Au vu des nombreux désaccords entre les 20 pays membres, le sommet de Hambourg se conclut sur un bilan mitigé, mais pas déshonorant.
En termes familiers, on appelle cela sauver la face. Pour éviter le pire, qui aurait été de ne pas trouver d’accord du tout, les membres du G20 se sont entendus, samedi 8 juillet à Hambourg, pour acter leurs divergences sur la question du climat afin de pouvoir afficher un compromis sur le reste. Pour la première fois depuis qu’il a été créé, en 2008, le G20 s’est en effet conclu par la publication d’un communiqué qui « prend acte » de la « décision des Etats-Unis de sortir de l’accord de Paris » visant à lutter contre le réchauffement climatique, tout en qualifiant cet accord d’« irréversible » pour les 19 autres membres du G20. Ce compromis aura permis à ce sommet, qui était objectivement celui de toutes les tensions, de se conclure sur un compromis diplomatique honorable, ce qui était indispensable pour éviter que les seules images qui restent de ces deux journées soient celles d’une ville en état de siège, secouée par de violentes manifestations d’opposants face à une police manifestement débordée par les événements.
Pour Angela Merkel, qui attendait beaucoup de ce rendez-vous diplomatique à moins de trois mois des élections législatives allemandes, ce résultat peut être qualifié de succès, dans la mesure où il correspond grosso modo au scénario qu’elle avait anticipé en amont du sommet. « J’avais dit qu’il fallait que nous trouvions des compromis mais en même temps que nous ne cachions pas nos désaccords. C’est ce que nous avons fait », s’est félicitée la chancelière allemande, samedi après-midi, lors de sa conférence de presse finale. « Je considère que le texte a permis (…) de maintenir les équilibres indispensables et d’éviter toute marche en arrière », a commenté pour sa part Emmanuel Macron, qui a reconnu que « ce fut difficile comme nous le savions avant même le sommet ». Sur le climat, le président français s’est montré toutefois plus optimiste et volontariste que la chancelière, affirmant qu’il espérait « convaincre » le président américain de revenir sur sa décision, et annonçant la tenue d’un « sommet d’étape », le 12 décembre, deux ans jour pour jour après la signature de l’accord de Paris, « afin de prendre de nouvelles actions pour le climat, notamment sur le plan financier ».
Compte tenu de la somme des désaccords existant entre ses membres, compte tenu surtout des bouleversements géopolitiques qui se sont produits depuis le dernier sommet du G20 à Hangzhou, en Chine, en septembre 2016 – début des négociations sur le Brexit, élections de M. Trump, basculement de plus en plus affirmé de la Turquie dans l’autoritarisme… –, le bilan du sommet de Hambourg, pour mitigé qu’il soit, n’en est pas déshonorant pour autant sur le plan diplomatique. Ce que M. Macron a résumé d’une formule assez juste en expliquant qu’« il y a une avancée sur le terrorisme et [que] le recul a été évité sur beaucoup de sujets ».
Compromis important sur le terrorisme
Avant même le début du sommet, vendredi, il est vrai que ce compromis trouvé sur le terrorisme était attendu. Il n’en est pas moins important. Sur ce sujet, les membres du G20 se sont mis d’accord sur une déclaration commune en 21 points insistant sur le rôle du Groupe d’action financière (Gafi), organisme intergouvernemental créé en 1989 qui publie des recommandations régulières pour ses 37 membres sur les manières de lutter contre la criminalité financière et le financement du terrorisme.
Sur les autres chapitres, les résultats de ce sommet du G20 sont en revanche assez modestes, et les formules assez générales que contient le communiqué final en disent long sur ce qu’il a fallu édulcorer pour, là encore, sauver la face, mais au risque de s’en tenir à des déclarations de bonnes intentions sans portée réelle… Il en va ainsi du commerce, sujet sur lequel les discussions ont été « particulièrement difficiles », a reconnu Mme Merkel.
Sans doute faut-il mesurer à l’aune de ces tensions la signification du compromis scellé à l’issue du sommet. Comme au G7 de Taormine, l’engagement de tous à lutter contre le protectionnisme est réaffirmé dans la déclaration finale. Exercice abscons pour le grand public, cette profession de foi du G20 est censée engager chacun de ses membres, et donc négociée pied à pied.
