dans une mobilisation contre la prolongation du régime de transition de Mahamat Déby. Quelle est votre réaction ?
La première d’abord, c’est de regretter de façon vraiment ferme et de condamner tout ce qui s’est passé au Tchad. C’est une violence civile. C’est en cela qu’elle est grave, que rien ne justifie. L’autre réaction, c’est de respecter le principe de subsidiarité et la position de l’Union africaine sera en conformité avec la position que va exprimer la CEEAC, qui est la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Nous apprécierons la suite.