Ramadan rime avec social. En ce mois béni, plusieurs personnes, de manière individuelle ou en groupe, s’investissent dans la distribution de repas de rupture du jeun à des croyants, chaque soir. De l’eau fraiche, des dattes, du pain et du café, bref tout y passe. C’est à ce titre que des marmites de café Touba, visibles un peu partout dans des coins de rue à Dakar, notamment dans la banlieue, ornent le décor. Ici, à quelques heures de la rupture du jeun, des jeunes s’activent dans la préparation de café Touba qu’ils offrent gratuitement aux personnes qui en ont besoin, mais également à celles que l’heure de la rupture trouve loin de chez-eux.
De grandes marmites sur le feu vif, les jeunes Baye Fall préparent le café en chantant des zikr (invocations). Au tour de ces marmites, il y a plusieurs seaux en plastique qui contiennent du café déjà filtré et préparé. Nous sommes au terrain de football de la cité ISRA (Thiaroye Azur).
Selon le jeune Landing Badji, étudiant en philosophie et patron de ce groupe de Baye Fall appelé aussi Daaraji, préparer le «ndogou» (repas de rupture du jeun) nécessite des moyens consistants. C’est pour cela que ces jeunes bienfaiteurs misent d’abord sur leurs cotisations avant d’aller à la quête de bonnes volontés. Vêtu d’un pantalon noir assorti d’un Lacoste vert, il explique que «chaque membre du groupe cotise d’abord pour ne pas dépendre des autres. Et, après, on fait la quête pour augmenter le fonds», soutient Landing Badji. Ces jeunes font cet acte de partage et de solidarité dans le seul but de venir en aide aux personnes qui ne sont pas chez-eux à l’heure de la rupture du jeûne ou d’autres qui préfèrent se ravitailler auprès de ces donateurs. «On fait cela rien que pour aider certaines personnes qui n’ont pas de café et les autres qui sont en dehors de chez-eux à l’heure de la rupture», ajoute-t-il.
Au moment où Landing Badji et son groupe Daaraji s’activent autour des deux grandes marmites qui sont sur le feu, d’autres interpellent les passants. Une quête qui n’est toujours pas facile, de l’avis de Cheikh Assane Sène. Agé de 28 ans, il vit au quotidien l’incompréhension des gens hostiles à leurs activités. «Certaines personnes trouvent du plaisir à nous donner de l’argent. D’autres, par contre, nous traitent de tous les noms d’oiseaux. On nous traite souvent de profiteurs et tel n’est pas toujours le cas».
Son collègue, Assane Sène quant à lui, fustige ce comportement de certains passants. Quand approche l’heure de la rupture, de longues queues sont souvent formées par ceux qui viennent se procurer du café Touba et du «wass» (thé), mais on y voit, en général, que des enfants envoyés par leurs papas, mamans ou grand-mères. Mouhamed Faye, âgé de 9 ans, une carafe blanc à la main est venu chercher du café pour sa grand-mère, restée à la maison. Un autre jeune habillé, une carafe en aluminium à la main est quant-à lui venu pour chercher du café Touba et du wass pour son «kheud», le dernier repas de l’aube avant le démarrage du jeûne.
Vivant dans une famille nombreuse, il n’y a certes pas autant de café pour tous, c’est pour cela qu’il se rabat sur ses jeunes donateurs. «Il y a trop de monde chez-moi et j’aime bien le café. C’est la raison pour laquelle je passe souvent ici pour en avoir d’avantage», dit-il. A l’image de la cité ISRA, la pratique qui consiste à donner du Ndogu dans la rue est une réalité dans plusieurs coins dans ces quartiers populaires de Dakar. C’est le même constat fait aussi à SEPCO. Pape Ibrahima Ndiaye, étudiant en première année surnommé Baye Fall, est dans la même mouvance que Landing Badji et ses compagnons. Il soutient n’œuvrer que pour la solidarité. Ses camarades et lui dépensent «plus de 8000 F Cfa par jour pour l’achat des dattes, de pains chocolatés et autres pains-beurres» à offrir gracieusement aux jeuneurs, le soir.