Y figurent aussi la nécessité de garder les marchés ouverts et la reconnaissance du rôle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Des formules agréées au terme d’un bras de fer avec les Etats-Unis, qui n’y étaient guère favorables. M. Macron y a pris sa part, brandissant, en pleine session de travail, son iPhone, essence du produit mondialisé avec ses composants fabriqués tout autour de la planète. « Je ne veux pas qu’on fragmente le marché international », aurait lancé le président français à ses pairs.
En échange de ses concessions, Washington a obtenu que soit mentionné le droit de recourir, si nécessaire, à « des instruments légitimes de défensecommerciale ». L’équilibre trouvé satisfait le M. Macron chantre d’une Europequi protège. « Cela reflète assez bien la position que l’on défend, lutte contre le protectionnisme et lutte contre le dumping », souligne-t-on à l’Elysée.
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Des rencontres bilatérales attendues
Cet accord de façade est pourtant loin d’avoir résolu tous les points de contentieux. Largement rhétorique, il ne permet pas d’éteindre le feu qui couve avec les Etats-Unis sur le dossier de l’acier. Le G20 a confirmé son engagement à travailler en mode collectif au sein d’un forum mondial dédié aux surcapacités dans ce secteur. Sans être nommément citée, la Chine est poliment priée d’y collaborer plus franchement. Mais que se passera-t-il si la Maison Blanche ordonne des restrictions unilatérales sur les importations d’acier ? La menace est agitée par Washington pour des raisons de sécurité nationale. Si elle se concrétisait, les Européens ont d’ores et déjà promis une réaction quasi-instantanée.
L’exemple du commerce, presque caricatural, soulève au fond une question que beaucoup se posaient déjà, mais que le sommet de Hambourg a remis sur la table, celle de l’utilité même d’une instance comme le G20. Cette utilité, M. Macron n’a pas cherché à la surestimer, sans pour autant la négliger. « Le G20 a été créé il y a dix ans pour répondre aux turbulences de la crise financière. Il est devenu aujourd’hui l’enceinte où se déroulent les grands débatssur la mondialisation, les migrations, le développement, le terrorisme, mais c’est aussi un forum où l’on constate des divergences dues à la montée de puissances autoritaires mais aussi à des incompréhensions et des imprévisibilités », a estimé le président français, samedi après-midi, avant de quitter Hambourg.
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Paradoxalement, c’est peut-être moins pour ses avancées dans le domaine du multilatéralisme que pour ce qu’il aura permis à l’échelle de certaines relations bilatérales que le sommet de Hambourg aura été utile. De ce point de vue, les tête-à-tête entre Angela Merkel et, d’un côté Donald Trump, de l’autre, Recep Tayyip Erdogan, qui ont eu lieu jeudi soir avant l’ouverture du sommet, étaient particulièrement attendus : après des semaines au cours desquelles les relations germano-américaines et germano-turques avaient été uniquement placées sous le signe de tensions chaque jour un peu plus vives, ces deux rendez-vous ont permis de rappeler que le dialogue était maintenu entre l’Allemagne et deux partenaires qui jouent un rôle essentiel dans sa politiqueétrangère.
Mais c’est surtout la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine – la première – qui restera comme le temps fort de ce sommet du G20. Une rencontre consistante sur le fond, les deux hommes s’étant accordés sur un cessez-le-feu dans le sud-ouest de la Syrie, qui devrait entrer en vigueur dimanche à la mi-journée, avec l’aide de la Jordanie. Une rencontre décisive, surtout, parce que les deux dirigeants – entre lesquels les sujets de contentieux sont lourds – ont ostensiblement affiché leur complicité, au point de discuterpendant deux heures et quart alors que leur entrevue devait à l’origine ne durerqu’une demi-heure. « Cet entretien a duré longtemps et j’en ai été ravie », a d’ailleurs commenté Mme Merkel qui a souligné que « cela profite à tout le monde quand il y a un dialogue sincère et ouvert entre la Russie et les Etats-Unis », citant notamment la Corée du Nord, le désarmement et la Syrie.